Chapitre 8

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Sur le chemin, la seule fille de la compagnie, et pourtant la moins complexée par ces deux jours sans douche, ronfle paisiblement affalée sur sa mule Bernadette, entre deux sacs. Soudain, un craillement la réveille. Elle a juste le temps d’éviter une pierre qui la frôle avant de s’exploser au sol.

- … et dans les z, je vous suggère le mot “zélé” pour parler d’une ardeur à servir une personne ou une cause...

- Hé ! Vous m’écoutez même pas ! J’ai failli clamser sous une caillasse.

- Nime ! Rappelez vous des mots en t, et utilisez plutôt le terme “trépasser". De plus, il est préférable de ne pas trop chercher à vous compliquer la vie. Dites simplement “pierre”.

Alerté par le bruit, Antoine a fait demi-tour.

- Vous n’êtes pas blessé mademoiselle ?

- Non, ça va ! Mais je suis sûre que ce caillou est pas tombé tout seul.

- Allons mon petit cyaniste. Ne sois pas paranoïaque, ce n’était qu'un simple éboulement. Ne t'endors pas la prochaine fois. Titoine, mon bon ami, vous devez bien savoir où est le prochain point d’eau, vous qui…

- Antoine, je suis Antoine ! Et malheureusement, non, nous avons encore beaucoup à parcourir avant de descendre l’autre versant de la montagne.

Nime scrute attentivement le haut de la falaise. Malgré la distance, elle aurait juré avoir vu une tache ocre disparaître à l’instant derrière la crête.

Alors que la nuit tombe progressivement le groupe de voyageurs, ils dressent le camp pour la nuit dans une grotte suffisamment large pour faire entrer les chevaux. Alors que Bernadette se repose à l'intérieur et que chacun vaque à ses occupations près du feu, un craillement se fait entendre dehors.

- Une corneille, ici ? Serait-ce un message de la famille Trimeras ? Voilà qui est surprenant.

- Pas tant que cela mon cher Anton, nous avons déjà un jour de retard après tout.

- C’est Antoine Monsieur… Mais nous sommes au beau milieu de…

Il n’a pas le temps de finir sa phrase qu’une ombre recouvre l’entrée de la grotte. Une grande toile sale, brodée de symboles rouges, obstrue l'entrée derrière eux. Marvin est le premier à réagir comme toujours, mais à cause de ces nuits blanches à profiter des bouteilles, il ne parvient pas à empêcher la condamnation de la sortie. D’un geste vif, Ethio trace un petit cercle avec son bâton pour éclairer les lieux. Aussitôt Nime reconnaît le blason.

- Encore cet ibis mangeant un serpent… pourquoi ?

- Ce symbole me dit quelque chose. Connais-tu les Cador mon petit cyaniste ? C’était l’ancienne famille d’exorcistes qui protégeait Stiss il y a plusieurs années.

- Les Cador oui, un peu. Il y a deux ans que la lignée s’est éteinte alors qu’il gouvernaient sur Stiss ! Mais je n’avais jamais vu leur blason… Jusqu’à hier quand je suis tombée.

- Tu les connais donc ? En effet, leur dernier héritier n’a pas eu d’enfant et est mort sans transmettre ses techniques.

- J’peux vous garantir que c’est pas ça qui les a fait disparaître, ces ordures. D’ailleurs ils semblent plus si éteints que ça.

- Nime… Si vous avez quelque chose à nous raconter…

- Sortons déjà d’là. Je vais leur faire payer ! Où est mon canif ?

Alors que la jeune fille rouge de colère fouille ses poches et ses sacs avec frénésie, Antoine s’avance :

- Mademoiselle, il me semble que quand vous avez coupé vos liens …

- … Il est tombé et s’est pété… J’avais oublié.

- Vous parlez du couteau que vous aviez utilisé pour trancher nos glyphes de protection et de camouflage sur la calèche à Taitai ?

- Ouais, c’est ça Ethio. Il était spécial, mais t’as rien de mieux à faire là ?

- Je vous prierais de ne pas passer vos nerfs sur moi. Je ne suis en rien responsable de la situation.

- Calmez vous, jeunes gens. En effet, ce couteau était un chef d’œuvre capable de briser un pentacle des plus raffinés, mais malheureusement il est perdu.

S'ensuivent des soupirs désespérés et des lamentations provenant surtout d’Ethio. Avec son marteau, Nime frappe le drap devenu aussi dur que la pierre, mais sans succès. Elle essaie aussi de le geler avec l'esprit de sa peluche hérisson mais rien n’y fait. Elle la remet à sa ceinture avec l’ours cyclope et le chat bariolé. Antoine part alors en reconnaissance, une lanterne à la main. Marvin boit en quelques gorgées une bouteille de plus. Désespéré, Ethio s’affale sur la boîte en fer que Nime a rapporté. Mais dès qu’il pose son glorieux postérieur dessus, elle remue furieusement. Le jeune homme se relève d’un bond, pâle comme un linge. Le lapin vert sur sa tête s’agrippe à ses “cheveux” comme à sa vie.

- Mais qu’as-tu donc enfermé dans cette boite !

- Je t’ai déjà dit de ne pas y toucher, gros nigaud.

La boîte vibre rapidement faisant le bruit atroce d’un essaim de mouches. Nime, toujours énervée, s’approche de la boîte et tape dessus pour la faire taire. Antoine revenant de son inspection, les regarde étonné et se tourne alors vers la jeune fille.

- Hum… Cher amis, nous avons peut-être un espoir. Il semblerait que cette grotte soit en réalité une ancienne mine. Certaines galeries paraissent encore praticables.

- Une mine ? Ici ?

- Oui, enfin… Ce qu’il en reste mademoiselle. C’était sûrement une des nombreuses exploitations de charbon qui alimentaient Stiss du temps où ces usines étaient encore gérées par la famille Cador. Mais celle-ci ont été abandonnées quand ils furent déchus. Et d'après ce qu’il me semble, ces mines devraient déboucher sur le versant ouest de la forêt où passe la route principale vers Paldorion.

- C’est une superbe nouvelle mon bon Antoine ! Monsieur, nous devrions y aller avant qu’un autre malheur ne nous arrive.

- En effet, c’est … une chance…

- En quoi se faire piéger ici est une bonne nouvelle ? Vous aviez raison monsieur Marvin, vous auriez dû parier à Taitai.

- Mademoiselle, si je puis me permettre, il faut parfois cesser de voir le monde avec le filtre de l’ironie.

- Mouais… C’est notre seule option de toute façon. Et il nous reste combien de temps de route ?

- Comme c’est un chemin plus direct, je dirais environ une journée et demie.

- Sérieux ? Mais ça nous a déjà pris deux jours pour monter ici !

- Oui mais nous n’avons jamais été aussi proche et ce long trajet nous a permis de faire connaissance. D’ailleurs, quel est votre lien avec les Cador ? Vous semblez… comment dire… éprouver de la rancoeur envers eux.

Nime soupire, elle regarde Marvin éteindre le feu et Ethio rassembler leurs affaires.

- C’est une histoire assez longue et nous n’avons pas…

- Oh que si mademoiselle, nous sommes piégés dans cette mine, donc jusqu’à ce que nous trouvions une issue, vous allez cesser de jouer les mystérieuses.

- Ok, j’vais vous raconter tout ça en marchant.

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