Ethio, Nime et Caroline arrivent à la bibliothèque et s'installent à une grande table. Ethio part chercher des livres dans les rayonnages tandis que le cours de Caroline commence.

- Bon, et bien, je suppose qu’on va commencer par les bases. Qu’est ce que mon père t’as appris ?

- Heu… Je sais sceller un fantôme avec des talismans, des fils et des clous.

- Non, qu’est ce qu’il t’as appris sur les fantômes, tu connais au moins la théorie de la dispersion des âmes ?

- On n'allait pas souvent à la bibliothèque, alors…

- Je vois, on est vraiment mal dans ce cas. Bref, voici comment les fantômes apparaissent. Lorsqu’une personne meurt, son âme se disperse. Mais quand son esprit est encore empreint d’une très forte émotion, l'âme est trop lourde et se change alors en spectre prisonnier entre deux mondes.

- Oh… Mais là, tu m'apprends rien ! Bien sûr que je savais déjà que c’étaient des humains. Tu me prends pour une buse ?

- Non, mais savais-tu que les fantômes peuvent avoir trois caractéristiques différentes ?

- Ah ! ça oui : Ceux qui font du froid, ceux qui possèdent les gens et ceux qui arrivent à toucher des trucs.

- Oui, glacial, possesseur et physique. Les plus forts peuvent cumuler ces trois aspects. Est-ce tout ce que tu connais ?

- En gros oui.

Ethio revient avec une pile de livres dans chaque bras et pose le tout sur la table.

- Je me doutais bien que ces écrits vous intéresseraient.

- A vrai dire, le cas de Nime est plus grave que ce que je pensais.

- Dans ce cas, dois-je aussi ramener les livres pour débutants ?

- Oui, je viens t’aider à tout porter.

Bien vite, les deux aînées entassent devant Nime des montagnes d’ouvrages.

- Stop ! Je ne pourrai jamais apprendre tout ça, mon examen c’est demain !

- Pourtant c’est seulement le programme des première année, sans compter que nous devons aussi vérifier votre niveau d’écriture. Tenez, recopiez ce paragraphe pour commencer.

Nime commence à recopier en tirant la langue les caractères un par un, sous le regard désespéré d’Ethio. Caroline pose une énième pile de livres en soupirant.

- Elle n’y arrivera jamais…

- Super, merci de croire en moi.

- Je vais trouver une autre solution, on se retrouve demain pour ton examen. Ethio, apprend lui juste à écrire ok ?

- Hé ! Mais je sais écrire !

Caroline court dehors et disparaît dans la foule ne laissant que ses deux énergumènes perdus parmi leurs piles de bouquins.

Les heures défilent et Nime dépérit. À force de tracer encore et encore les mêmes caractères, ses lettres, auparavant carrées et saccadées, s'arrondissent et deviennent presque harmonieuses. Quand la grande horloge sonne l’heure de rentrer, tous les deux partent pour la résidence de Marvin. Nime est vidée, mais son professeur rayonne en arrivant. Ils sont accueillis par une charmante dame au cheveux grisonnant et au sourire contagieux.

- Ethio ! On m’avait prévenue que tu reviendrais avec une amie. Alors mon petit, alors qui-est-ce ?

- Madame Bertine, je vous présente Nime, Nime voici Madame Bertine.

- Mais oui, c'est vous la quiche !

- C’est ma spécialité. Justement, je vous en ai préparé une pour ce soir. Installez-vous à table. J’ai fait vos chambres pour cette nuit.

Après un bon repas, ils ne tardèrent pas à s’endormir.

Dés le petit matin, Ethio s’agite autour de son activité favorite : rendre Nime présentable et respectable aux yeux de la bonne société paldorienne. Tout le monde est lavé, parfumé et débarrassé de la crasse du voyage de la veille, mais Ethio insiste encore pour que madame Bertine démêle la tignasse de Nime. Un moment délicat à passer. La jeune fille se retrouve avec les cheveux rabattus en arrière et du gel pour dompter sa frange rebelle. Affublée d’un tailleur bleu marine presque à sa taille, elle accroche par précaution à sa ceinture, son petit ours cyclope jaune fluo qui dénote avec sa tenue formelle.

Enfin prête, elle part puis arrive à la Grande Bibliothèque Chrysocale avec trente minutes d’avance, par mesure de précaution. Le bâtiment rutilant est assailli par une foule de gens couverts de plumes, paillettes et fourrures attendent devant les portes. Parmi eux, Halvor, facilement identifiable par sa stature qui dépasse tous les autres participants d’une bonne tête. Soudain, une petite dame affublée d’un large chapeau fleuri et des grosses lunettes attire son attention. Elle est accompagnée d’un homme maigre comme un clou avec une choucroute rousse et flamboyante sur la tête. La dame se rapproche discrètement et lui tapote l’épaule en abaissant ses lunettes. Elle chuchote :

- Nime, c'est moi.

- Caroline !!! Mais, qu’est ce que tu fiches là… et surtout, c’est quoi cet accoutrement ?

- Tsss. Tu peux parler, avec la peluche que tu trimbales... Bref, j’ai trouvé LA solution. Donc, pour toi, je suis finalement allé voir mon frère.

- Salut !

- Enchanté de rencontrer les amis de ma sœur. Comment allez-vous ?

- Chut ! Plus tard les questions, Arold. Nime, j’ai un plan !

- Tricher ?

- Exactement ! Comment le sais-tu ?

- Mais, comment comptes-tu faire ? Ethio a passé des heures à m'expliquer que cet exam est, genre, super sécurisé.

- Tiens prend ça, c’est un artefact unique que j’ai emprunté à mon frère : “Le Monocle du Grand Sage”. En fonction de la question lue, il permet d’afficher directement la bonne réponse sur son verre… Du moins, si elle existe dans l’un des livres de notre bibliothèque.

- Oui, plutôt cool, non ? Et en échange Caro doit passer la semaine avec moi avec après midi shopping le mercredi et le samedi.

- N’en rajoute pas Arold ! Tiens Nime, prends-le.

- Un monocle ? Sérieuse, bonjour la discrétion.

Nime tourne la tête de droite et gauche en coinçant le monocle sous son sourcil. Devant-elle, un grand écriteau fait la publicité d’une pâtisserie : “Quel est le croquant secret de nos croustillants croissants ?”

Aussitôt, son monocle est envahit de petites lettres bleues lumineuses affichant une recette à base de copeaux de bois. Assaillie, elle le retire rapidement et se tourne vers Caroline.

- Mais, c’est pas du tout discret ! Je vais me faire chopper.

- Bien sûr que non, c’est un artefact unique très peu connu, il y a plein de trucs bizarres comme ça chez moi.

- J’vais quand même essayer un truc. File moi tes lunettes.

Sans même attendre de réponse, Nime récupère les lunettes sur le nez de Caroline.

- Mais qu’est ce que tu fais !

Nime superpose le monocle sur un des verres de la monture et note que la taille est la même. Alors, elle se penche pour saisir son petit canif dans sa chaussure. Elle fait sauter le verre droit, sous le regard hagard de Caroline et son frère, et le remplace par le monocle.

Malheureusement, le monocle, mal ajusté, manque de tomber plusieurs fois. C’est Arold qui vient à sa rescousse en lui tendant un petit tube de colle à strass. Nime lie ainsi les deux parties et fourre le tube de colle dans sa poche. Deux minutes plus tard, elle secoue les lunettes pour vérifier que l’assemblage est solide. Les deux Jouvence en face d’elle l'arrêtent aussitôt en grinçant des dents.

- Mais qu’est ce que tu ne comprends pas dans “c’est un artefact unique”.

- Tout va bien ! Ça n’est qu’une simple précaution d’usage, vous auriez dû prévoir qu’un tel artefact doive être discret et solide à la fois !

- Ma parole ! T’as suivi d'autres cours avec Ethio ?

- Oui, hier, grâce à toi. Des fois ça sort comme ça et j’me mets à parler comme lui.

- Non, je ne pense pas que tu atteindras un jour son niveau, même si il te donne des cours pendant dix ans.

Elles pouffent discrètement de rire pendant qu’Arold observe la foule. De nombreux participants commencent à s’avancer vers les portes de la bibliothèque qui s'ouvrent. Arold attrape Caroline et pousse Nime avec un sourire amusé.

- Bon, je récupère ma sœur, courage petite Nime.

- J’suis pas petite !