Chapitre 4

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Le travail de madame Lewis avait commencé. Elle devait mettre au monde son troisième enfant.

Gabrielle devait l'aider dans la délivrance. Pour son deuxième enfant, elle avait failli mourir et nourrissait une peur de l'accouchement bien compréhensible. Gabrielle, poussée par Lafontaine, la convainquit de sa faculté à la réconcilier avec l'acte d'enfanter grâce à une méthode toute simple de mise sous transe hypnotique qui lui permettrait de mieux vivre la douleur. Madame Lewis se montrait réceptive. Elles avaient déjà testé ensemble le protocole qu'elles mettraient en place pour le grand jour.

Gabrielle détacha le pendentif qu'elle gardait à son cou et le suspendit en demandant à Madame Lewis de le fixer de façon concentrée. Le pendentif était une pierre d'améthyste, seul vestige qu'elle tenait de sa mère. Dans le même temps, elle murmurait des prières à voix basse. Lorsque la respiration de la parturiente ralentit et que ses pupilles se dilatèrent, Gabrielle sut qu'elle accédait à l'état second où elle souhaitait l'emporter. Elle commença à passer ses mains au-dessus du ventre de Madame Lewis dans l'intention d'apaiser ses douleurs. Le visage de Madame Lewis, paraissait plus détendu, moins crispé. Elle suivait les directives de la sage-femme, poussait sans les hurlements de souffrance habituels.

Pour la première fois, Gabrielle assistait à un accouchement. Toujours concentrée sur sa tâche, elle psalmodiait des paroles réconfortantes, tout en observant l'instant magique de l'arrivée d'un petit être dans la vie.

Ester, la sage-femme n'en revint pas de la facilité avec laquelle l'enfant sortit. Seul son cri vint perturber la quiétude de l'instant. Une fois le bébé sur le ventre de sa mère, Gabrielle augmenta le son de sa voix, compta jusqu'à cinq et Madame Lewis émergea de sa transe.

Une fois revenue à son état normal, elle prit la main de Gabrielle et la serra fort.

- Merci de tout mon cœur. Vous m'avez réconcilié avec la maternité. Je ne l'oublierais pas.

Gabrielle lui sourit en caressant d'un doigt le crâne duveteux du petit garçon qui venait de naître.
Il se faisait tard et la nuit s'avançait doucement. Gabrielle devait rentrer. Sa tante était un esprit libre et ne la forçait pas à être chaperonnée à longueur de journée, mais insistait pour qu'elle revienne avant l'obscurité. Elle se dépêcha et monta sur Zoé, sa grande jument grise. Au contraire des autres filles, elle chevauchait à califourchon. Elle trouvait ça bien plus pratique. Elle partit au trot sur le chemin gravillonné.

Ashton, qui terminait le tour de ses métairies, l'aperçut au loin et accéléra le pas de Sultan pour arriver à son niveau.

- C'est un plaisir de vous revoir.

Elle ne tourna pas la tête vers lui ni ne lui répondit.

- Aurais-je l'honneur de connaître votre nom ? Maintenant que vous connaissez le mien.

Elle le regarda enfin d'un air malicieux. Il ne pouvait toujours pas contempler ses yeux. Il devina le bleu sans le voir vraiment.

- Vous faites durer le mystère ? Laissez-moi vous dire que je trouve ça... Comment dire... Séduisant.

Elle gloussa entre ses dents.

- Je ne suis personne.

En parlant, elle leva les yeux au ciel. Un ciel qui se gorgeait de nuages noirs. Des gouttes de pluie tombaient déjà sur son visage.

Ashton, qui avait suivi son regard, attrapa la bride de la jument de Gabrielle.

- Venez, il y a une maison abandonnée un peu plus loin où nous pouvons nous mettre à l'abri.

D'une certaine manière, il la contraignait. Elle le suivit donc, sous bois, jusqu'à la chaumière en pierre inhabitée. En son for intérieur, elle le remercia pour sa sage décision, car la pluie montait en intensité et ses vêtements s'imbibaient d'eau. Il l'aida à descendre de cheval et garda ses mains sur sa taille un peu plus longtemps que ne le voulait les convenances. Elle le repoussa en douceur et ils entrèrent dans la vieille bâtisse poussiéreuse alors que la pluie battait son plein.

- Tenez, dit Ashton en lui enroulant sa veste sur les épaules, vous semblez frigorifiée.

Elle le gratifia d'un sourire. Un sourire hypnotique. Il regarda sa bouche, tentante. Le désir qui couvait en lui se raviva, il perdit sa raison. Il profita de l'instant et fondit sur les lèvres de sa belle inconnue. Il l'embrassa d'abord chastement, il voulait juste goûter. Il ne s'attendait pas par ce simple geste à s'intoxiquer de son parfum, il aspirait à plus. Il força le barrage de ses lèvres, glissant ses mains sur sa taille.

Gabrielle ne réagit pas, elle se laissa surprendre par sa douceur, sa saveur. Quand il se fit plus entreprenant, elle le repoussa avec force, la veste tomba de ses épaules. Elle le regarda, les yeux remplis d'éclairs.

- De quel droit...

- Vous me plaisez et je ne crois pas me tromper en disant que je vous plais aussi.

Elle le gifla, remettant ainsi sa suffisance à sa place. Ces aristocrates étaient bien tous les mêmes à croire que tout leur était permis parce qu'ils possédaient un titre.

Elle sortit en courant, grimpa sur Zoé et partit au grand galop sous la pluie froide.

Son père, même si elle ne savait pas qui il était, n'avait pas agit différemment que le marquis de Northampton. Sa tante, et elle l'aimait pour ça, lui avait raconté avec honnêteté, les déboires de sa mère. Son géniteur l'avait séduite et l'avait abandonnée, enceinte de ses œuvres. Elle connaissait son penchant pour Ashton qui avait pris racine alors qu'elle n'était qu'une enfant. Elle devait se méfier, il était dangereux pour elle. Elle ne voulait surtout pas finir comme sa mère.

Ashton, lui, s'avérait confus. Il pensait éteindre le feu qui l'habitait en l'embrassant. Bien au contraire, son goût, son odeur s'étaient imprégnés juste ce qu'il fallait pour qu'il brûle d'obtenir davantage.

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