Chapitre 25

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Elle ne pouvait plus reculer. Ashton, lui avait laissé deux semaines pas d'avantage. Elle était maintenant rétablie. Les minutes défilaient et elle ne cessait d'inventer son avenir. Elle regardait les étoiles s'effacer avec l'aube naissante. Le sommeil s'attardait, distant, trop de questions tournaient dans sa tête. Rien ne paraissait simple. Elle n'avait pas cherché l'amour. Pourtant, il s'était invité, sans crier gare. Elle ne voulait plus se mentir. Et puis, elle le savait depuis toujours. Quelque part, elle l'avait attendu toute une vie. C'était lui et personne d'autre. Petite-fille, elle le contemplait avec au fond des yeux une flamme balbutiante, adolescente, le voile de l'adoration pour l'aventurier qu'il était, s'infiltra dans ses veines. Et depuis leur retrouvaille, lors du bal, la flamme, incandescente, les enfiévraient, un foyer de passion dévorante les habitait. Il la désirait comme elle le désirait.

Pourtant, sa raison se rebellait. Devenir sa femme, la comtesse de Cassilis, elle ne savait pas. Et demain ? Ce désir, ne se tarirait-il pas ? Accepterait-il son travail en tant que chroniqueuse ? De lui laisser sa liberté ? Au début, peut-être ? Et après ? Il exigerait son abandon au profit de son rôle d'épouse et de mère. Mariée, elle devrait céder. Il posséderait tout droit sur elle.

Si seulement elle pouvait rester sa maîtresse. Mais Ashton ne le permettrait jamais. Quelle guigne d'être la sœur d'un marquis. Même si elle ne manquait pas de courage pour vivre la vie qu'elle souhaitait, elle devait aussi penser à sa famille. Ces décisions se répercuteraient sur eux.

Non, se marier, signifiait perdre son indépendance, laisser son pouvoir à Philippe. Son cœur cognait trop fort. Elle sentait déjà l'air lui manquer. Tout se révoltait en elle. Pourquoi, pourquoi devait-elle choisir ? Le monde démontrait son injustice avec les femmes. Elle rêvait de partir pour un tour du monde, d'écrire ses passions, ses illusions. S'enfermer dans le rôle archaïque d'épouse lui paraissait impossible. Ce costume ne lui convenait pas. Et pourtant, le goût de ses lèvres, l'odeur de sa peau, leurs duels, elle n'imaginait plus vivre sans. Elle désirait tant l'aimer sans barrière. Elle voulait tout de lui. Sa vie semblait s'arrêter à leur histoire. Qu'allait-elle faire ? Elle ne savait vraiment pas. Elle regarda l'horloge, elle devait descendre.

Les jambes flageolantes, elle arriva devant le bureau d'Ashton, frappa à la porte et pénétra dans la pièce sans attendre son aval.

- Tu es là... L'accueillit-il ?

- Oui.

Il se leva de derrière son bureau et vint la rejoindre. Ensemble, ils s'installèrent sur le fauteuil de velours vert.

- As, tu pris ta décision ?

Elle se mordilla la lèvre.

- Ne m'oblige pas Ashton, dit-elle en un ultime recours pathétique.

Il la regarda, sérieux.

- Je ne t'oblige à rien Beckie. La décision est tienne. Je ne referais pas la même erreur qu'avec Mathilda.

Son estomac se contracta.

- Je ne peux pas Ashton...

- Pourquoi ?

- Je veux... Je veux être libre. Si je l'épouse, il arrivera un moment où je devrais devenir quelqu'un que je ne suis pas...

Il la regarda un moment avant de répondre.

- Tu devrais parler à Philippe. Je t'avoue, malgré la colère que j'ai ressentie pour lui en apprenant... Enfin, tu vois... Je ne l'ai jamais vu si entiché... Peut-être, s'il t'aime autant que je le crois, te laissera-t-il la liberté que tu appelles de tes vœux.

- Je ne sais pas. Peut-être dans les premiers temps... Mais...

- Est-ce que tu l'aimes ?

Est-ce qu'elle l'aimait ? Bien sûr qu'elle l'aimait, il était sa grande histoire de cœur. En refusant, elle se condamnait à vivre avec ce regret, le reste de sa vie. Plus de nuits magiques, ne plus se perdre dans ses yeux, ne plus sentir ses caresses, son existence ressemblerait à une horrible punition. Mais la liberté ne se monnayait pas. La liberté portait en elle une cruauté intransigeante. Elle avait la mauvaise habitude de vous demander son prix le plus cher. L'obtenir s'était se résigner à s'entourer de barreaux invisibles. La liberté était boiteuse. Pourtant, elle la voulait. Depuis toujours.

- Là n'est pas la question.

- Au contraire Beckie, c'est toute la question. Beckie, si tu l'aimes, pourquoi t'infliger la douleur d'une vie sans lui.

- Parce que, je ne veux pas devenir insipide, enfermé dans un rôle trop grand pour moi. Ash, je serais la pire des épouses. La vie bien rangée de la petite ménagère, très peu pour moi.

Ashton sourit. Sa sœur ne changerait jamais.

- Certes. Philippe lui-même n'appartient pas à ce genre d'homme. Vous êtes fait l'un pour l'autre.

- Je ne sais pas.

- Va-lui parler et décide toi ensuite.

- Et si je continue à refuser ?

Elle voulait connaître la position de son frère en cas de refus.

- Tu auras mon soutien.

Elle se leva avec lenteur, lui jeta un dernier regard accablé.

- Merci, souffla-t-elle avant de sortir.


Puisqu'il fallait lui parler, elle frappa à sa porte l'après-midi même. Il la laissa entrer sans un mot. Une fois à l'intérieur, il l'attira à lui, l'embrassa avec un goût d'espoir qui manqua l'anéantir. Elle s'éloigna à contrecœur, mettant une distance suffisante pour trouver le courage de l'affronter. Il croisa ses bras sur sa poitrine, ses yeux rivés sur son visage aux traits tirés par ses nuits sans sommeil. Il attendait. Le silence s'étira tout comme son assurance. Il brisa la glace.

- Beckie, que faut-il que je fasse ?

Elle inspira et releva les yeux sur lui.

- Je ne peux pas, Philippe.

- Je ne te savais pas peureuse.

Elle sursauta sous l'insulte. Elle voulut répondre, mais se ravisa.

- Tu ne dis rien. Voilà qui ne te ressemble pas.

Après quelques secondes seulement dérangées par le pépiement d'un oiseau, elle osa répondre.

- Tu as raison, je ne suis qu'une peureuse. Mais toi, tu n'es qu'un hypocrite. Tu sais très bien que cela ne marchera jamais...

- Non, je ne sais pas et toi non plus d'ailleurs.

- Je veux être libre !!!

- Je ne suis pas un geôlier que je sache.

- Un mariage, c'est si définitif. Il n'y a pas de retour en arrière possible.

Il s'approcha et lui caressa la joue.

- Ce que nous avons partagé ne représente donc rien pour toi ?

- Tu sais bien que ce n'est pas vrai, je...

Elle s'arrêta, elle craignait d'en dire trop. Elle ne voulait pas mettre de mots entre eux. À quoi bon ?

- Tu ?

- Oh, je... Rien du tout à la fin !

Il s'éloigna, les mains dans le dos. Il tira un peu le rideau pour observer par la fenêtre.

- Très bien, si c'est ce que tu veux, je te laisse ta liberté.

C'était si expéditif, mais à quoi s'attendait-elle ? Philippe n'était pas homme aux effusions. Il ne s'abaisserait pas à supplier, elle ne le voulait pas d'ailleurs. Il ne se retourna pas. Son ton devenu plus dur.

- Je partirai dans deux jours. Je retourne en Écosse. Je resterais là-bas avec Caroline. J'ai promis à ton frère de m'éloigner si...

Il ne termina pas sa phrase, peut-être trouvait-il tout de même un peu de difficulté à rompre ? Son cœur sembla se briser dans cette soumission à sa raison. Bon sang, elle avait mal ! Dans un ultime geste de désespoir, elle voulut s'approcher. Pour... Elle ne le savait pas.

- Non, dit-il cassant, tu peux partir.

- Mais...

- Va-t'en.

Le ton restait sans appel. Elle baissa les yeux au sol, se retourna et attrapa la poignée. Avant d'ouvrir, elle pivota à demi.

- Je suis désolée, réussit-elle à prononcer de sa voix noyée de ses larmes ravalées.

Enfin, elle sortit, laissant échappé un sanglot étouffé.

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