Samedi 09 janvier 2021
Bonjour Journal,
Ce matin, nous avons débarqué sans encombre en Bulgarie. Irina avait réservé un hôtel devant chez Alekseï pour que je ne me perde pas si je sortais seul. Nous avons rejoint nos luxueuses chambres au mobilier rustique et massif et nous avons défait nos valises.
Je ne sais pas à quelle heure il rentrera et je ne tiens pas à le louper. Je suis décidé à faire le pied de grue devant chez lui jusqu’à ce que je puisse enfin le voir, quitte à mourir de froid. Ici, nous ne sommes pas en France, il fait trois fois plus froid. Je patienterai tout de même.
Vers 14 heures, après m’être vêtu chaudement, je suis allé me poster sur le trottoir devant l’entrée principale de la demeure de la famille Ivanov. Il faisait un vent à glacer les sangs pourtant, je suis resté debout, immobile et impassible à la météo.
Vers 17 h 30, le soleil se coucha. Le vent et le froid s’intensifièrent. J’avais la goutte au nez et le bout des doigts gelés, malgré mes gants.
Alors que j’étais résolu à retourner à l’hôtel, une grosse berline noire s’arrêta devant le portail, attendant que celui-ci s’ouvre en grand.
J’ai appelé de toutes mes forces mon Prince en espérant qu’il soit dans la voiture.
— Alekseï !... Alekseï ! Descends de cette putain de bagnole et viens me parler si t’es un homme !
La portière arrière s’ouvrit subitement. Malheureusement, ce n’est pas lui qui en descendit, mais sa sorcière de mère.
J’étais déçu et je savais que ça allait barder pour mon matricule.
Avec la nuit et le peu d’éclairage, j’ai continué à hurler son nom, en espérant qu’il soit aussi dans le véhicule.
Tout en traversant la rue, elle fit signe au garde du corps de ne pas la suivre.
Parvenue à ma hauteur, elle se mit à me hurler dessus.
— Espèce de sale voyou ! Dégage d’ici ! Tu n’as plus rien à attendre d’Alekseï ! Je n’en reviens pas que tu aies fait le voyage ! Tu n’as pas compris mes messages ! Va-t’en, espèce de sodomite, pervers...
Après tout ce qu’elle m’avait fait, ses propos ne m’impressionnaient plus, j’osai enfin soutenir son regard.
Mes yeux allaient de la Reine à la voiture noire. Je voulais voir mon Prince, le reste, je m’en foutais « Royalement ».
Brusquement, une voiture a déboîté de derrière la berline noire. Prise dans sa lancée, elle ne put freiner à temps et percuta la Reine de plein fouet.
Comme dans un film, je visualisais la scène au ralenti. Le choc, le corps de la reine s’envolant vers ma gauche, comme une poupée de chiffon, laissant sur son chemin des gouttelettes de sang suspendues dans les airs. Il roula et s’immobilisa.
Les yeux exorbités et la bouche ouverte, Sacha se figea.
Avant que je ne puisse intervenir, Alekseï sortit comme une furie par le portail. Il n’était pas dans la berline, contrairement à ce que je pensais. Il commença à chercher sa mère dans la pénombre et se précipita vers son corps inanimé. Comprenant ce qui venait de se produire, il s’agenouilla près d’elle et il la prit dans ses bras, en hurlant.
— Maman !... Maman ouvre les yeux ! Je t’en supplie, réponds-moi ! Ne meurs pas ! Maman !
— Alekseï ! Alekseï !
Alekseï releva la Tête et reconnu, Sacha de l’autre côté de la rue.
— My baby ?.... Mon amour ? Qu’est-ce que tu fous là, bordel ?..., me dit-il en pleurant. Il regarda le corps sans vie de sa mère et changea d’attitude. C’est ta faute !... Regarde ce que tu as fait ! Dégage une bonne fois pour toutes. Sors de ma vie !
Je suis resté paralysé sur mon trottoir en entendant les paroles infondées et insoutenables de l’homme que j’aimais. Mon cerveau était en mode « off ».
L’ambulance est arrivée une dizaine de minutes plus tard. Les urgentistes essayèrent en vain de la réanimer, puis ils la mirent sur une civière pour la transporter à l’hôpital.
« R.I.P. SALOPE ». Tu seras morte avant moi. Retour de Karma ma grande !
Une fois sa mère dans l’ambulance, Alekseï dédaigna enfin s’intéresser à Sacha qui n’avait pas bougé de place. Il cria son nom, le sortant de sa stupéfaction. Sacha, en larmes, tourna un instant la tête vers lui.
— Désolé Honey, je ne voulais pas que ça se passe comme ça !
Anéanti par ses mots, plus que par la mort de sa mère, j’ai couru comme un dératé jusqu’à l’hôtel.
Je suis monté dans ma chambre, j’ai attrapé quelques affaires au hasard que j’ai remises dans ma valise et je suis retourné à pied à l’aéroport, sans prévenir les filles. À ce moment-là, j’étais encore dans un état second et j’agissais comme un robot.
Une fois à l’aéroport, j’ai échangé mon billet de retour, prévu pour le mardi suivant, contre un, d’un vol qui décollait le lendemain matin.
Je ne savais pas où passer la nuit, alors je me suis traîné jusqu’à un renforcement dans l’aéroport et je me suis assis. Je me rappelle avoir observé les passagers aller et venir devant moi, sans me prêter attention. Mon cerveau avait occulté tous les bruits avoisinant depuis l’accident de la reine. À part mon nom sorti de la bouche d’Alekseï, je n’entendais plus qu’un bourdonnement étouffé.
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