Chapitre 13

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Toute la famille Compton ainsi que Philippe Tremaine se rendirent au bal des Winsley. Rebecca avait à cœur la mission confiée. Philippe voulait une épouse, et bien elle lui servirait de bonnes petites anglaises prêtes à marier sur un plateau. Oh oui, il allait lui payer sa muflerie et sa suffisance. Elle l'observait du coin de l'œil en discussion avec Ashton. Gabrielle la fit sursauter.

- Eh bien Beckie, quel mauvais coup nous préparez-vous ?

- Comment ?

- Je vous connais bien et vous avez votre air espiègle.

Rebecca sourit à sa belle sœur.

- Je cherche une prétendante pour Lord Tremaine. Je vais bien m'amuser.

Gabrielle rit à la remarque de Rebecca.

- Vous êtes incorrigible tous les deux. Si vous voulez mon avis Beckie, il n'y a qu'une seule prétendante qui puisse convenir à notre cher Philippe.

- Ah oui ? Et qui ça ?

Gabrielle secoua la tête devant l'incrédulité de sa jeune belle sœur.

- Vous ne savez vraiment pas ?

- Non.

- Vous ne voyez donc pas que la seule prétendante susceptible de tenir la dragée haute à un homme comme Philippe se trouve devant moi.

Rebecca resta pantoise devant Gabrielle et sa mine rayonnante de femme enceinte.

- Pas du tout. En plus, vous savez que je ne souhaite pas me marier.

- Comme vous voulez Beckie, mais il faut parfois savoir voir ce que le destin met sur notre chemin.
Sur ces paroles, Gabrielle rejoignit Ashton et Philippe, laissant Beckie à ses réflexions.

Mathilda de son côté était en grande conversation avec Lord Thomas Fairfax. Il avait été l'un de ses prétendants assidus lors de sa seule et unique saison. Louis, le visage crispé examinait la scène, elle paraissait enjouée, semblait discuter avec ferveur. Elle minaudait volontairement avec son partenaire. Elle s'accrocha à son bras pour rejoindre la piste de danse. Ils entamèrent une valse. Louis les trouva trop proches. Ne pouvant le supporter, il s'élança tel un félin et s'arrêta vers les deux danseurs.

- Monsieur, je ne crois pas vous avoir permis.

Lord Fairfax regarda tour à tour Mathilda et Louis. Il ne pouvait que céder à l'injonction muette du mari. Il laissa donc sa place. Louis porta sa main à la taille de son épouse et caressa son dos de ses doigts qui venaient de se poser un peu trop bas. Ils entamèrent la valse, Mathilda paraissait mortifiée. Ses joues rougirent.

- Vous auriez pu vous abstenir de faire le mari jaloux.

- Vous le savez, j'ai l'habitude d'être entier, j'ai bien du mal à cacher mes sentiments.

- Votre ego vous joue des tours sûrement. Il ne s'agit pas de sentiment.

- Détrompez-vous Mathilda. Rien ne me fait moins plaisir que vous voir sourire à un autre homme.

Elle plongea ses prunelles dans ses yeux bleu nuit qui lui rappelait tant Mathieu, cherchant à déceler le mensonge ou la feinte flatterie. Elle ne vit rien de tout ça. Il y rencontra quelque chose de douloureux et triste. Était-il vraiment blessé ? Ressentait-il la même jalousie qui l'avait dévoré, elle ? Si cela était alors il devait avoir un brin d'affection pour elle. Elle s'en trouva retournée. En même temps, elle était la mère de son enfant, il ne pouvait pas la détester. Elle ne l'avait jamais pensé d'ailleurs. Il paraissait juste toujours si distant, si froid avec elle. Elle termina la danse dans une altière révérence.

Ils se rapprochèrent de Rebecca et Lady Wimbourne en même temps que Philippe Tremaine qui avait eu la lourde tâche de danser avec Lady Elena qui lui avait été présenté par Rebecca, un sourire facétieux sur les lèvres. Il aurait dû se douter que la jeune fille, bien que jolie, possédait un caractère fantasque. Capricieuse, elle le promena dans toute la pièce avant de se décider à danser. Lunatique, elle alternait entre le poli et le grincheux, dédaignant toutes ses semblables qui comptaient tous les défauts du monde. Il se réjouissait que le supplice s'arrête. Il fronça les sourcils devant la mine moqueuse de Rebecca. Elle allait le lui payer. Il prit sa main pour la poser sur son bras. Elle le scruta suspicieuse. Ils se dirigèrent vers Lord Kincardine avec qui elle avait déjà dansé lors d'un bal précédent. Elle regarda Philippe, une alerte dans les yeux, elle murmura entre ses dents.

- Vous n'oserez pas.

Dans un sourire éclatant, il lui répondit.

- Je vais me gêner. Ah Lord Kincardine, nous parlions de vous.

Rebecca tenta de s'enfuir, elle fit un pas en arrière, mais il la retint en bloquant sa main plus fort. Elle grimaça un sourire surfait.

- Lord Tremaine, Lady Rebecca.

- Lady Rebecca, cherche un cavalier, je lui ai dit que vous seriez sans doute volontaire.

Lord Kincardine ne se fit pas prier. A priori, il nourrissait un faible pour Rebecca. Cette découverte le contraria. Il ne voulait pas en faire un prétendant. Il dut laisser, à contrecœur, la main de la jeune fille pour la tendre à Lord Kincardine. Rebecca tourna la tête vers lui et il put lire sur ses lèvres un "vous me le paierez" qui le fit sourire. Il ne pouvait pas s'empêcher d'aimer leur chamaillerie.

Le lendemain matin au petit-déjeuner, Ashton tendit un journal à Philippe et pointa du doigt un article.

- Avez-vous vu l'article sur Smith Candle's ?

Philippe baisa les yeux sur le journal, the English Woman qui titrait "L'oppression des femmes dans l'industrie anglaise : le cas Smith Candle's". Il descendit les yeux en fin d'article, il était signé Madame Kipling. Il sourit, il savait très bien qui en était l'auteur. Il commença sa lecture tout en sirotant son thé, il fronça les sourcils et crispa les poings. L'article s'avérait clairement à charge contre la direction de Smith Candle's, les femmes n'étaient pas payées à leur juste prix, les conditions de travail étaient déplorables et l'entreprise n'avait aucun scrupule à employer des enfants eux même rémunérés à coup de lance-pierre. Rebecca rentra à cet instant.

- Bonjour Ash, Lord Tremaine.

Philippe se contenta de se lever, de lui glisser le journal et de quitter la pièce. Ashton regarda Rebecca une question dans les yeux. Elle se cantonna à relever ses épaules, de s'asseoir et de prendre le journal dans ses mains. Elle fut surprise de trouver l'English Woman et son article. Sans lever les yeux pour qu'Ashton ne remarque pas son affolement, elle demanda.

- Je ne savais pas que vous lisiez l'English Woman.

- Avec les femmes de caractère qui m'entourent, j'ai plutôt intérêt à être au fait des avancées en matière de droit des femmes.

- Oh...

- Cette fois, il y a une partie dédiée à Smith Candle's, la compagnie de Tremaine. L'article n'est pas tendre, très bien écrit mais pas tendre du tout. Philippe semblait très contrarié...

Rebecca poussa sa chaise dans un crissement strident. Elle planta Ashton sans un mot et sortit de la pièce. Elle se mit à la recherche de Philippe qu'elle trouva en train de seller son cheval.

- Vous êtes fâché.

Il ne lui répondit pas, continua de boucler la sangle sans la regarder.

- C'est ça, vous êtes fâché.

- Non, je ne suis pas fâché Beckie, je suis furieux.

Il avança vers elle l'œil fumant. Elle recula de deux pas, se retrouvant coincée contre la porte du box. Ne pouvant soutenir son regard, elle baissa les yeux.

- Tant que ça.

- Bon sang Beckie, vous oubliez que Smith Candle's fait vivre des familles, que Smith Candle's embauche des femmes pour leur éviter la prostitution tout comme aux enfants... Mais non, vous n'êtes qu'une enfant gâtée Beckie, vous ne savez rien du monde...

Il la lâcha, brutal, tira la bride de son cheval et sortit du box. Rebecca le regarda partir, des larmes retenues dans les yeux. Il avait raison, elle ne connaissait rien de la vie. Sa famille l'avait trop protégée du monde et de sa noirceur. Noirceur qu'il lui semblait avoir touchée du doigt chez Smith Candle's, mais sans avoir toutes les pièces du puzzle.

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