Chapitre 23

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Philippe, assis en face d'Ashton écoutait son sermon d'une oreille distraite. Oui, il n'aurait jamais dû séduire son innocente sœur. Balivernes. Oui, il devait l'épouser. Si seulement, elle n'était pas si têtue. Oui, il s'excusait. Ou pas, il ne savait pas.

- Non !

Ashton fronça les sourcils devant l'exclamation indignée de Philippe.

- Non, je ne m'excuse pas.

- Ne me provoque pas Philippe.

- Je suis tout à fait disposé à l'épouser Ashton. Ne te méprends pas. Mais m'excuser serait une hypocrisie. Je n'ai jamais été hypocrite. Et puis c'est elle qui refuse.

Ashton ne répondit pas. Il savait bien ce que sa sœur pensait du mariage. Mais elle outrepassait les bornes. Se conduire comme la dernière des catins ne s'avérait pas une option pour la fille du marquis de Northampton, ni pour la sœur d'ailleurs.

- Il va falloir que tu trouves un moyen de la décider. Dit Ashton. Je ne suis pas sûr de pouvoir la forcer à avancer avec docilité jusqu'à l'autel.

- Docilité et Rebecca ne font pas bon ménage si tu veux mon avis. Et puis, tu le sais, je n'ai aucune appétence pour les filles trop lisses.

Ashton serra les dents.

- Attention, tu parles de ma sœur...

- Ash, crois-moi, je l'aime, jamais je n'aurais agi de la sorte si je n'avais pas eu des sentiments sincères pour elle. C'est des siens que je me méfie. Je ne sais pas si mon amour est réciproque.

- Vraiment ? Tu n'es tout de même pas un novice. Tu dois bien savoir si la dame, en l'occurrence ma sœur, répond à tes sentiments.

- Elle répond à... Non, je ne peux pas parler de ça avec toi.

- Débrouille-toi comme tu veux. Vociféra Ashton. Mais tu dois la convaincre de se marier avec toi. Sinon, tu sais ce qu'il te reste à faire.

Oui, il savait, partir, s'éloigner. Il n'était pas sûr de le pouvoir.

- C'est tout de même cocasse ! Entre toutes les femmes, c'est ma sœur, la femme la plus opposée au mariage qui t'a pris dans ses filets.

- Cocasse, je ne sais pas. En tout cas, pas pour moi. Elle me torture de son refus.

Ashton comprenait. Il parlerait à sa sœur. Elle ne pouvait faire autrement que changer d'avis. Enfin, il l'espérait.

Rebecca s'arrangea pour ne pas parler à son frère en privé. Elle savait bien ce qu'il avait en tête. Non, elle n'épouserait pas Philippe. Être sa maîtresse s'avérait bien plus amusant. Et puis, il la mépriserait au bout de quelques mois si elle devenait sa femme. Elle claqua la bride de son coupé pour que les chevaux accélèrent le rythme. Son esprit, le traître, divaguait sur une vague romantique où elle se jetait dans ses bras corps et âme. Non, pour le moment, elle devait rendre visite à Emmy. Elle frappa à la porte, pas de réponse. Elles avaient pourtant décidé de se voir ce dimanche. Le craquement des marches de l'escalier lui fit tourner la tête. Madame Clarks, l'épouse du propriétaire, peinait à monter avec sa jambe raide.

- Ah mademoiselle, je suis bien contente de vous voir. La petite est au plus mal. Voilà trois jours qu'elle n'a pas quittée le lit. Je lui apporte un bouillon.

Elle entra dans la petite chambre, Rebecca la suivit. Emmy était couchée, les cheveux collés contre ses tempes humides de sueurs, les joues rouges, les traits tirés. Rebecca approcha une chaise près du lit.

- Donnez-moi le bouillon, je vais m'en occuper madame Clarcks. Si vous voulez bien m'aider à la relever ?

Elles soulevèrent Emmy pour qu'elle repose assise contre son oreiller. Emmy ouvrit les yeux.

- Miss Compton...

Sa voix était sifflante, l'air peinait à trouver un chemin jusqu'à ses poumons.

- Chut Emmy, ne vous fatiguez pas à parler. Je vais vous donner du bouillon, ça vous fera du bien.

Tout en parlant, Rebecca approcha la cuillère de la bouche de la jeune fille. Emmy se tourna sur le côté, prise d'une violente quinte de toux.

- Trop fatiguée...

Son murmure filtrait si faible, elle faisait peine à voir.

- Emmy, je dois aller à l'hôpital pour mon interview, je vais voir si je peux vous ramener un remède. Dormez, je reviendrais en fin de journée.


Elizabeth Garrett tentait de maîtriser un jeune garçon, aidée d'une autre infirmière, elles peinaient à le maintenir en place. Son pied gauche formait un angle étrange.

- Ah, Lady Rebecca vous tombez bien ! S'exclama Elizabeth en la voyant. Donnez-moi un coton et la bouteille de chloroforme.

Rebecca s'exécuta et s'approcha des deux femmes. Le garçon criait toujours, tentant de frapper les deux femmes. Elizabeth prit le flacon et le coton d'une main.

- Remplacez-moi, tenez lui le bras.

Rebecca la regarda comme si elle parlait une langue étrangère.

- Allez !

Le jeune garçon s'avéra plus fort qu'elle ne l'imaginait. Il faillit lui échapper à deux reprises. Elizabeth imbiba le coton de chloroforme, laissant un effluve douceâtre se répandre dans la pièce. Elle plaqua le coton sur le nez de l'enfant. Il fallut pas loin de cinq minute pour que le garçon cesse de s'agiter en tout sens.

- Il faudra revenir pour l'interview, lady Rebecca, nous devons emmener ce jeune garçon au bloc.

- Attendez, j'ai une amie qui a la fièvre et je voulais savoir si vous aviez un remède ?

- D'autres symptômes ?

- Elle semble épuisée.

- Suivez-nous, on s'arrêtera à la pharmacie. Un peu de quinine devrait faire l'affaire.

Emmy mit trois jours à se remettre de sa fièvre. Elle avait perdu quelques kilos. Rebecca lui rendit visite tous les jours, tous les jours, madame Clarks préparait un bouillon qu'elle tentait de lui faire avaler à la cuillère.

Un soir, elle croisa madame Clarcks dans les escaliers.

- Vous paraissez fatiguée mademoiselle.

Elle l'était, fatiguée, épuisée même. Elle n'avait qu'une envie, celle d'aller dormir. Bon sang, elle avait attrapé le mal d'Emmy. Depuis hier, elle avait une toux persistante et sèche. Elle devait se rendre à l'usine pour donner des affaires pour les enfants de Maggie. Elle monta dans son coupé, elle frissonnait. Elle sentait sa température s'accentuer, degré par degré.

Elle descendit devant l'usine, son pas était chancelant, la fièvre avait pris des degrés fulgurants. Un marteau commençait son battement dans sa tête et la terre tournait autour d'elle. La fatigue l'écrasait broyant ses os qui se faisaient douloureux. Elle entrevit les cheveux roux de Byrne, le sol sembla se dérober et deux bras l'enserrèrent l'empêchant d'échouer sur le plancher de l'entrée.

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