Chapitre 9

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Des guirlandes de laurier, de lierre et de fleurs entouraient les lustres, les tableaux. La grande table était parée de ses plus beaux atours tout comme les convives de la tablée. Louis regardait sa femme à la dérobée. Elle resplendissait, dans sa robe bleu nuit brodée d'étoiles argentées. Pourquoi ne s'était-il jamais rendu compte à quel point elle était belle ? Jusqu'à présent, il la considérait comme une jeune femme comme les autres, agréable à regarder certes, mais sans éclat particulier. Peut-être était-ce parce qu'elle ne souriait jamais, comme ce soir. Philippe Tremaine se pencha près de son oreille et elle rit. Jamais il ne la faisait rire. En même temps, il éprouvait lui-même des difficultés à le faire. Il s'en voulait d'être si sérieux. Il les observa, le démon de la jalousie s'immisçant tranquillement dans son sang. Sa tante l'interpella.

- Vous ne trouvez pas Louis ?

Il la regarda hagard comme sortit d'un rêve qu'il tenterait de retenir.

- Je...

- Je disais que votre femme est resplendissante ce soir.

- Oui ma tante, elle est très...belle.

Les entrées arrivèrent, comme un ballet orchestré d'une main de maître, dans leurs plateaux d'argent. Le rire de Mathilda résonna une nouvelle fois dans la salle, lui contractant un peu plus l'estomac. Ses doigts serraient la serviette à sa gauche. Rebecca tira sur le tissu.

- Voulez-vous bien me rendre cette serviette mon cher beau-frère ?

Il lui céda le tissu, un peu confus. Elle lui sourit, de ce sourire moqueur qu'elle arborait souvent.
Ashton prit la parole.

- Alors Philippe, quelles nouvelles des Amérique ?

- Je dois dire que je suis inquiet de la tournure des événements.

- Oui, il semble que votre nouveau président ne fasse pas l'unanimité.

- C'est peu dire mon cher Ashton, sept états ont déjà fait sécession alors même que Lincoln n'a pas encore prit ses fonctions.

- Et vous-même Lord Cassilis, de quel côté êtes-vous ? De celui de Lincoln ou de ses états esclavagistes ? Demanda Rebecca d'une voix ironique.

Philippe riva son regard au sien.

- Et vous, de quel côté me voyez-vous Lady Rebecca ?

Mathilda posa sa main sur le haut du bras de Philippe. Le geste n'échappa pas à Louis qui lança un regard noir à sa femme qui semblait le provoquer.

- Pardonnez la Philippe, ma sœur a toujours été...

- Directe, mais cela n'est pas pour me déplaire votre grâce. Pour répondre, je dirais que mes terres se trouvent en pays confédéré, mais mon humanisme me fait penser que l'abolition est nécessaire.

- Vous n'avez donc aucun esclave sur vos terres ? Demanda Rebecca.

- Ce n'est pas si simple, ma petite souris.

La fourchette de Rebecca grinça sur la porcelaine. Ses muscles se crispèrent. À quoi réagissait-elle ? À l'incohérence de son discours ou à ce diminutif qui la recalait au rang de petite fille ? Elle n'en avait pas la moindre idée.

- Si je comprends bien, vous défendez l'abolition tout en employant des esclaves ? La petite souris, a-t-elle compris votre propos ?

Le rire de Philippe éclata du plus profond de son être. D'agacée, Rebecca passa au stade vexé. Elle recula sa chaise, se leva, s'excusa en jetant sa serviette sur la table et s'enfuit sous les regards atterrés de l'assistance.

- Vous êtes incorrigible tous les deux, s'exclama Ashton, vous ne cessez de vous chamailler depuis toujours. Vous auriez pu vous abstenir un jour comme celui-ci.

- Il est si facile de tourmenter votre sœur que je ne peux m'en abstenir.

Le repas se déroula sans que Rebecca ne réapparaisse. Sa famille, habituée à ses sautes d'humeur, savait ne pas en faire cas. Elle revenait toujours, consciente de son impulsivité. Et elle possédait trop de cœur et d'amour pour les siens pour être rancunière.

Mathilda continua d'échanger avec un intérêt trop marqué avec Philippe Tremaine. À maintes reprises, Louis voulut l'arracher de sa chaise pour l'enfermer dans sa chambre, mais ce n'était pas exactement l'attitude à avoir pour séduire son épouse. Il rongea donc son frein et serra les dents plus d'une fois tout le long de la soirée.

Tard, ce soir-là, Philippe fumait un cigare dans la pénombre de la terrasse qui bordait la bibliothèque.

Assis sur le banc et perdu dans ses pensées, il ne vit pas Rebecca arriver. Elle se posa face à lui et lui prit son cigare qu'elle porta à la bouche. Il se contenta de la regarder. Ses bottes étaient crottées, son pantalon crème, tacheté de boue, collait au galbe parfait de ses jambes, son manteau noir cachait le reste de son corps. Les joues rouges de froid et d'effort la rendaient...sans pareil. Il ne possédait pas les mots pour décrire Rebecca Compton.

- Où étiez-vous ?

Elle se contenta de lui rendre son cigare après avoir soufflé la fumée sur un frisson nauséeux qui se termina en une courte toux sèche.

- Je vous souhaite bien le bonsoir, Lord Cassilis.

Elle se retourna et se dirigea vers la porte-fenêtre. Philippe dans un élan non prémédité, se leva et la retint par le bras. Elle tourna son regard miel, étonné, sur lui. Sans réfléchir, il la serra contre son torse et l'embrassa. Comme l'autrefois, elle lui rendit son baiser avec fougue.

La passion qui vibrait en elle attisa le feu de Philippe. Jamais il n'avait eu tant envie d'une femme et il fallait que ce soit elle. La sœur de son plus fidèle ami. Il quitta ses lèvres pour la douceur de son cou qu'il mordilla tendrement, déclenchant des soupirs de volupté chez sa partenaire. Le rouge de ses joues s'intensifia. Elle rayonnait, plus belle que jamais.

Elle glissa ses mains de ses épaules à son torse, palpant ses muscles. D'abord ses pectoraux, puis ses abdominaux, enfin, sa paume serpenta sur ses hanches et descendit masser le galbe de ses fesses. Il se sentait à la fois choqué et émerveillé par son touché impudique.

Il s'enhardit, ouvrit son manteau et passa sa paume sous sa chemise pour titiller son sein nu. Il reprit sa bouche, douce et impatiente, dans une union langoureuse. Il la colla contre le mur de pierres froides et s'insinua entre ses cuisses. Elle ondula, sensuelle, calant une jambe sur sa hanche. Il succombait, à deux doigts d'atteindre la jouissance. Elle murmura son prénom comme une supplication et sa raison refit surface. Il s'arracha aux bras de sa tentatrice, un peu brutal et se retourna, à la fois pour reprendre contenance et pour cacher l'étendu de son ardeur.

Elle resta appuyée contre le mur, récupérant son souffle. Quand il se retourna, elle gardait les yeux fermés sur un air satisfait, une main accrochée à un médaillon sur sa chemise entrouverte, dévoilant sa peau nacrée. Son cœur se serra devant ce tableau de candide débauche. Il ne put s'empêcher de sourire à son tour. Il s'approcha, effleura ses lèvres, aussi furtif qu'un papillon et la laissa là, seule dans sa langueur béate.

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