Le jour où mon monde a basculé sans bruit…

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J’ai longtemps cru que mon corps me jouait des tours.

Pendant des semaines, j’ai ressenti tous les symptômes, comme si mon ventre me parlait à voix basse, mais les tests disaient non. Tous les tests disaient non. Les analyses, les consultations, les diagnostics médicaux : tout était négatif. Alors j’ai fini par me dire que c’était dans ma tête. Que ce n’était rien. Que c’était peut-être la fatigue, le stress, l’imagination, les hormones ou le besoin d’une pause.

Mais au fond de moi, une voix plus têtue que toutes les autres me soufflait :

« Et si… ? »

Et puis, un jour, un mal : un coup !

Un vrai.

Pas un simple tiraillement, pas une gêne habituelle.

Un coup profond, puis un deuxieme. C'était étrange, inexplicable. Comme si quelque chose bougeait dans mon ventre, ou qu’on me tirait de l’intérieur.

Je suis allée à l’hôpital, sans trop réfléchir, sans trop y croire.

Et c’est là que tout a basculé.

Une échographie. Un regard étonné du médécin, un soupir suspendu un son inattendu.

Et bam ! la phrase qui allait changer tout le reste :

— « Vous êtes enceinte mademoiselle. Bien enceinte même. C’est déjà très avancé, et ce que vous venez d'étentre sont les battements de coeur du bébé. »

Et pourtant, c’était la première fois que j’entendais ces mots posés sur moi.

Je suis enceinte.

Et je le découvre maintenant.

Moi qui croyais avoir rêvé tous ces mois, voilà qu’on me révèle que la vie grandit en moi, depuis des semaines, des mois… dans le silence.

Un millier de pensées ont traversé mon esprit à la seconde.

Je suis restée figée.

Le monde s’est arrêté, le temps d’une seconde, ou peut-être d’une éternité.

Je n’ai pas su quoi dire. Je n’ai pas pleuré. Je n’ai pas souri. Je suis simplement… restée là.

Silencieuse.

À essayer de faire entrer cette nouvelle réalité dans un cœur déjà trop encombré.

Des questions, des peurs, des regrets, du vide.

Mais surtout, cette panique soudaine :

Comment je vais leur dire ?

Comment je vais l’annoncer à ma famille ? À mes parents ? À mes frères ?

Je me sentais incapable.

Perdue.

Envahie par la peur du jugement, de la honte, des regards durs, des phrases qu’on ne dit pas mais qui pèsent.

Et surtout, cette peur viscérale d’affronter ma mère.

Elle qui avait tant placé ses espoirs en moi.

Elle qui me croyait forte, lucide, responsable.

Et le père…

Comment lui expliquer ce que même moi, je ne comprends pas ?

Comment lui dire que notre enfant est là, vivant, formé, sans qu’aucun test ne l’ait révélé avant ?

Comment lui parler, alors que nous sommes déjà en froid ?

Depuis quelques mois, à peine quelques mots échangés.

Pas de rupture officielle, mais un vide immense entre nous.

Un froid, comme une absence déguisée en distance.

Et voilà que je deviens mère… de lui.

Et je dois lui dire, sans savoir comment lui expliquer cela.

Parce que depuis quelque temps… c’est devenu compliqué entre nous.

Nous avons vécu une histoire d’amour peut etre vraie pour moi. Une histoire imparfaite mais intense, avec des hauts, des bas, des silences, des retrouvailles. Mais aujourd’hui, il y a un froid. Une distance que je ne sais pas encore traverser. Je n’ai pas le courage de lui dire. Je ne sais pas s’il est prêt. Je ne sais même pas s’il veut encore faire partie de mon monde.

Mais je ne sais pas comment.

Je suis rentrée à la maison dans un état second.

Mon cœur battait plus vite que ma pensée.

Le monde autour de moi semblait normal, inchangé.

Les gens marchaient, riaient, klaxonnaient dans les rues, comme si rien ne s’était passé.

Mais à l’intérieur, tout avait basculé.

Je portais la vie.

Je portais un tout petit etre que je n'avais pas encore nommé.

Et personne ne le savait.

Ce secret m’a collée à la peau dès ce jour-là.

Comme une couverture chaude et lourde à la fois.

J’étais à la fois pleine et vide.

Riche et terrifiée.

Tu étais là, toi mon fils bienaimé et moi, je ne savais plus qui j’étais devenue.

Depuis ce jour, je porte cette vie dans le secret.

Je suis déjà dans la dernière phase donc bientot à terme.

À quelques semaines de l’accouchement.

Et pourtant, il n’y a que moi et quelques amis très proches qui savent que je vais devenir maman.

Ma famille ne sait rien.

Je ne sais même pas comment leur dire. Comment leur expliquer que je suis allée aussi loin dans cette grossesse sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Alors j’avance.

Seule.

Avec ce secret qui grandit chaque jour.

Avec ce ventre qui devient trop visible pour être nié, mais trop silencieux pour être pleinement reconnu.

Un soir étant incapable de dormir, j’ai pris mon carnet.

Celui que je n’ouvre qu’en silence, quand personne ne me voit.

Celui où j’écris les choses que je ne dis à personne.

Même pas à moi-même, parfois.

J’ai allumé une petite lumière.

Le monde dormait, et mon cœur battait encore trop fort.

Je ne savais pas exactement ce que je voulais dire.

Mais je savais que je devais écrire.

Alors j’ai écrit.

Un peu comme on respire dans l’eau, en apnée.

À toi, mon tout petit,

Mon secret,

Mon vertige.

Je ne sais pas par où commencer.

Je ne sais même pas si je suis prête à écrire ton nom.

Tu n’en as pas encore vraiment.

Mais moi, dans ma tête, je t’ai déjà appelé Raham.

Raham, comme une promesse de paix au milieu du chaos.

Comme une lumière douce dans ce tunnel que je traverse.

Tu es arrivé sans bruit.

Sans crier, sans prévenir, sans qu’on me le dise.

Tu t’es installé en moi comme un souffle, comme un battement.

Et maintenant, je suis là.

Avec toi.

Perdue.

Mais là.

Je ne sais pas si je vais réussir.

Je ne sais pas si je serai assez forte, assez douce, assez entière.

Je ne sais même pas comment t'annoncer à ceux que j’aime.

Mais je veux te dire que tu n’es pas un accident.

Tu n’es pas un problème.

Tu n’es pas un poids.

Tu es une présence.

Et je vais apprendre à marcher avec toi, petit à petit.

Peut-être qu’un jour tu liras ces mots.

Peut-être pas.

Mais ce soir, j’avais besoin de les écrire.

Parce que je sens que tu m’écoutes, même en silence.

Raham, mon tout petit, tu es mon mystère et déjà, mon monde.

Puis j'ai refermé le carnet doucement.

Je n’ai rien relu.

Je ne voulais pas me censurer.

Je voulais simplement que ces mots existent.

C’était ma première tentative d’écrire sur Raham.

Et, sans le savoir, le tout premier chapitre de notre histoire à deux.

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