Chapitre 20

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Rebecca se regardait dans la glace, un air navré en tirant sur le tissu de sa robe blanche.

- On pourrait me prendre pour un garçon déguisé. dit-elle en se regardant de tout côté.

- Ne vous en faite pas Beckie. dit Vanessa. Vous serez une femme bien assez tôt.

Vanessa tourna la tête vers Mathilda, superbe dans sa robe en dentelle blanche rehaussée de rubans bleus. Pourtant, ses yeux reflétaient un chagrin indicible. Vanessa n'y pouvait rien. Elle aurait tant voulu une union d'amour pour sa fille, mais les circonstances en avaient voulu autrement. Vanessa s'était jetée dans son mariage avec une félicité et une excitation de femme amoureuse. Mathilda le faisait sans joie, tourmentée par l'avenir qui lui semblait si incertain. Vanessa avait bien tenté de lui montrer les bons côtés. Elle deviendrait duchesse et pas n'importe laquelle, une des plus prestigieuses de France, elle mettrait au monde des enfants qu'elle aimera sans aucun doute et auxquels elle pourra se raccrocher. Rien n'y faisait, sa mélancolie ne la quittait pas. Aujourd'hui était à la fois un jour de fête et un jour de tristesse. Vanessa fiançait deux de ses enfants. Ashton qui s'y rendait par amour et Mathilda qui s'inclinait par raison. Vanessa posa ses mains sur les épaules de sa fille qui croisa son regard dans la psyché.

- Tu es magnifique ma chérie.

Mathilda se mordit la lèvre. Elle perdait la main qu'elle avait sur sa vie. Elle voyait arriver la chute sans pouvoir l'empêcher. Le plus dur pour elle était de partir sur le continent, loin de sa famille. Et devenir l'épouse du duc de Laval ne l'enchantait pas. L'homme était arrogant, coureur de jupon et elle ne pourrait jamais s'attendre à sa fidélité. Elle avait rêvé d'un mariage d'amour comme celui de ses parents, mais un imbécile avait tout gâché. Pourquoi devait-elle payer pour la cruauté d'un homme ? La vie se montrait injuste. Ce soir, son destin serait scellé. Elle refoula les larmes qui menaçaient de couler. Elle s'était promis de ne pas pleurer, d'affronter l'épreuve la tête haute en digne fille du marquis de Northampton.

- Tu feras la plus belle des duchesses.

Mathilda se força à sourire. Elle se fichait de devenir duchesse. Elle aurait volontiers laissé sa place à une autre. D'ailleurs, elle devrait y songer, après ce soir, il serait trop tard. Si seulement elle pouvait disparaître. Mais oui, c'était cela, elle devait disparaître, partir. Pour aller où ? Et la peine qu'elle ferait à sa famille. Mais c'était sa vie, son bonheur qui était en jeu. Elle ne le trouverait pas en France, de ça, elle était certaine.

Ashton et Philippe Tremaine entrèrent dans la pièce.

- Je vois que vous êtes prêtes. Vous êtes très belle Mathilda, Louis va être subjugué.

Mathilda ne répondit pas. Son frère souffla et lui prit la main pour la porter à sa bouche.

- Mathilda...

- Ne dites rien Ash. Je m'en remettrais.

- Je...

Philippe Tremaine s'approcha à son tour.

- Je profite de ce moment pour vous faire mes adieux.

- Vos adieux ! s'exclama Beckie.

- Oui petite souris, je dois prendre les voiles et retourner chez moi. J'ai des affaires à régler.

- Moi aussi, j'aimerais m'embarquer sur votre bateau pour voir les Etats-Unis. Il paraît que c'est gigantesque.

Mathilda réagit à la tirade de sa sœur en pensant que c'était ce qu'elle désirait, partir le plus loin possible. Elle regarda Tremaine. Peut-être était-il sa solution ? Peut-être souhaiterait-il l'enlever ? Et s'il ne voulait pas, elle pourrait sans doute embarquer incognito sur son bateau ? Il fallait qu'elle puisse discuter avec Tremaine. Qu'elle se retrouve seule avec lui. Le jeune homme remarqua le regard de Mathilda sur lui et leva des sourcils interrogateurs. Elle lui sourit. Tremaine valait mieux que Laval. À bien l'observer, il pouvait paraître séduisant. Le teint halé par les embruns, une bouche pleine, les yeux verts, couleur de la menthe fraîche. Pour ne rien gâcher, il était l'héritier de son oncle, sans enfants, le comte de Cassilis.

- Vous m'excuserez Lady Mathilda, mais je ne pourrais rester aux fiançailles. Mes obligations me demandent immédiatement.

Il baisa sa main, tira une mèche de cheveux de Rebecca et s'en fut. Les invités n'arriveraient que dans quelques heures. Il ne lui restait plus beaucoup de temps.

Elle échappa à la surveillance de tous, trop occupés qu'ils étaient à préparer la soirée de fiançailles. Elle avait revêtu son manteau, s'était munie des quelques pièces qu'elle avait en sa possession et trouva un fiacre qui la mena au port. Elle n'était jamais venue jusqu'ici. Le port pullulait de monde. Les cris, les odeurs, l'agitation, lui donnèrent la sensation de ne pas être à sa place. De fait, elle ne l'était pas. Trop bien habillée, elle dépareillait. Comment allait-elle débusquer le bateau de Philippe ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Demander semblait une sage décision, mais elle n'en avait pas le courage. Tous ces hommes aux visages noirs, balafrés, tatoués, la terrifiait. Elle passa au milieu d'un groupe de femmes qui la regardèrent gloussant et chuchotant. L'une d'elles, la poitrine débordant de son corsage l'interpella :

- Alors mon coeur, on est perdue ?

Mathilda se retourna. Elle répondit tentant de ne pas faire trembler sa voix.

- Je cherche le bateau de Philippe Tremaine, un bateau qui part pour les Amérique.

Les gloussements étouffés se firent hilarité retentissante.

- La demoiselle cherche son amoureux, on dirait.

Une voix se fit entendre au travers des moqueries des coquettes.

- Mathilda !

Philippe Tremaine se tenait devant elle. Elle le rejoignit en quelques pas rapides. Fuyant le groupe de femmes. Il l'attrapa par les épaules.

- Que faites-vous là ?

Le regard désespéré qu'elle lui lança ne lui disait rien qui vaille. Sans crier gare, elle se jeta sur lui et l'embrassa. Un baiser presque fraternel à la commissure de ses lèvres. Il la repoussa avec une certaine brusquerie, manquant de la faire vaciller, il la retint par le bras.

- Mathilda ?

- Emmenez moi avec vous...

- Quoi ?

- Je veux partir avec vous.

Il ne comprenait pas bien. Les yeux dans les siens, il l'interrogeait quand elle le suppliait.

- C'est impossible voyons.

Les larmes au bord des yeux, elle s'accrochait aux manches de son manteau avec la force d'une noyée qui ne voulait pas sombrer.

Pendant ce temps, Vanessa faisait les cent pas dans le salon pendant qu'Ashton, assis sur le canapé se tenait la tête dans les mains.

- Lorsqu'on l'aura retrouvée, je vous jure Ashton, je l'enfermerais à double tour dans sa chambre.

Vanessa passa une nouvelle fois devant lui au pas de course.

- Cessez maman.

Le majordome entra dans la pièce annonçant le Duc de Laval. Celui-ci rentra au bras de Gabrielle suivi de Lady Wimbourne.

- Que se passe-t-il ici ? demanda-t-il

Ashton se leva, venant prendre la main de Gabrielle pour la porter à sa bouche.

- Une mauvaise nouvelle votre Grâce. Ma sœur a disparu.

- Disparue ?

- Oui, nous avons toutes les raisons de croire qu'elle s'est enfuie.

Louis resta un instant muet, regardant tour à tour Vanessa et Ashton qui semblaient suspendus à ses lèvres, en attente de sa réaction. Cela ne semblait pas de bon augure. Les invités arriveraient dans quelques heures et si l'une des fiancées ne répondait pas présente, la situation risquait d'être compliquée et de déclencher un nouveau scandale. Louis se tourna vers Gabrielle.

- Ma chère sœur, seriez-vous capable de reproduire votre miracle de l'autre jour et de localiser Lady Mathilda ?

Gabrielle acquiesça silencieuse.

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