Chapitre 24

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Elle était brûlante, Philippe l'avait récupéré juste avant qu'elle ne s'écroule sur le sol. Lorsqu'il arriva derrière elle, elle vacillait. Il l'appela, elle ne l'entendit pas. Et puis elle posa sa main sur le mur comme pour se stabiliser et il la vit se ramollir et pencher dangereusement. Il intervint à temps. Sa respiration était sifflante, ses joues rouges. Byrne, qui passait à ce moment-là devant l'entrée, se précipita à leur rencontre.

- Que se passe-t-il ?

- Elle a perdu connaissance, elle est brûlante. Aidez-moi à la mettre dans le coupé, je la ramène chez elle.

Une fois Rebecca installée dans le coupé, Philippe prit place à côté et roula à vive allure jusqu'à l'hôtel Compton. Il frappa un grand coup à la porte, le majordome vint lui ouvrir. Rebecca dans ses bras, inconsciente, le majordome le laissa entrer tout en se précipitant dans le salon pour alerter la famille. Vanessa arriva en courant, suivit de Gabrielle et Ashton.

- Mon Dieu, dit Vanessa en touchant le visage de sa fille, elle est brûlante.

Ashton se rapprocha, le visage soucieux et voulut récupérer sa sœur.

- Donne-la-moi, je vais la monter dans sa chambre.

Philippe recula, défiant son ami du regard.

- Je m'en charge.

Il grimpait déjà les marches, suivit des autres. Vanessa demanda au majordome d'envoyer chercher le docteur. Philippe la posa sur son lit et la recouvrit. Ses gestes étaient doux, prévenant, inquiet. Il resta assis à côté d'elle, remettant quelques mèches de cheveux en place. Ashton le regardait, furieux.

- Laisse là, tu as fait ce que tu devais en la ramenant ici, maintenant laisse là.

- Non.

Ashton voulut s'approcher, mais Gabrielle le retint par le bras. Vanessa, assise de l'autre côté du lit, regardait la scène avec intérêt.

- Laisse le faire Ash, dit Gabrielle.

Il tourna la tête vers sa femme, la regarda un moment puis ses épaules s'affaissèrent en signe de reddition.

- Très bien, mais...

- Je ne peux pas la perdre Ashton, je ne pourrais pas le supporter, pas encore une fois.

Son air douloureux surprit Ashton. Sur ces entrefaites, le médecin arriva. Il fit sortir tout le monde, seule Vanessa resta. Philippe, appuyé contre le mur, l'air perdu dans le vague, paraissait visiblement soucieux. Ashton l'observait.

- Tu es vraiment très inquiet.

Philippe le regarda avant de répondre.

- Ashton, même si tu sembles me prendre pour un cynique libertin, j'aime ta sœur, elle m'est aussi vitale que l'air que je respire et...

Il s'arrêta, le médecin sortant de la chambre. Philippe s'approcha en premier.

- Docteur !
L'assemblée attendait le verdict, pendu aux lèvres du vieux médecin.

- Il lui faut du repos. Il faut absolument faire tomber la fièvre. Ce soir sera décisif, je lui ai donné de la quinine. Je repasserai demain.

Philippe se précipita dans la chambre. Le sifflement de son souffle lui serra le cœur. Vanessa se leva et vint lui mettre une main sur l'épaule.

- Tout ira bien, elle a une excellente constitution.

Disait-elle ça pour le rassurer ou se rassurer elle-même ? Il n'eut pas le cœur à lui dire que Suzanne possédait aussi un métabolisme solide, pourtant la fièvre avait eu raison d'elle. Il avait suffi de quelques jours. Il tourna la tête vers Rebecca, les yeux toujours fermés, des perles de sueurs sur ses tempes. Le visage blême qui se superposait à ses souvenirs, funestes.

- Je suis heureuse. Dit Vanessa

Une parole décalée. Il resta silencieux prenant la main de Rebecca et la portant à sa bouche.

- Pour vous deux, je veux dire. Je n'aurais pas rêvé mieux pour Beckie.

- Je... Ne vous réjouissez pas trop, vous connaissez votre fille Lady Compton. Elle refuse...

- Justement, je connais ma fille. S'il y a bien une chose qu'elle n'est pas, c'est peureuse. Lorsqu'elle aura accepté ses sentiments, elle franchira la ligne. Elle a trop de cœur pour ne pas le faire.

- M'autorisez-vous à rester cette nuit auprès d'elle ?

- Certainement, Philippe. Je resterais moi aussi.

La nuit passa, terrible. Entre la fatigue qui alourdissait ses paupières et sa raison qui luttait pour rester éveiller. La torture de ses souvenirs s'immisça avec l'obscurité. Il revoyait le visage de Suzanne creusé par l'épuisement, le teint jaunâtre. Comme Rebecca, il n'y avait pas eu de signes. Tout allait bien et un jour, la fièvre, les vomissements. Elle semblait se rétablir et puis sa peau devint jaune, ses larmes se transformèrent en sang. Et tout s'acheva, en un claquement de doigts. Il l'avait aimé, Suzanne, elle illustrait la douceur, l'amabilité, la sérénité. Elle n'avait laissé que Caroline. Caroline qui lui ressemblait tant. Elle aurait apprécié Rebecca. En même temps, Suzanne aimait tout le monde. Son cœur paraissait immense. Il regarda Rebecca.

Elle ne pouvait pas être plus différente de Suzanne. Physiquement et de caractère. Avec Rebecca, il oubliait Suzanne, depuis des semaines, il n'avait pas pensé à elle. Ses traits s'estompant à mesure que ses sentiments grandissaient.

Il ne possédait pas la force de revivre le deuil de celle qu'il aimait. Alors, rempli de cette impuissance qui le rongeait, il se mit à genoux à côté du lit, positionna ses coudes sur le matelas et joignit ses mains. Il implora Dieu et ses anges. Il ne priait plus depuis des années. Vanessa l'observait alors qu'elle mouillait un linge qu'elle posa sur le front de Rebecca. Le jour succéda à la nuit sans voir la fièvre tomber.

Ashton entra au petit matin, les traits tirés de n'avoir que peu dormi, dérangé par l'anxiété. Vanessa était assoupie sur le fauteuil et Philippe, allongé au côté de Rebecca. Il lui parlait avec douceur en caressant son visage. L'image même de l'adoration douloureuse. Ashton n'eut pas l'audace de lui reprocher son inconvenance.

- Comment va-t-elle ?

Philippe se releva pour faire face à son ami. Des cernes noirs entouraient ses yeux. D'une voix lourde, il répondit.

- Pas de changement.

- Le docteur ne devrait pas tarder, il saura nous dire...

Philippe acquiesça d'un signe de tête. Vanessa ouvrit les yeux, se rapprocha de son fils.

- Maman, vous devriez aller dormir, je vais vous remplacer.

- Il n'en est pas question Ash. C'est ma fille, c'est à moi de la soigner.

Trois jours, cela dura trois longs jours avant qu'elle ne réouvre les yeux. La première chose qu'elle vit, fut sa mère.

- Maman ?

Sa gorge était sèche, sa bouche pâteuse. Elle avait soufflé le mot plutôt que parler.

- Beckie, tu nous as fait si peur.

Elle tourna la tête à droite, Philippe lui caressait les cheveux. Tous les deux paraissaient si fatigués et soulagés. Elle ne se souvenait pas. Que s'était-il passé ? Elle s'était rendue à Battersea après avoir visité Emy. Elle tenta de se relever, mais ses muscles s'y opposèrent.

- Emy !

- Ne te fatigue pas ma chérie. Tu es trop faible. Je vais demander à ce que l'on te prépare un bouillon.

Elle sortit de la chambre, laissant Philippe et Rebecca seuls. Ils se dévisagèrent un moment. Puis Philippe s'assit sur le bord du matelas et prit sa main dans la sienne, la portant à sa bouche.

- J'ai eu si peur.

Son comportement était étrange. De quoi avait-il eu peur ? Elle l'observa entre ses cils. Il ne s'était pas rasé depuis plusieurs jours, ses traits tirés comme s'il n'avait pas dormi depuis des nuits, et la façon dont il la regarda. Elle frissonna. Il fut prompt et releva la couverture sur ses épaules, l'encerclant de ses bras. Il lui embrassa le front, les yeux, les joues.

- Philippe, le gronda-t-elle. Quelqu'un pourrait entrer.

- Je m'en moque. J'ai cru te perdre.

C'était donc ça ? Avait-elle vraiment été proche de la mort ? Voilà qui expliquait le comportement étrange de sa mère et de Philippe. Elle posa sa main sur sa joue rugueuse de barbe naissante. Il ferma les yeux. La porte s'ouvrit et Ashton entra tel un ouragan.

- Eh bien petite sœur, tu nous as causé bien du souci ces derniers jours. Et il va falloir me remplumer tout ça. Dit-il en lui pinçant la joue.

Son estomac se mit à l'unisson de la remarque de son frère dans un gargouillis peu discret. Elle porta sa main sur son ventre comme pour le faire taire. Vanessa rentra chargée d'un plateau sur lequel reposait un bol de bouillon chaud. Elle s'approcha du lit et Philippe la délesta de son fardeau. Il posa le plateau sur la table de chevet et se souleva le bol, plongea la cuillère dans le liquide fumant. Rebecca le regarda les yeux écarquillés, il n'allait tout de même pas lui donner la becquée.

- Non, se rebella-t-elle.

- Il faut que vous mangiez, dit-il presque sévère.

- Arrêter tout de suite votre air paternaliste, siffla-t-elle entre ses dents.

Il sourit, à pleines dents.

- Ah, revoilà donc ma petite souris. Vous m'avez manqué. Maintenant, mangez.

À contrecœur, elle enfourna la cuillère dans sa bouche. Le bouillon chaud apaisa sa gorge sèche.

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