Chapitre 16

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Gabrielle, devant son miroir positionnait, le masque tressé de paille, ornementé de fleurs des champs, sur son visage. Son costume de paysanne sage, ses cheveux, rangés sous un bonnet blanc, lui donnait un air juvénile. Un bal masqué se révélait un événement amusant, les convives rivalisaient d'inventivité pour se travestir et l'ambiance s'avérait moins formelle, plus propice à un laisser aller peu conventionnel. En arrivant chez Lady Mac Cabe, Gabrielle remarqua que les aristocrates aimaient se transformer en domestiques. Il se croisait ce soir, quantité de soubrettes et majors d'homme.

Dans le couloir, Gabrielle rencontra Mathilda emmitouflée dans un grand manteau qui semblait en proie à une angoisse croissante.

- Mathilda. dit Gabrielle. Vous ne semblez pas dans votre assiette.

- Oh Gabrielle, je suis bien heureuse de vous voir.

Mathilda serra Gabrielle dans ses bras.

- Je crois avoir fait une folie. dit elle.

- Ah ? Laquelle ?

- Maman et mon frère m'ont formellement interdit de me déguiser ainsi. dit-elle en ouvrant son manteau pour laisser Gabrielle regarder sa tenue. Mais je voulais tellement porter ce costume que je ne les ai pas écoutés.

Mathilda garda le silence, mais comprenait la mère de Mathilda. Le costume était, en effet, bien trop osé.

- Maintenant, je sais que j'ai eu tort. Jamais je n'oserais me promener dans cette tenue. Et si Ashton découvre que j'ai outrepassé ses ordres, il risque de m'envoyer au couvent.

Gabrielle doutait fort qu'Ashton en arrive là, mais sa colère exploserait à coup sûr, mémorable. Elle savait pourtant qu'en aucun cas, il n'éloignerait sa sœur dans un couvent austère. Mathilda possédait un cœur pur, Gabrielle l'aimait pour ça. Elle ne pouvait que lui venir en aide pour abréger ses angoisses justifiées. Aucune jeune fille de bonne famille de dix-huit ans n'assumerait de déambuler dans un tel costume sans déclencher un scandale. Il était beaucoup trop osé, les épaules dénudées, une jupe fendue jusqu'aux hanches laissaient deviner la peau des jambes, car le déguisement ne permettait aucun sous-vêtement. Gabrielle, elle, vivait au-delà du scandale. Elle n'avait donc point de problème pour l'endosser.

- Si vous le voulez, nous pouvons échanger. Je vous prête mon costume et je prends le vôtre.

L'idée parue fabuleuse à Mathilda et les deux jeunes filles s'isolèrent dans un petit salon pour échanger leurs costumes. Celui de Mathilda allait à merveille sur Gabrielle, et même s'il compressait sa poitrine que son amie avait plus menue, elle lui allait comme un gant. Sa jambe se dévoilait à chaque pas et le masque de plumes intensifiait le mystère de son regard.

Ashton fut, à l'instant où il la vit, aimanté par ses courbes féminines et ses cheveux auburn. Déguisée ou non, il l'aurait reconnu. Chaque fois qu'il croisait son chemin, il le sentait sous sa peau. La robe qu'elle portait, indécente, moulait son corps, dévoilant ses jambes. Les plumes qui dissimulaient son visage ne suffisaient pas à masquer le bleu intense de ses yeux. Elle ressemblait à une déesse. Aphrodite en personne. L'attraction qu'elle exerçait sur lui, flambait, plus vivace de jour en jour. La voir ici dans ce costume échauffait ses sens. En même temps, il s'irritait des regards masculins qui se tournaient vers elle. Il aurait voulu la recouvrir d'un drap, cacher ce corps qui était sien à la vue des voyeurs concupiscents. Sa modération volait en éclats dès qu'elle apparaissait.

Il s'approcha et porta sa main à sa bouche plus longtemps que ne le voulait les convenances. Grisé, il l'amena à l'écart dans un petit salon, qu'il prit la peine de fermer à double tour, et fondit sur sa bouche. Elle ne le repoussa pas. Au contraire, elle se cambra dans ses bras. De ses paumes, il caressa son dos, déclenchant des frissons de plaisir. Elle glissa ses doigts dans ses cheveux. Avec lenteur, il s'écarta d'elle et plongea dans ses yeux. Chacun pouvait voir se refléter la faim de l'autre. En une prière silencieuse, il lui demandait l'autorisation. Dans un battement de cils troublé, elle lui donna son accord tacite. Il détacha, avec langueur, dans une caresse imperceptible, les bretelles de son costume. Le haut de sa robe retomba jusqu'à ses hanches, dévoilant sa poitrine nue. Il se recula pour l'admirer. Dans un geste de pudeur, elle voulut se cacher, mais il l'arrêta.

- Tu es magnifique. murmura-t-il la gorge serrée par l'émotion.

Il la souleva dans ses bras et la déposa sur la méridienne. S'agenouillant près d'elle, il embrassa de nouveau ses lèvres avec passion, prenant un sein dans sa main et en caressa du pouce son mamelon gorgé de désir. Il descendit sa bouche en pluie de baisers le long de son cou, puis plus bas, jusqu'à happer son sein et la torturer de ses dents et de sa langue. Ses soupirs se transformèrent en gémissement. Son envie s'accrut quand elle prononça son prénom en une douce supplique.

- Ashton !

Il ne résista pas et glissa sa main au creux de sa féminité, constatant ainsi le désir qu'elle avait de lui. Il accentua la succion et le va-et-vient des deux doigts qu'il plongea en elle. Il sentit l'apogée de son plaisir poindre et avala son cri d'un baiser langoureux.

Elle voulait le toucher, lui rendre le plaisir donné. Elle se releva, s'agenouilla face à lui, posa sa main sur son torse, la glissa en un effleurement torturant sur son entre-jambe. Elle le regarda dans les yeux.

- Apprends-moi.

Elle rayonnait, si belle, et elle s'offrait à lui. Ashton ne sut jamais comment il trouva le courage de refuser si charmante invitation. La tentation pulsait, forte, mais il se contenta de l'embrasser, chaste, sur les lèvres.

- Dieu que tu es tentante.

Il secoua la tête tout en raccrochant les bretelles de son costume à contrecœur. La lutte entre sa raison et sa pulsion faisait rage, il manquait de vaciller à chaque seconde.

- Pas ici ma belle.

Il la releva avec lui et la serra dans ses bras avec tendresse. Il l'embrassa une dernière fois dans son cou, sur ses lèvres, ses paupières. Il voulait emporter avec lui, ces tout petits morceaux de paradis.

- Part devant.

Elle resta muette et s'exécuta. Il la regarda sortir, admirant son déhanché et ses courbes parfaites. Il aurait pu la faire sienne sur ce canapé, mais il la savait innocente. Il ne voulait pas de ça avec elle. Il la voulait dans des draps de satin rien que pour lui, dans un lit où il pourrait prendre son temps et explorer chaque parcelle de son corps. Il rêvait de l'aimer de ses mains et de son cœur. Mais il savait qu'une seule chose le lui permettrait : le mariage.

Le bal touchait à sa fin et les invités commençaient à partir. Vanessa s'approcha d'Ashton le visage soucieux.

- Avez-vous vu Mathilda ? Je ne la voit plus depuis un moment maintenant.

- Non.

Vanessa et Ashton partirent à sa recherche, sans succès. Ils interrogèrent les invités qui restaient, mais personne ne semblait l'avoir vu. Tout à coup, une voix tonitruante résonna dans toute la salle de bal.

- Le bâtard ! Où est Gabrielle ?

Ashton scanna la pièce. Ils s'étaient quittés depuis une petite heure et il ne l'avait pas revu depuis. Peut-être était-elle avec Mathilda ? Sa sœur s'était attachée à elle.

Il s'approcha du duc.

- Ma sœur est également introuvable, peut-être sont-elles ensemble, votre Grâce.

Le duc serrait dans sa main un papier et semblait hors de lui.

- Je le tuerais ce bâtard. Enlever ma soeur juste sous mon nez, je vais l'écorcher vif.

Ashton regarda le duc, prit d'un étrange malaise.

- Votre sœur ? demanda-t-il.

- Oui Compton, ma sœur, Gabrielle.

Il lui tendit le papier froissé qu'il tenait dans sa main. Compton resta bouche bée, sidéré, Gabrielle était la sœur du duc de Laval. Lui qui pensait à une histoire entre le duc et elle. Mais comment aurait-il pu deviner ? Ashton, baissa les yeux sur la lettre. Elle venait de Pelham. Il indiquait avoir enlevé Gabrielle et consentait à l'épouser pour laver sa réputation en échange de sa dot qu'il savait être conséquente. Le duc aurait donc doté sa fille illégitime ? Une colère sourde lui étreignit la poitrine. Bâtard ne s'avérait pas un qualificatif suffisant pour décrire Pelham. Si jamais il touchait un...

- Que se passe-t-il ici ?

Tous les yeux se tournèrent vers Gabrielle qui venait d'entrer dans la pièce. Lady Wimbourne se précipita vers elle, la pressa dans ses bras, l'observant de tous les côtés.

- Vous n'avez rien ? dit la Vicomtesse

- Ma tante, je ne comprends rien...

- Où est ce bâtard de Pelham ? vociféra Louis.

- Pelham ? Je ne sais pas. Quelqu'un va-t-il m'expliquer ce qu'il se passe ?

Ashton s'approcha et pour toute réponse lui tendit le papier froissé.

- Sa Grâce a reçu cette lettre de Pelham. Il écrit vous avoir enlevé, mais vous êtes là...

Il s'arrêta net. Une alarme venait de se déclencher dans son esprit. Si Gabrielle était là, Mathilda, elle, restait introuvable.

- Gabrielle, avez-vous vu Mathilda ?

- Non pas depuis les valses... Mon Dieu...

- Quoi ?

- Mathilda et moi avons échangé nos déguisements. Serait-il possible qu'il l'ait prise pour moi ?

- Je vais l'éviscérer. dit Ashton entre ses dents.

- Oh mon Dieu ! dit Vanessa.

- Faites atteler un cheval, je pars immédiatement à leur recherche.

- Ashton, nous ne savons même pas où ils sont allés. dit Vanessa.

Ashton s'attrapa les cheveux à deux mains. Son impuissance le rendait fou.

- Emmenez-moi une carte. dit Gabrielle.

La maîtresse de maison, bien qu'incrédule, demanda à un domestique de récupérer la carte stockée dans le bureau de son mari. Tous étaient curieux.

La carte dépliée sur le sol, Gabrielle s'agenouilla, la surplomba. Devant les regards intrigués, elle défit le pendentif qui ne la quittait pas et le glissa entre son index et son pouce, l'améthyste pointant sur la carte. Elle ferma les yeux, concentrée. Le médaillon commença un lent balancement. Ashton n'osait respirer. La force qui émanait d'elle en cet instant était indescriptible. Elle rouvrit les yeux et déplaça méthodiquement le médaillon sur la carte. Celui-ci se mit à tourbillonner un peu plus au nord. Gabrielle mit son doigt sur le point que désignait son collier.

- C'est ici qu'ils se dirigent.

Ashton ne savait que penser de la démonstration de Gabrielle. Elle pointait sur Watford. Cela ne semblait pas avoir de sens, mais Watford restait le seul indice qu'il avait. Il devait se fier à elle.

- Je vous accompagne. dit Philippe Tremaine.

- Merci mon vieux.

- Moi aussi. dit Gabrielle.

Ils la regardèrent comme si elle avait perdu l'esprit. Elle croisa les bras sous sa poitrine l'air agacé.

- Je suis la seule à pouvoir les localiser.

- Dans ce cas-là, je vous accompagne aussi. dit le duc. Il est hors de question que je vous laisse courir les chemins en compagnie de deux célibataires.

- Parfait, c'est entendu alors. Lady Mac Cabe. dit-elle en s'approchant de leur hôtesse. Auriez-vous une tenue plus adéquate à me prêter ?

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