CA CHAUFFE (suite)

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Munis de leur appareil dûment programmé, Gaspard et sa compagne pénétrèrent villa Léandre. Il était presque vingt heures et le thermomètre affichait encore trente-neuf degrés. Pour atteindre la porte d’entrée du logement de Sélène, les deux partenaires durent se frayer un chemin à travers des amoncellements de végétaux desséchés, accumulés sur le sol. Toutes les cours environnantes étaient couvertes des restes rabougris de ce qui avait été, peu de temps auparavant, une exubérante végétation, un paradis luxuriant, pour parisiens privilégiés.

— Coucou ! C’est nous ! Lança gaiement Luna en pénétrant dans l’appartement ; bien sûr, seul Gaspard pouvait l’entendre. Pourtant, chose amusante, par un curieux hasard, Adrien et Sélène semblèrent l’avoir entendue. En tous cas, c’est l’impression qu’ils donnèrent à leurs visiteurs.

Adrien prit la parole :

— Bonsoir les amis, je pense que vous êtes présents… Nous sommes prêts à recevoir votre message. Nous espérons que vous entendez le son de nos voix. À vous…

Alors, Luna appuya sur la touche envoi de son interface. Le texte en caractères blancs s’afficha sur le fond bleu du vieux moniteur cathodique. Adrien enregistra immédiatement le troublant message qui, pour lui, venait tout droit d’outre-tombe.

— Vous êtes bien présents ! S’assura Sélène. Je n’y crois pas, c’est trop merveilleux ! Gaspard, je m’adresse à toi. Comment vas-tu mon chéri ? Prends soin de ma sœur surtout… Tu lui as expliqué comment on a élucidé l’énigme de l’accident ? —Sélène ne réalisait pas que Gaspard pouvait parfaitement l’entendre— Dis-lui que je l’aime très fort ! Je compte sur toi. Adrien s’occupe de moi et me protège comme tu as su me protéger. Je suis vieille, peut-être qu’on se reverra bientôt… Je te passe Adrien.

— Allô ? Gaspard ? C’est ton pote ! Tu vas bien ? Je ne sais pas où tu es, mais sache qu’on va étudier « le problème Marcel » de très près. Vous pouvez compter sur nous ! Il faudrait qu’on se donne rendez-vous comme ce soir, disons la semaine prochaine, on fera le point. Ok ? À bientôt ! On vous aime… Post-scriptum : ici, c’est chaud… C’est infernal, j’espère que chez vous, il fait meilleur… Ciao !

En guise d’au revoir, Luna fit disparaître et ralluma deux fois le message sur l’ordinateur, en espérant que sa sœur et Adrien comprendraient la manœuvre. Sélène, alors s’adressant à la cantonade :

— A bientôt, prenez soin de vous !

La technique de communication rudimentaire de Luna avait été parfaitement reçue !

— Bon, Adrien ! Lança Sélène, on a du pain sur la planche ! T’as une idée par quoi commencer ? Comment trouver des gens qui se souviennent de mon père après tant d’années ? Ils sont sûrement tous morts !

— Il faut que je réfléchisse… D’après ce qu’on sait, il a été avocat spécialisé dans la défense des droits d’auteurs… Tu sais pas s’il avait gardé des dossiers ? Est-ce qu’ils auraient été conservés ?

— Je sais pas… Hésita sélène, il y a une caisse qui lui appartenait dans le débarras… Edmond et Catherine me l’avaient remise, après le mariage… Avec Gaspard. Si on doit trouver quelque chose, ce sera sûrement dedans. Je regarderai demain matin.

— Il fait trop chaud, rétorqua Adrien, je pourrai pas dormir. Je préfère qu’on fouille dans cette caisse tout de suite.

En marchant péniblement, Sélène partit chercher la caisse et l’ouvrit devant son mari :

— Je te laisse faire, je suis crevée, je vais me coucher.

— Comme tu veux ma chérie. A tout à l’heure, dors bien.

Pendant que sa femme allait se coucher, Adrien se mit en devoir d’éplucher les documents entassés dans la vieille caisse en bois. Il empila d’un côté des paquets de lettres et de vieilles cartes postales et d’un autre côté, tout ce qui laissait penser à des dossiers d’actions juridiques. Il était certain que la solution, s’il y en avait une, résidait dans cette pile de paperasse.

Quand soudain, une chemise rouge attira son attention. Sur le carton élimé, était collée une étiquette ; un nom et une date y étaient inscrits, vraisemblablement au stylo-plume : — Affaire BERNARD-MARIE VESLY 1941 — « Bingo ! Exulta Adrien. C’est l’écrivain Bernard-marie Vesly, et il vit encore ! Il doit pas être jeune… »

En effet, Bernard-Marie Vesly n’était plus très jeune, il affichait cent un an au compteur ! Malgré son grand âge, cet auteur-philosophe très médiatique publiait encore. Atlantiste invétéré, il était célèbre pour ses prises de positions très controversées, notamment lors de la guerre du Viêtnam et de toutes les expéditions américaines ultérieures. Adrien fit une recherche sur internet afin de trouver la maison d’édition de BM Vesly. Ainsi, il pourrait tenter de le contacter et si possible, obtenir un rendez-vous. Ce n’était pas gagné, mais ça valait le coup d’essayer.

Dès le lendemain matin, Sélène et son époux se plongèrent dans le dossier de Marcel concernant l’écrivain. Ils apprirent que le père de Sélène l’avait défendu dans une affaire de plagiat. BMV — Pour faire court, appelons-le BMV —, qui était alors un tout jeune écrivain, avait soumis son premier roman à un éditeur indélicat. Ce dernier avait détourné des chapitres entiers de son ouvrage à son profit. Marcel avait fait condamner l’éditeur qui n’avait pas interjeté appel. Ce fut le début d’une belle carrière pour BMV.

***

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