Chapitre 18

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- Je crois sincèrement que c'est la meilleure des solutions ma tante. dit le duc.

- Si vous le croyez.

- Oui, je devais me trouver une épouse et la soeur du marquis de Northampton me semble un excellent choix. Elle est d'une noble famille, bien élevée et dotée. Et il faut dire qu'elle n'est pas désagréable à regarder.

- J'espère que vous prendrez le temps de la courtiser. Quelques sentiments ne peuvent pas faire de mal dans ces histoires.

- Cela ne sera pas nécessaire.

- Qu'est-ce qui ne sera pas nécessaire mon frère ? dit Gabrielle en entrant dans la pièce.

- De courtiser Lady Mathilda. Je compte lui demander sa main.

- Mais vous ne vous êtes que très peu intéressé à elle jusqu'à présent.

- Il s'agit d'une alliance pratique ma chère sœur, non pas d'amour.

- Vous savez que vous êtes cynique là !

- Non, réaliste. Il me faut une épouse et elle doit tuer le scandale qui l'entoure dans l'œuf.

Son frère avait sans doute raison, mais elle trouvait que Mathilda méritait mieux. Elle ne put s'empêcher de prendre sa défense.

- Et avez-vous envisagé que Mathilda puisse refuser ?

- Je ne pense pas, elle n'aura pas meilleure proposition que la mienne.

Décidément, pensa Gabrielle, les hommes restaient d'indécrottables prétentieux. Il paraissait fort possible que Mathilda se plie à la volonté de son frère sur ce sujet de mariage, mais elle trouvait tout de même odieux que les femmes soient toujours obligées de payer pour les écarts de conduite de ses messieurs.

Gabrielle était venue rendre visite à Ashton, tous les jours. Chaque matin, elle positionnait ses mains sur sa plaie afin d'accélérer la cicatrisation. Au bout d'une semaine, Ashton fut presque remis. Cependant, sa blessure était le cadet de ses soucis. Il s'inquietait pour l'avenir de sa sœur. Pelham avait ruiné sa réputation. L'histoire de son enlèvement avait fait le tour de Londres en quelques heures.

Un après-midi, alors qu'elle était invitée à boire le thé avec son frère, celui-ci se leva solennel et s'adressa à Ashton.

- Compton, je suis prêt à laver la réputation de votre sœur. Je vous demande donc l'autorisation de l'épouser.

Ashton leva un sourcil et Mathilda faillit s'étrangler avec son thé, qu'elle recracha, avec discrétion, dans son mouchoir.

- Il me faut une épouse et votre sœur est tout à fait éligible. Bien sûr, nous attendrons neuf mois afin qu'aucun ragot ne vienne ternir la réputation de nos futures enfants.

Mathilda se leva d'un bond.

- Espèce de grossier personnage, pour qui me prenez vous ?

- Mathilda ! la coupa Ashton.

Elle le fixa désespérée. Ashton prit sa voix la plus douce et évita de croiser le chagrin de ses yeux.

- Mathilda, ta réputation est perdue, tu n'as pas le choix. Le duc est mieux que tout ce que je pouvais espérer.

Les larmes au bord des cils, elle bouscula son frère d'un coup d'épaule avant de sortir en criant et cavalant hors de la pièce.

- Non, non, non, je refuse !

Ashton se tourna vers Louis, le visage fermé, l'air sombre.

- Je ne peux pas la forcer.

- Bien sûr, je lui laisse le temps qu'il faudra pour réfléchir à la question. Bon, des affaires m'attendent. Je crois que vous souhaitiez discuter avec ma sœur.

Sans autre cérémonie, il les laissa seuls. Ashton se dirigea vers la porte et la ferma à double tour. Gabrielle le regarda avancer. Il s'assit à côté d'elle, prit son visage dans ses mains et plongea ses yeux dans les siens. Il embrassa d'abord le bout de son nez, ses paupières avant de s'attarder sur ses lèvres avec tendresse. Le cœur de Gabrielle se liquéfia. Il quitta sa bouche sur un sourire.

- Je te veux corps et âme Gabrielle.

Elle se mordit la lèvre inférieure. Il prit sa main dans la sienne.

- Et toi Gabrielle, veux-tu de moi ?

- Depuis toujours Ashton, je pense à vous depuis ce jour dans la forêt, alors même que je n'étais qu'une enfant.

- Et moi, j'ai souvent rêvé de vos yeux, dire que j'ai cru nourrir de coupables sentiments pour un jeune garçon.

- Oui, c'est vrai, mes cheveux étaient coupés courts à cause des poux. dit-elle en gloussant.

- Épouse-moi Gabrielle.

- Et Sophie ?

- Sophie n'était qu'un arrangement et je sais maintenant que je ne pourrais pas partager ma vie avec elle.

L'œil triste, elle lui répondit.

- Le marquis de Northampton ne peut pas épouser une bâtarde même la bâtarde d'un duc.

- Cela n'a aucune importance, pas pour moi en tout cas.

- Je ... Je ne sais pas...

Il aurait voulu lui arracher son consentement, mais il savait être patient, il saurait bien la convaincre. Elle comprendrait qu'il ne pouvait en être autrement, qu'ils étaient une évidence. Il se contenta donc de l'embrasser avec passion. Elle sortit de la pièce dans un mélange de résignation navrée et de doutes déchirants.

Pendant ce temps, Vanessa tentait de consoler Mathilda, réfugiée dans sa chambre, et qui pleurait à gros sanglots, la tête enfouie dans son oreiller.

- Je t'en prie ma chérie, cesse de pleurer.

Mathilda releva la tête, les joues humides.

- Vous ne pouvez pas m'obliger maman.

Vanessa secoua la tête et soupira devant le désarroi de son enfant.

- Non, je ne peux pas t'obliger, mais si tu prenais un peu le temps de réfléchir, tu t'apercevrais que c'est la meilleure solution dans ta situation.

- Je ne veux pas vous quitter maman.

- Il le faudra bien un jour ma chérie. dit Vanessa en caressant les cheveux de sa fille. Tu devras te créer une famille à toi.

Beckie entra pleine d'entrain dans la chambre de sa sœur et s'arrêta net devant la scène qui se déroulait dans la pièce.

- Que se passe-t-il ?

Rebecca avait quinze ans et pouvait comprendre la situation pensa Vanessa.

- Le duc de Laval a demandé la main de ta sœur.

Beckie tourna la tête vers sa sœur.

- Cela n'a pas l'air d'être une bonne nouvelle.

- Non, ce n'est pas une bonne nouvelle ! hurla Mathilda.

Beckie vint s'asseoir sur le lit et posa sa main sur l'épaule de sa sœur.

- Alors ne l'épouse pas, c'est aussi simple que cela.

- Oh Beckie ! Tu ne comprends pas, je suis une fille perdue.

- Tu as raison, je ne comprends pas. Si tu veux mon avis, ces histoires de mariage sont ennuyeuses.
Mathilda replongea la tête dans l'oreiller tentant d'étouffer ses cris de rage.

- Tu n'as que deux solutions Mathilda, soit l'épouser, soit assumer ton statut de fille perdue. Les larmes et les cris n'y changeront rien si tu veux mon avis.

Vanessa resta perplexe devant la maturité de sa fille. Elle en était à la fois fière et inquiète. Elle lui demanda de la laisser seule avec sa sœur. Rebecca ne se fit pas prier et sortit de la chambre. Les mots s'encombraient déjà dans sa tête et elle sentait le besoin de les poser sur le papier. La mésaventure de sa sœur l'inspirait. Elle s'assit sur la dernière marche en haut de l'escalier et prit son crayon et son calepin qu'elle gardait toujours dans la poche de ses jupes.

Philippe Tremaine, qui passait par là, repéra du coin de l'œil la petite Beckie. Elle paraissait contrariée, son crayon entre les lèvres. Elle ne le vit pas s'asseoir à côté d'elle. Elle sursauta presque quand il l'interpella.

- Alors petite souris, que faites vous là ?

Beckie laissa tomber son stylo qui forma un trait diagonal sur toute la longueur de sa feuille.

- Regardez ce que vous m'avez fait faire.

- Vous avez l'air contrarié.

- C'est à cause de ma sœur.

- Et qu'a fait votre adorable sœur ?

- Elle va se épouser le duc de Laval.

- Je ne comprends pas, pourquoi en êtes vous contrariée ?

- Je ne m'étonne pas que vous ne compreniez pas. Après tout, vous n'êtes qu'un homme.

Philippe s'esclaffa de la répartie de la demoiselle.

- Alors expliquez moi.

Elle prit un moment pour réfléchir avant de lui répondre.

- Disons que je trouve injuste que ma sœur soit obligée de payer les fautes de ce Pelham alors que lui peut continuer à vivre comme s'il n'avait rien fait. Et lui n'est pas tenu de se marier.

Philippe savait qu'elle avait raison. Pelham continuait à vivre sans être inquiété. Son appartenance à la noblesse le protégeait, mais le monde était ainsi fait.

- Moi, je ne me marierais jamais.

Il rit et tira sur une de ses boucles.

- Et que faites-vous de l'amour ?

- L'amour ? L'amour n'est qu'une invention pour déguiser la luxure.

Philippe secoua la tête devant tant de lucidité.

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