Chapitre 12

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Toute la famille Compton venait de réintégrer leur hôtel londonien. La délivrance de Gabrielle était proche et Ashton tenait à avoir les meilleurs médecins à proximité. Le duc et la duchesse de Laval avaient suivi. Cela n'arrangeait pas les affaires de Rebecca. Sa famille étant à Londres, elle devait elle aussi revenir s'installer à l'hôtel Compton, elle allait être moins libre de ses mouvements.

Cameron Byrne lui rendit visite plusieurs fois. Mathilda jouait les chaperons. Elle avait pu lui faire lire son article. Ils avaient longuement échangé sur la responsabilité des employeurs. Il ne partageait pas son avis, mais respectait son point de vue. Elle modifia certains paragraphes, assouplis certains passage et durcit d'autres. Il était maintenant l'heure pour elle d'aller présenter son texte retravaillé.

Cette fois Bessie Rayner valida l'article. Rebecca était aux anges. Un de ses textes allait être publié dans le prochain numéro de l'English woman.

- Nous avons une autre mission pour vous Lady Rebecca.

Elle se contenta d'attendre la proposition.

- Vous allez faire le portrait de Virginia Smith qui est engagée dans la promotion de l'hygiène dans les classes populaires.

Rebecca n'en croyait pas ses oreilles. Elle allait réaliser un portrait, une des rubriques les plus importantes du journal.

- Merci, merci, dit-elle.

- Vous avez fait un excellent travail sur cet article de la condition du travail des femmes. J'espère que vous ferez de même pour dépeindre le quotidien de Virginia.

- Je n'y manquerais pas.

Au sortir de Langham, Rebecca tourna sur elle-même en sautillant, emportée par sa joie. Les passants la regardaient d'un œil réprobateur de son manque de convenance, mais elle s'en fichait. Elle remonta dans son coupé. Elle avait hâte de partager la nouvelle. À qui ? Sa famille n'était pas au courant et elle ne souhaitait pas qu'elle le soit. Elle n'avait pas non plus d'amie pour le faire. L'image de Cameron Byrne lui vint en tête. Oui, il était la seule personne au fait de ses occupations à qui annoncer ce qui se révélait pour elle une grande nouvelle. Elle prit donc le chemin de Smith's Candles à Battersea.

Quand elle arriva, Byrne n'était pas à son bureau. Elle se dirigea donc vers l'atelier. L'odeur de suif, de cire et de charbon mélangée, comme à chaque fois, l'agressa. Elle chercha du regard le grand homme roux. Au loin, elle ne voyait que les mèches pour cierge suspendues sur lesquelles une jeune fille versait de la cire. À sa gauche, des ouvrières remplissaient les moules de la matière fumante. Le fils de Maggie passa à côté d'elle un sceau de cire encore chaude qu'il devait livrer au second atelier. Il tourna la tête pour lui sourire. Il ne vit pas le contremaître qu'il percuta, renversant la moitié de son fardeau par terre. L'homme attrapa le petit John par les cheveux, tirant suffisamment fort pour le faire crier.

- Regarde ce que tu as fait espèce de crétin.

Rebecca n'aimait pas James, le contremaître, elle le trouvait colérique et tyrannique. D'autant qu'il avait la faiblesse de n'user de son autorité qu'envers les femmes et les enfants. Il ne jouait pas ou peu de véhémence avec le sexe masculin. La main de l'homme partit en arrière prête à frapper la tête de l'enfant. Le sang de Rebecca ne fit qu'un tour, elle s'interposa et prit le cou à la place de John.

La violence de la gifle la fit tomber par terre, la main sur sa joue endolorie.

- Espèce de salopard, vous n'avez pas honte.

Cameron qui avait vu toute la scène s'était précipité, mais arrivé trop tard, il n'avait pu empêcher l'exaction de James. Il le tenait maintenant par le col de sa chemise.

- C'est de sa faute chef.

- Tu mériterais que je te file mon poing dans ta gueule.

À la place, il le poussa violemment.

- Déguerpi et ne remet plus les pieds ici.

Il déguerpit à grandes enjambées, proférant des menaces contre les "bonnes femmes" et leur fâcheuse tendance à se mêler de tout. Cameron se retourna et tendit la main à Rebecca pour l'aider à se relever. Il prit son menton entre son pouce et son index et lui tourna la tête vers la lumière.

- Venez avec moi.

Elle le suivit sans se faire prier jusqu'à son bureau. Il sortit un mouchoir de son tiroir, il versa du cognac dessus et lui appliqua sur la joue.

- Il faudrait mettre de la gla...

- Lâchez-la.

Philippe Tremaine venait d'entrer dans la pièce. L'œil furieux, il avança vers Cameron qui se retournait.

- Qu'est-ce...

Philippe frappa Cameron de son poing. Rebecca se mit devant lui.

- Mais ça ne va pas ! Qu'est-ce qu'il vous prend ?

- Ce qu'il me prend, ce qu'il me prend... Et vous le laissez faire...

- Vous avez bu ? dit-elle en mettant son bras au travers de la poitrine de Cameron qui tentait de répliquer à l'attaque. Cameron, pouvez-vous nous laisser s'il vous plaît ?

- Vous êtes sûre ?

- Oui.

Elle acquiesça d'un signe de tête. Il quitta la pièce en lançant un regard assassin à Philippe.

- Puis-je savoir ce qu'il vous arrive Lord Tremaine ?

Il s'approcha, la toisa de sa hauteur. Il l'attrapa par le bras, la rapprochant encore plus près.

- Dites-moi que vous tentiez de le repousser.

- Mais pourquoi l'aurais-je repoussé ?

- Parce qu'il vous embrassait bon sang, je...

Elle écarquilla les yeux. C'était donc ça ? Il avait cru que Cameron l'embrassait. Il était jaloux ma parole ! Elle en était flattée et dérangée en même temps par cette marque d'affection et de possession. Elle n'était la propriété de personne.

- Premièrement Lord Tremaine, Monsieur Byrne ne m'embrassait pas et deuxièmement, je ne vois vraiment pas ce que vous pourriez trouver à y redire.

La crispation de son visage se détendit.

- À vrai dire , ma petite souris, j'aurais beaucoup à y redire.

Il attrapa son menton et approcha son visage du sien. Elle tenta d'échapper à son emprise, sans succès. Il se rapprochait dangereusement de sa bouche. Il passa son pouce sur la pulpe de sa lèvre inférieure.

- Voyez-vous Beckie, j'aime trop votre bouche pour la laisser à un autre.

Il l'embrassa brutal, possessif. Son baiser ne dura pas, il la lâcha, chancelante, elle se retint au bureau derrière elle. Elle resta plusieurs secondes médusée à le regarder avant de reprendre ses esprits.

- Comment osez-vous ? Je ne suis pas votre objet.

Elle s'en alla, rageuse, en le bousculant de l'épaule. Elle apporta avec elle son rire moqueur.

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