Chapitre 17

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Depuis trois heures, la calèche avançait à vive allure. Mathilda avait les os rompus. Les bras attachés dans le dos, elle était terrifiée. Elle rejoignait la salle des dames quand quelqu'un lui plaqua un tissu à l'odeur infecte sur le visage. Elle avait perdu connaissance. Et maintenant, elle se réveillait ici, à demi allongée sur la banquette de cuir rouge d'une berline qui roulait à tout rompre.

La calèche ralentit puis s'arrêta tout à fait. Elle attendit de longues minutes, l'estomac noué. La porte s'ouvrit et une lueur d'espoir s'alluma lorsqu'elle reconnut Adrian Pelham. Mais son espérance fut de courte durée.

- Ma chère, je m'excuse des brusqueries que vous avez dû subir, mais je n'avais pas d'autres choix.

Mathilda ouvrit de grands yeux. Ainsi, c'était lui qui avait organisé son enlèvement. Pourquoi ? Il ne s'était pas une seule fois intéressé à elle.

Il s'approcha, il faisait sombre, mais les rayons de lune nimbaient sa figure avide de reflets bleutés, le rendant effrayant. Il caressa du doigt le contour de son visage. De son pouce, il palpa la pulpe de ses lèvres. Mathilda ne pouvait retenir ses tremblements.

- N'ayez pas peur, je ne vous veux que du bien.

Elle fit la seule chose qui lui passa par l'esprit, elle lui mordit le pouce.

Adrian recula jusqu'au fauteuil d'en face, une grimace sur les lèvres et son pouce meurtrit dans sa main. Il releva la tête et se pétrifia.

Le bonnet de Mathilda était tombé et sa chevelure blonde cascadait dans son dos. Adrian se leva d'un bond et vint arracher le masque de son visage.

- Mathilda ! s'exclama-t-il. Que faites-vous là ?

Elle le toisa du regard le plus méprisant qu'elle put.

- Si c'est une plaisanterie, elle est de mauvais goût.

- Henri ! Henri ! hurla-t-il.

Il l'attrapa par le coude et la descendit de la voiture. Le Henri en question attendait déjà près de la portière.

- Vous n'avez pas enlevé la bonne fille espèce d'imbécile.

- Vous m'avez demandé de vous ramener la fille déguisée en paysanne avec un masque en paille. C'est ce que j'ai fait ! se défendit Henri.

Adrian regarda le costume que portait Mathilda et le masque qu'il tenait encore dans sa main. Il vit rouge et secoua Mathilda.

- Pourquoi portez-vous les affaires de Gabrielle ?

Elle recula d'un pas. C'était donc ça, il l'avait prise pour Gabrielle. Mais pourquoi enlever Gabrielle, cela n'avait pas de sens.

- Nous avons échangé nos costumes.

- Que vais-je faire maintenant ?

Il regarda Mathilda. Elle comprit le cheminement que prenaient ses pensées dans le sourire perfide qui se dessina sur ses lèvres.

- Une sœur de marquis fera bien l'affaire. Votre dot est sans doute tout aussi importante que la sienne.

Il s'agissait donc d'argent. Adrian Pelham faisait ça pour l'argent.

- Mon frère n'autorisera jamais...

- Votre réputation est perdue, Mathilda, votre frère, n'aura pas d'autres choix. J'aurais préféré la sœur d'un duc, mais puisque vous êtes là.

Il la tira jusqu'à l'entrée d'une grande maison, elle essaya de résister en vain, il était bien plus fort.
Pendant ce temps, quatre cavaliers battaient la campagne au grand galop. Lady Mac Cabe, pour convenir à Gabrielle, ne trouva que les habits de son fils. Elle était donc vêtue d'un pantalon, d'une redingote verte et de grandes bottes. Elle montait comme un homme, tout à fait à l'aise.

Ashton savait d'instinct qu'elle était faite pour lui. Il ne doutait plus. Elle deviendrait sa femme, personne ne pouvait mieux lui convenir. L'aube commençait à se lever. Le soleil du matin se reflétait sur la brume cotonneuse. Les deux éléments réunis, nimbaient la plaine et les empêchaient de voir l'horizon. Les premières fleurs du printemps parsemaient l'herbe verte. Gabrielle, malgré la gravité du moment, se délecta du spectacle de l'éveil du jour.

Ashton se demandait si Mathilda allait bien. Il frissonnait en imaginant que sa douce sœur puisse être violée par Pelham. À chaque fois que cette pensée s'immisçait dans son corps, il accélérait la cadence. Il espérait que Gabrielle ne se soit pas trompée. Sinon, ils auraient perdu un temps précieux.

Enfin, ils arrivèrent à Watford. Plusieurs chemins s'ouvraient à eux. Gabrielle tendit la main, laissant son pendentif œuvrer.

- À gauche. dit-elle.

Ils chevauchèrent encore plusieurs minutes avant d'arriver devant une demeure de taille moyenne où la voiture aux armoiries des Pelham végétait, garée.

Ashton bénit le ciel et Gabrielle. Il ne savait pas comment sa magie marchait, mais en tout cas elle fonctionnait. Il sauta de son cheval et se rua sur la porte qu'il ouvrit à grand coup de pied. Ses trois compagnons le suivirent. Pelham sortit d'une pièce, arme au poing.

- Compton, comment... ?

Ashton faisant fi du danger qui pointait sur sa poitrine, avançait menaçant sur Adrian.

- Où est ma sœur ?

La bouche d'Adrian s'étira en un rictus malveillant.

- Pas avant que nous discutions de sa dot.

- Espèce de chien, jamais je ne te donnerais ma sœur Pelham.

-  Sois content, finalement, je te laisse la jolie bâtarde de Laval.
- Traitez encore une fois ma sœur de bâtarde et vous êtes un homme mort.

Pelham se tourna vers le duc et pointa son arme sur lui. Ashton en profita pour se diriger vers les escaliers. Pelham fut plus rapide et lui tira dans le dos.

Tremaine fut sur lui en moins de cinq secondes. Il l'immobilisa, lui faisant lâcher son arme. Gabrielle regarda Ashton s'écrouler au ralenti, sur le côté, la main sur la rampe d'escalier. Elle courut vers lui, s'agenouilla et chercha, nerveuse, sa blessure. La balle avait traversé son épaule de part en part sans sembler endommager aucun organe. Ses yeux étaient vitreux, il était prêt à s'évanouir.

- Restez avec moi Ashton.

Les doigts tremblant, elle lui enleva sa veste, puis défit les boutons de sa chemise un à un. Dans une grimace souriante, il lui dit.

- Dire qu'il fallait seulement que je me prenne une balle pour que vous posiez vos jolies mains sur moi. Si j'avais su...

- Ashton. le gronda-t-elle

- J'aime mon prénom sur vos lèvres.

Elle lui imposa le silence d'un regard. Une fois Ashton torse-nu, elle déchira le bas de sa chemise pour en confectionner un bandage qu'elle serra le plus fort possible pour en faire un point de compression. Du coin de l'œil, elle voyait Tremaine et son frère s'occuper de Pelham et Henri, venu à la rescousse de son maître. Elle positionna ses mains autour de la tête d'Ashton et murmura des prières compréhensibles d'elle seule. Ashton la dévisageait, fasciné, sans le toucher, elle semblait l'envelopper de douceur. Sa douleur s'estompait. Il se rappela alors sa chute de cheval et le petit garçon... Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Le petit garçon, ses yeux, c'étaient ses yeux à elle. Depuis toujours, c'était elle. Ses yeux bleus nuits aux reflets étoilés, c'était elle.

- Ça a toujours été vous, n'est-ce pas ?

Elle lui sourit sans répondre, continuant ses incantations.

- C'était vous le garçon ?

Elle continua à l'ignorer, toujours concentrée sur sa tâche. Il n'attendait pas sa confirmation, il savait. Gabrielle était son ange gardien incarné.

Louis s'approcha du couple sur l'escalier. Gabrielle tourna les yeux vers lui et abaissa ses mains.

- Aidez-moi à l'asseoir correctement.

Et pendant que le duc aidait Gabrielle, Tremaine après avoir fini d'attacher et de bâillonner Pelham et Henri, se décida à aller chercher les autorités locales.

- Gabrielle, ma sœur...

- Oui. dit-elle en se relevant. Je vais voir.

Gabrielle gravit les escaliers deux à deux et ouvrit plusieurs portes avant de trouver Mathilda. Elle se tenait debout, raide comme un piquet dans un coin de la pièce. Elle semblait à la fois effrayée et prête à en découdre. Ses épaules s'affaissèrent lorsqu'elle reconnut son amie. Elle courut vers elle. Gabrielle la rattrapa dans le creux de ses bras.

- Mathilda, nous avons eu si peur.

- J'ai entendu des coups de feu...

- Votre frère est blessé.

- Vous pouvez me détacher ?

- Non mais il y a tout ce qu'il faut en bas, venez.

Elles descendirent toutes les deux. Mathilda cria en voyant son frère assis contre le mur.

- Ash !

Toujours les mains attachées dans le dos, elle s'agenouilla près de lui. De son bras valide, il la serra contre lui.

- J'ai eu si peur Mathilda.

Il l'écarta pour la regarder une question douloureuse au fond des yeux.

- Dis-moi que ce salop ne t'as pas touché.

Des larmes perlèrent des yeux de Mathilda en même temps qu'elle oscillait la tête pour rassurer son frère.

- Non Ash, il ne m'a pas touché.

Ashton laissa échapper un grognement et la serra contre lui. Tremaine entra à ce moment-là avec les autorités locales qui s'occupèrent des deux hommes toujours ligotés au milieu du hall d'entrée. Mathilda demanda qu'on la détache et interpella les officiers.

- Laissez-moi une minute s'il vous plaît.

Ils s'arrêtèrent, la regardant avancer vers l'officier qui traînait Adrian. Elle se planta devant lui et sans que personne ne s'attende à son geste, lui envoya son poing en plein visage. Adrian émit un son, étouffé par son bâillon, mais qui n'en était pas moins un cri de douleur. De fines gouttes de sang perlèrent de son nez. Le duc leva les sourcils et s'esclaffa.

- Dieu, votre sœur à un sacré crochet.

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