Chapitre 8

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- Le Marquis et la Marquise de Northampton.

Gabrielle leva les yeux sur le grand escalier de la demeure des Winsley.

Ashton apparut au bras de sa belle-mère. L'élégance incarnée, ses cheveux bruns coupés court en dépit de la mode accentuait la virilité qui émanait de lui. Ses yeux gris parcoururent la salle et rencontrèrent les siens. Il lui sourit. Elle détourna le regard, gênée. Sa tante l'attira pourtant droit dans la gueule du loup.

- Lady Compton, je suis ravie de vous revoir.

Vanessa accueillit la Vicomtesse d'un grand sourire amical.

- Lady Standford ! Cela fait si longtemps. Je suis ravie. J'ai appris que vous parrainer votre pupille. dit-elle en regardant Gabrielle.

Celle-ci trouva la dame tout de suite sympathique. Elle avait le regard franc et ne la toisait pas du haut de son titre comme tant d'autres. Son sourire était aimable et sincère. Depuis qu'elle avait entamée sa saison, Gabrielle avait rencontré peu de personne entière et surtout peu de personne de la gente féminine qui ne dédaignait pas sa pauvre petite personne. Sa tante lui assurait que cela passerait mais elle n'en croyait rien.

- Laissez moi vous présenter Mademoiselle Gabrielle Standford. Gabrielle, voici Lady Compton et son fils le Marquis de Northampton.

Gabrielle s'abîma dans une profonde révérence.

- Enchantée Lady Compton.

Elle releva les yeux sur Ashton.

- Lord Compton.

- Vous êtes charmante Mademoiselle Standford. dit Vanessa.

Ashton ne la quittait pas des yeux, subjugué par la beauté de la jolie rousse. La robe jaune qu'elle portait réhaussait son teint outrageusement ambré et les boucles qui venaient chatouiller ses épaules dénudées lui donnait l'envie de prendre leur place. Cette femme était une torture pour sa santé mentale. Son désir manquait de devenir visible. Vanessa remarqua les regards que les deux jeunes gens échangeaient, comme s'ils étaient seuls au monde.

- Ashton, je suis sûre que vous pouvez réserver une danse à Mademoiselle Standford ? dit-elle.

- Certainement maman. dit-il en remplissant déjà le carnet de bal de Gabrielle.

Il réserva un quadrille et une valse. C'était plus que les convenances l'autorisaient mais son envie était trop forte et l'aubaine trop grande.

Les deux dames s'éloignèrent des jeunes gens, les laissant seuls face à face.

- Gabrielle Standford donc. dit Ashton dans un sourire.

Elle ne répondit pas.

- Un prénom qui vous va à merveille si vous voulez mon avis. Celui d'un ange.

Elle s'agaça de sentir le rouge monter à ses joues mais Ashton Compton la mettait au supplice. Sa voix chaude et son regard pénétrant trouvait trop facilement le chemin de son coeur. Elle regarda autour d'elle, cherchant un prétexte, un secours.

Lady Compton, malgré elle, fut l'assistance involontaire de son supplice, elle interrompit leur échange.

- Mademoiselle Standford, laissez moi vous présenter ma fille Lady Mathilda.

La jeune fille de blanc vêtue était tout le portrait de sa mère. Gabrielle l'aima instantanément.

- Enchantée Mademoiselle Standford.

- Oh vous pouvez m'appeler Gabrielle. lui répondit-elle en lui tendant la main pour une poignée masculine.

Mathilda regarda la main tendue quelques secondes avant de la prendre dans la sienne dans un gloussement pas très élégant qu'elle cacha dans sa main gantée. Ashton sourit à son tour. Gabrielle comme il l'appelait déjà, ne pouvait que plaire à sa soeur.

- Je crois que nous allons bien nous entendre. dit Mathilda. Maman, il faudra inviter Gabrielle et Lady Standford à Ashby pour l'anniversaire d' Ashton.

- Mathilda. sermonna sa mère. Ce ne sont pas des manières.

- Elle a raison maman. dit Ashton, je serais ravi de compter Mademoiselle Standford et Lady Standford parmis mes invités.

Ils se tourna vers elles.

- Mesdames, me ferez-vous l'honneur d'accepter cette invitation ?

La Vicomtesse acquiesa.

- L'honneur est pour nous Lord Compton. Nous acceptons avec plaisir.

- Alors l'affaire est entendue. répliqua Ashton.

- Superbe ! s'exclama Mathilda en accrochant le bras de Gabrielle qu'elle attira dans la foule.

Les deux jeunes filles déambulèrent dans la salle de bal, Mathilda ne cessa de babiller sur son enthousiasme et le plaisir qu'elle prennait à la saison. Gabrielle avait un franc succès et son carnet fut rempli pour la soirée comme celui de Mathilda.

Elle dansa un premier quadrille avec Ashton Compton durant lequel ils n'échangérent aucune parole. Puis vint le moment de la valse. Ashton attendait ce moment depuis le début de la soirée.

Poser sa main sur la chute de rein qui le hantait depuis des mois, plonger ses yeux dans l'océan des siens, sentir le parfum sauvage qui émanait d'elle, était un rêve qui devenait réalité. Pourtant, il n'avait pas prévu le flot d'émotions qui l'assaillit en prenant sa main dans la sienne. Elle était au-delà de son fantasme et avoir déjà goûté au fruit défendu n'arrangeait rien. Ils commencèrent à tourbilloner avec les autres couples au son de la musique.

- Je voulais vous présenter mes excuses pour l'autre fois. dit-il.

- L'autre fois ?

- Oui à l'Almack's. Vous aviez raison, je me suis comporté comme un rustre.

- Seulement à l'Almack's ? le taquina-t-elle.

Son sourire espiègle faillit lui faire perdre la raison. Il ne désirait rien moins que l'isoler dans une pièce pour profiter de cette bouche bien trop tentante. Il rit doucement.

- Encore une fois vous avez raison Mademoiselle Standford. Je me dois de m'excuser aussi pour les libertés que j'ai pu prendre avec vous dans la chaumière.

Elle se contenta de le regarder et de hocher la tête. Il se pencha quelques centimètres plus bas et murmura dans son oreille.

- Mais je ne m'excuserais pas du plaisir que nous en avons pris.

Elle frisonna sous la chaleur de son souffle dans son cou et se laissa aller un peu plus contre lui. Une fois la danse finie, il la raccompagna à sa tante.

Philippe Tremaine interpella Ashton.

- Deux danses Compton ? C'est un signal ?

Le regret qui pointa dans sa voix l'étonna lui même.

- Malheureusement, cela ne se peut Philippe.

Adrian Pelham et Sophie Sinclair discutaient en retrait. Ils se connaissaient depuis l'enfance et partageaient une certaine amitié. Sans trop lui en dire, Adrian lui demanda de l'aide sur la question de Gabrielle. Cela sembla agacer Sophie.

- Vous plaisantez ? lui dit-elle.

- Pas vraiment. Je veux cette fille.

- Mais Pelham, comment pouvez-vous envisager de vous marier si en dessous de votre condition. Faites en votre maîtresse...

Adrian comprennait que Sophie pouvait être choquée de son désir d'épouser une fille en apparence sans nom. Il ne voulait surtout rien révéler sous peine que cela fuite et qu'il se fasse voler la poule aux oeufs d'or. Certes, il avait appris que Gabrielle était la bâtarde du richissime duc de Laval mais celui-ci, qui avait passé l'arme à gauche quelques mois auparavant, laissait à sa chère progéniture une fortune à faire envie à n'importe quel prétendant. Tout cela, il le tenait d'un très bon ami qui travaillait dans la banque des Standford. La baronnie de Laughton était presque en banqueroute et Gabrielle représentait donc une aubaine bien trop tentante. Il avait réservé la prochaine danse et il comptait bien mettre son plan à exécution.

- Vous êtes absolument ravissante dans cette toilette Mademoiselle Standford.

- Merci Lord Pelham.

- Oh appelez moi juste Adrian. J'ai l'impression d'être un vieux barbon sinon. Et puis, Lord Pelham c'est mon père.

Elle rit de sa plaisanterie.

- Seulement si vous m'appelez Gabrielle.

- Un prénom si doux sur mes lèvres comment refuser.

Gabrielle tourna la tête vers Ashton qui discutait avec Sophie Sinclair et Lord Sinclair.

- Ne vous bercez pas d'illusions Gabrielle. Le Marquis de Northampton a déjà son destin tout tracé avec Sophie Sinclair.

- De quelles illusions parlez-vous ?

- Allons Gabrielle, je vois bien comment vous le regardez. Il est bel homme, titré Marquis, ce qui ne gâche rien mais à part s'accorder des libertés avec vous, il ne pourra jamais rien vous apporter.

- Dites-moi, en quoi êtes-vous différent Adrian ?

- Oh moi, je ne suis l'héritier que d'une pauvre baronnie, j'ai donc plus de latitude dans le choix de mon épouse.

Gabrielle comprennait la justesse de ses paroles. Ahston Compton n'était rien moins que comme ce père qu'elle ne connaissait pas. Un homme qui piètinerait son coeur pour assouvir ses ambitions. Jamais il ne se lierait à plus basse extraction. Elle en ressentit une tristesse qu'elle accepta pour ce qu'elle était, un poids sur son coeur.

Sophie Sinclair pendant ce temps, répendait son venin.

- C'est assez incroyable de ce retrouver à l'Almack's avec la populace.

Ashton n'était pas dupe et savait parfaitement qu'elle parlait de Gabrielle Standford.

- Mademoiselle Standford est pourtant la nièce de la Vicomtesse de Winbourne. précisa-t-il.

- La nièce ! Ce qualificatif est surfait si vous voulez mon avis. Tout le monde sait bien que cette Mademoiselle Standford n'est rien d'autre qu'une bâtarde que Lady Standford a recueilli par charité chrétienne.

Peut-être que Sophie avait raison mais son ton hostile, amer, le mettait hors de lui.

- Il me semble Lady Sophie que la méchanceté dont vous faites preuve envers une jeune fille moins bien lotie que vous, ne soit pas digne de la fille du Vicomte de Woodville.

Elle le foudroya de ses yeux bleus, regarda son père à la recherche d'un secours qu'il ne lui apporta pas. Mécontente, elle prit ses jupes à deux mains et leur tourna le dos.

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