Dimanche 14 février 2021
Salut journal,
Aujourd’hui, c’est la Saint-Valentin et je vais sûrement la passer seul. Je n’ai que ce que je mérite, n’est-ce pas ?
Je vais accepter l’invitation de Papy et Mamie pour ce midi et je vais leur raconter tout ce qui s’est passé depuis mon retour de Bulgarie.
Ils ont le droit d’être au courant que leur petit-fils est un gros connard, qu’il a plaqué un gars mignon et sans histoire, pour retrouver un homme qu’il doute aimer et qu’il a envie de faire souffrir.
Faut que je me magne, il est déjà midi et demi.
Bon, ce n’est pas comme s’ils ne me connaissaient pas et qu’ils ne savaient pas que j’étais tout le temps à la bourre. Je vais quand même leur envoyer un SMS pour les prévenir. Salut !
Cher Journal, encore une journée de merde…
Lorsque, je suis arrivé au château, j’ai été étonnée de voir la voiture d’Irina dans la cour. En même temps, nous étions un peu chez Sally. Elles avaient dû venir passer le week-end de la Saint-Valentin en mode princesses. J’avais entendu dire que la rouquine avait fait installer un spa dernier cri, avec sauna, table de massage et compagnie.
J’ai ouvert leur porte et en baissant la tête pour enlever mes bottes, j’ai hurlé :
— Papy, Mamie !... Je suis, là !
Lorsque je l’ai relevé pour finir ma phrase, le son de ma voix a baissé en tonalité, jusqu’à se ponctuer par un petit cri aigu. Tu sais le bruit qu’émet une petite souris qui se fait prendre dans un piège. Dégueu, hein ? Ce putain de couinement était l’unique bruit qui me faisait sentir moins seul, lorsque ces bâtards m’avaient séquestré dans le noir, dans ce vieux bâtiment. Il est bien ancré dans ma mémoire.
— Putain, Alekseï, qu’est-ce que tu fous là !
— Hé ! Calme-toi gamin ! Tu te permets d’arriver en retard, de quasi une heure et tu gueules contre notre invité.
— Désolé Papy !... Oh les filles ? Que faites-vous là ?
Je me suis jeté au cou de Sally tout en lui faisant les gros yeux. J’espérai qu’elle comprenne mon regard qui disait : pourquoi sa Majesté est-elle présente ? Surtout après notre dernière altercation devant l’ascenseur. Elle haussa les épaules m’indiquant qu’elle n’en savait pas plus que moi.
— Désolé Sacha ! J’ai croisé tes grands-parents et… Chuchota Alekseï, paraissant gêné par la situation.
— Et nous l’avons invité ! Même si vous n’êtes plus ensemble, nous apprécions Alekseï et il était seul chez lui.
— Il a essayé de se dérober à notre invitation, mais nous nous sommes montrés très convaincants.
Bon, les enfants, asseyez-vous ! Nous avons assez attendu notre marmotte aigrie.
Comme tu te peux le deviner, les filles se sont assis l’une près de l’autre. Papy et Mamie se sont mis face à face, chacun à une extrémité de la table, et moi, j’ai été obligé de m’asseoir près d’Alekseï. Super l’ambiance !
*** Alekseï ***
Super l’ambiance ! Pendant le repas, Sacha ne m’a pas décroché un mot alors que je faisais tout pour lui parler. Tu peux me passer ceci ou cela ? Tu veux boire ceci ou cela ? Que des questions ouvertes, mais il me les tendait ou se servait tout seul, sans me répondre. Les filles essayaient aussi de le pousser à m’adresser la parole, mais il ne se laissa pas distraire. Il feignait l’indifférence.
Après le repas, nous avons pris le dessert sur la terrasse chauffée que Gabriel et Enara avaient fait construire à la place de l’ancienne. C’était plaisant de recevoir la chaleur du soleil se reflétant sur le toit vitré au-dessus de moi.
Je me suis installé sur une des deux banquettes avant que quelqu’un ne prenne ces places si convoitées.
— On se fait une partie de cartes, les garçons ? Demanda Sally.
— Pas pour moi, je vais aller me dégourdir les jambes. J’ai un appel plus.
— Moi, je vais m’allonger un petit moment pour digérer. Répondis-je en positionnant mes mains derrière ma tête pour faire semblant de dormir et surveiller discrètement Sacha.
Il a mis son casque et a marché lentement jusqu’au portail. Après quelques minutes, un gars, que j’ai reconnu comme étant celui de l’université, est venu le rejoindre. Il l'a fait entrer et ils ont marché jusqu’à l’allée couverte, sur ma gauche.
Je ne devinais pas ce qu’ils se disaient, mais Sacha a gueulé puis a fait demi-tour.
L’autre est arrivé derrière lui et l’a enlacé comme je rêvais de le faire depuis si longtemps. Il a joint ses mains au niveau de sa braguette et l’a tendrement embrassé dans le cou. J’avais envie de hurler et d’aller lui mettre mon poing en pleine gueule, mais j’ai subi silencieusement.
— Putain Jules, tu ne vas pas me lâcher ? Tu ne voulais plus entendre parler de moi et là, tu me scotches ! Tu veux quoi ?
— Rien, tu me manques et comme j’ai largué mon nouveau mec, je cherche un peu de tendresse. On peut se tenir compagnie de temps en temps, non ? Je ne cherche pas de sentiments, mais juste des centimètres, si tu vois ce que je veux dire.
— Tu es sûr de toi ? Pas de sentiment ?
— Non, t’inquiètes. Je sais que tu es encore raide dingue de ton Prince charmant qui te prend pour une merde !
Au fait, c’était qui le beau gosse hier dans la BMW noire ? Elle est encore garée devant.
C’était lui ? T’es content ? Moi, je m’en pète perso, mais tu n’avais pas l’air ravi de le voir ! Il y a un truc ?
— Oui, je veux le faire payer le fait qu’il m’ait abandonné quand j’avais le plus besoin de lui. Il est allongé dans la terrasse derrière moi, méfie-toi !
— Il est chez tes grands-parents, my God ! Tu veux que je t’aide ? On peut se rendre service.
Jules avait l’air de lui rire au nez. Il tourna son postérieur vers lui et se tapa sur une fesse en tirant la langue.
— J’ai une idée, mon infirmier préféré ! Je mets un truc au point et je t’appelle.
— Vas-y, quand tu veux ! Je suis en vacances et libre comme l’air. Je peux voler jusqu’à toi et te faire ta rééducation.
— T’es devenue une salope, Jules ! J’adore ! Tu n’as vraiment pas peur de lui ? T’es un grand fou !
Je suis sûr qu’il fait semblant de dormir et qu’il doit rager. Imagine s’il te chope. Tu vas en prendre plein ton cul !
Ils éclatèrent de rire bien fort pour que je les entende et ils s’embrassèrent rapidement sur la bouche.
Sacha ! Si on se remet ensemble, je vais te mettre une fessée sur ton petit cul, que tu n’es pas près d’oublier ! Et toi crevure, je vais te défoncer, mais pas comme tu pourrais en rêver !
— Les filles ? Vous connaissez le gars avec qui discute Sacha dehors !
— Ah ! C’est Jules… Euh… C’est juste… Simulant s’être trompé de mot, Sally regarda Irina pour qu’elle prenne la relève.
— C’est juste... Un infirmier qui… Lui apportait ces repas à l’hôpital !
— C’est juste un infirmier ? Les bras autour de lui, avec ses mains sur sa bite et qui l’embrasse, c’est juste un infirmier ?
— Non, c’est juste Jules, son ex !
— Désolée Alekseï, Irina ne voulait pas faire de mauvais jeux de mots. Ça n’a pas duré longtemps et il a été un vrai enfoiré avec lui. Je te souhaite de ne jamais vivre ce que Jules à subit de la part de Sacha, mais il tient tout autant à Sacha que toi. Il pourrait lui faire n’importe quoi, qu’il accepterait. Heureusement, que Sacha n’est pas du style à abuser.
— Oh, non ! Ce n'est pas dû tout son style ! Mon baby est un vrai ange.
Lorsque je le vis revenir, je me suis assis en positon sieste avec la tête en arrière. Je serrais si fort les dents que j’avais l’impression de me décrocher la mâchoire.
***
Je suis revenu et j’ai rejoint les filles, qui avaient fini de jouer. La seule place de disponible était sur la banquette, près d'Alekseï, bien évidemment. Je me suis fait le plus petit possible pour éviter de le frôler.
À la façon, dont il avalait sa salive et le râle presque inaudible qu’il faisait en respirant, je savais qu’il était à deux doigts de… Il se leva d’un bond et partit sans dire un mot à personne.
Les larmes embrumaient ses yeux et son cerveau, de tel qu’arrivé près de sa voiture, il chuta sur la route gelée.
Alors qu’il se relevait, il aperçut une voiture, sortant du virage, venir en sa direction. Il plaça son bras devant son visage pour se protéger. Elle freina avec peine, glissa et le percuta, le projetant deux mettre plus loin sur la route, le long de la voie de stationnement.
La conductrice sortie à toute allure, le téléphone déjà en appel vers les pompiers. Elle s’agenouilla près d’Alekseï et lui caressa le visage.
— Je suis désolée… Je n’ai pas freiné à temps pour vous éviter ! Mon pauvre garçon. Je suis dés… Restez éveillé s’il vous plaît ? Ne fermez pas les yeux, restez avec moi, ils arrivent, écoutez ! Elle lui assena de petites claques pour qu’il ne sombre pas.
Alors qu’ils demeuraient interloqués par le départ inattendu de leur ami, ils ne réagirent que lorsqu’ils entendirent le crissement des pneus sur le bitume gelé.
Les filles et moi, nous nous sommes alarmés lorsque la sirène des pompiers a retenti peu de temps après le choc. Nous avons accouru vers le portail et avons constaté que les pompiers hyper-réactifs avaient déjà mis Alekseï sur une civière et le montaient dans l’ambulance.
— Nooonnn, Alekseï... !! Pas encore une fois ! Nooonnn.
Sacha vivait pour la deuxième fois la mort de son Prince. Son cœur se mit à battre à tout rompre. Irina le rattrapa alors qu’il s’évanouissait en glissant doucement au sol.
— Je l’ai encore tué les filles…. Je l’ai tué… Aleks… Il perdit connaissance.
Sally hurla à pleins poumons aux pompiers de ne pas partir.
— Blessé à terre ! Blessé à terre ! Aidez-le !
Un pompier à la carrure imposante, style bodybuilder accourut pour porter secours à Sacha.
— Ce n’est rien, Mesdemoiselles ! Il s’est juste évanoui. Nous allons le mettre dans l’ambulance et l’emmené avec le blessé pour une visite de contrôle. Si vous êtes en voiture, suivez-nous.
Il le souleva comme s’il portait une poupée de chiffon et il alla s’asseoir dans l’ambulance avec Sacha sur les genoux.
Irina courut derrière eux en criant :
— Le blond, c’est le fiancé du brun ! Ils ont vécu un accident similaire, il y a quelques mois. On ne répond pas de l’état de panique du blond à son réveil ! Attachez-le !
Les pompiers se regardèrent avec étonnement.
— D’accord, suivez-nous !
L’ambulance démarra sur les chapeaux de roues, sirènes hurlantes. Suivie de bien trop près pas Irina et Sally qui passaient les feux rouges, collées à leurs basques.
Tout le monde parvint sans encombre aux urgences. Sacha fut descendu par le pompier, mis sur une civière et attaché à temps. Il se réveilla en hurlant comme un damné et s’évanouit de nouveau. Ensuite, ce fut le tour d'Alekseï d’être descendu. Il avait les yeux rouges par les larmes, mais ouverts. Il était en état de choc.
Il se réveilla vraiment pendant la radio de son bras.
— Vous allez bien, monsieur ?
— Oui, j’ai juste mal au bras, le reste ça va.
— Avant que vous ne repreniez connaissance, nous avons réalisé un scanner cérébral pour être sûr que vous n’ayez pas de lésion. Après la radio de votre bras droit, nous allons vous poser un plâtre. Vous avez deux fractures, une, à l’humérus et une au radius.
Sacha, transféré sur un lit auquel les infirmières l’avaient harnaché, se réveilla. Laura et sa collègue, qui le surveillaient, lui bondirent aussitôt dessus, afin d’étouffer un éventuel cri.
— Sacha ! Il va bien et il est déjà debout ! Il va bien, calme-toi ! Promets-moi de ne pas crier, ok ?
Je leur fis « oui » de la tête et Laura enleva sa main. Seul un sanglot m’échappa.
— Je ne l’ai pas tué ? Hein ? Il est vivant, c’est vrai ?
— Oui, Sacha ! Ton chéri a juste une fracture au bras.
— Ce n’est plus mon chéri et il a failli ne plus jamais le devenir ! Ne lui dites pas que je suis là, s’il vous plaît.
— J’ai bien peur qu’il ne le sache déjà. Tout le monde est au courant pour vous et ne parle que de vous. Tu sais que tout le service vous apprécie énormément. Vous êtes nos petites mascottes.
Et pourquoi vous n’êtes plus ensemble !
— Il m’a laissé mourir à petit feu… Là, il faut que je sorte d’ici sans qu’il ne me voie. Je t’appellerai Laura et je raconterai tout.
J’ai ouvert la porte de la chambre, j’ai vérifié qu’il ne traînait pas dans le couloir puis j’ai foncé droit devant moi tête baissée.
Je fus stoppé dans ma course par une civière vide poussée par deux urgentistes. J’ai levé le regard afin de leur présenter mes excuses et… Au grand Diable, je me suis retrouvé nez à nez avec Alekseï qui se tenait debout face à moi. Mon prince me fixait avec un air interrogateur où se mêlait joie et chagrin.
— J’ai failli te tuer deux fois… Mais nous ne sommes pas encore quittes !
Je suis passé près de lui, me forçant à arborer un air dédaigneux.
Une fois à l’extérieur, j’ai demandé aux filles de me déposer chez moi. J’étais heureux qu’il aille bien, pourtant, je chialais toujours autant.
J’attendais quoi pour arrêter mes conneries ? De le perdre complètement ?
Il me restait un dernier coup à lui faire. Les filles s’étaient opposées à mon idée, mais elles m’avaient juré de ne rien dire.
— Allô Jules, c’est Sacha ! Toujours d’accord pour m’aider ? J’ai besoin d’un kiné ! Viens chez moi demain vers 17 h 45 et… c’est bon pour toi ?
— Bien sûr chéri, tu sais bien que je ne peux rien te refuser.
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