Proches mais bien éloignés

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Métropole de Lille - 13h23 (11h23 UTC)

Anne et Jérémie habitaient une demeure confortable à Wambrechies au Nord Est de Lille. Leur fils ainé, Rémi venait d’entrer au lycée, Lily, leur fille avait entamé une année de quatrième au collège. Anne était responsable des ressources humaines d’une entreprise à quelques pas de chez elle. Jérémie, était directeur de projets informatiques à Seclin, au sud de la métropole.

Comme chaque jour, ils avaient rejoint leur travail et les enfants étaient en classe.

C’est Jérémie qui le premier pris conscience des événements lorsqu’il entendit le fracas dû au carambolage sur l’autoroute du Nord. Son bureau, au cinquième étage ne lui permettait pas de voir l’autoroute, mais il vit le sinistre nuage noir qui se dégageait des véhicules en feu.

A ce moment, du fait des réseaux de câbles optiques, la catastrophe n’avait pas encore trop perturbé les services internet, au moins pour ceux de proximité. Jérémie se connecta sur un site d’information en continu. Sa réaction fut immédiate :

  • Mais qu’est-ce que c’est que cette merde !
  • Qu’est-ce qu’il se passe ? lui demanda Florence, sa voisine de bureau.
  • Il y aurait tout un tas d’accidents de la route partout sur le pays, la quasi-totalité des autoroutes serait fermée. Et c’est la même chose en Belgique et ailleurs.
  • Ce n’est pas possible, ils délirent …
  • Non, cela semble bien être la réalité. C’est le bordel intégral.

A ce moment sa collègue, surprise par des coups de klaxon, regarda par la fenêtre :

  • Tu as vu dehors, il y a un bouchon sur la route, pas une voiture ne bouge. Je n’ai jamais vu cela ici.

Effectivement, la sortie de l’entreprise était rendue impossible par une longue file de véhicules immobiles. Certains conducteurs étaient sortis de leurs voitures et semblaient totalement impuissants. La panique commençait à paraitre sur leurs visages.

Les deux collègues sortirent alors du bureau pour aller voir cela de plus près. Dans le couloir, ils rencontrèrent un technicien :

  • C’est la cata. Toutes les routes sont couvertes d’accidents et aucune voie vers Lille n’est dégagée. Je ne sais pas comment nous allons rentrer chez nous.

A cet instant, l’annonce sonore de l’entreprise se fit entendre. C’est le PDG lui-même qui prit la parole.

  • Bonjour à toutes et à tous. Il semblerait qu’une catastrophe planétaire nous ait frappés durant la matinée. Elle serait due à une panne généralisée des constellations GPS. Actuellement l’ensemble des routes est impraticable du fait de multiples accidents. Si vous êtes venus ce matin en voiture ou en transport en commun, Il ne sert à rien, à cet instant, de tenter de rentrer chez vous. Les seuls moyens de locomotion actuellement utilisables sont la marche à pied et le vélo. Nous étudions, avec les pouvoirs publics les solutions pour faire face à cette situation inédite. Nous vous demandons de garder votre calme et vous tiendrons informés, toutes les heures, de l’évolution de la situation.
  • C’est incroyable. Nous voilà donc coincés ici, réagit Jérémie.
  • Non, moi j’habite à trois kilomètres d’ici, je rentre à pied. Je dois retrouver mes enfants, lui répondit la jeune femme.
  • Quant à moi, répondit le technicien, je suis venu en vélo. Donc je rentre aussi.

En le quittant Florence lui dit :

  • Tiens voilà mon adresse, si tu ne peux rentrer chez toi ce soir, tu peux toujours venir dormir à la maison. Appelle moi.

Jérémie se retrouva ainsi seul après que les deux autres lui aient souhaité bonne chance. Il pensa alors à appeler Anne pour prendre de ses nouvelles et celles de ses enfants.

Anne lui répondit dès la seconde sonnerie.

  • Allo, Jérémie, tu as vu cette pagaille. C’est inimaginable !
  • Oui, j’ai vu, c’est le bordel partout et pour l’instant je ne sais pas comment rentrer. Mais toi, où es-tu ? As-tu des nouvelles des enfants ?
  • Je rentre à la maison, je vais passer par le collège récupérer Lily. Mais pour l’instant je n’ai pas de nouvelles de Rémi.
  • De mon côté, je vois ce que je peux faire. On se tient au courant.
  • Oui, d’accord …
  • Anne …
  • Oui
  • … Je t’aime !
  • Oui, moi aussi je t’aime et cela va aller, on va s’en sortir…

Jérémie raccrocha. Il constata que malgré les consignes, et malgré l’évidence de la situation, certains de ses collègues avaient repris leur voiture. Mais cela ne fit qu’accentuer la pagaille générale car rien ne bougeait.

Il remonta à son bureau où il consulta de nouveau les sites d’information. Les nouvelles n’étaient vraiment pas bonnes. Du fait de l’impraticabilité des routes, les secours ne pouvaient pas intervenir. Un incendie s’était déclaré dans le centre de Tourcoing et faute d’équipements, les pompiers ne pouvait quasiment pas intervenir. Ce sinistre menaçait de s’étendre rapidement à tout un quartier.

Par ailleurs des émeutes avaient éclaté autour de certains centres commerciaux que des bandes avaient tenté de prendre d’assaut pour mettre la main sur les denrées alimentaires et les produits de première nécessité. Du côté d’Arras, la plateforme logistique d’une grande enseigne de distribution avait aussi fait l’objet d’attaque. La direction avait autorisé les vigiles à tirer à balles réelles et certains des assaillants avaient été tués. La tension restait extrême sur place.

Cependant la solidarité commençait à s’organiser pour toutes les personnes qui étaient dans l’incapacité de rentrer chez elles. Bon nombre de municipalités avaient ouvert des gymnases dotés de lits d’appoints. Elles y distribuaient aussi des repas pour les réfugiés.

Une dizaine de minutes après avoir raccroché d’Anne, celle-ci rappela.

  • C’est bon je suis à la maison avec Lily. Remy vient de rentrer en vélo. Donc ici tout va bien. Nous n’attendons plus que toi.
  • D’après ce que j’entends, plus rien ne bouge sur les routes. Donc je ne vais pas pouvoir rentrer ce soir. A pied, je suis à environ vingt-cinq kilomètres. Comme il est probable qu’une partie des chemins soient coupés, je vais rester par ici cette nuit. J’en profiterai pour chercher le meilleur itinéraire et je prendrai le chemin demain matin en fonction des événements.
  • Ok, je comprends. Prends soin de toi.
  • Pas de problème. Au fait, as-tu vu ce que nous avions de stock en produits alimentaires et autres.
  • Oui, pas de problème. Nous avons de quoi tenir une dizaine de jours sans faire les courses.
  • Parfait. Je te rappelle dans la soirée pour te dire où je suis.
  • Ok, les enfants t’embrassent.
  • Embrasse-les de ma part. Ils me manquent déjà.

Jérémie se remit devant les écrans diffusant les sites d’information. Mais il ne les regardait pas vraiment. Il pensa au projet sur lequel il travaillait ces derniers temps. Ce projet devait permettre d’accélérer les livraisons chez les particuliers, par drone, de produits d’une grande marque de cosmétique. Il lui sembla alors que ce monde, qu’il savait déjà être celui d’avant, marchait vraiment sur la tête et qui lui-même y avait contribué.

Il se mit à pleurer.

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P.K. 09 mars 2024

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