Le corps change, l’âme aussi…
Les jours passent.
Ils ne se ressemblent pas.
Et pourtant, chaque jour, je ressens un peu plus fort que quelque chose naît en moi.
Quelque chose de plus vaste que le simple fait de porter un enfant.
C’est moi, Remise, qui suis en train de naître à nouveau.
Je me découvre.
Je me regarde autrement.
Il y a des matins où je me lève avec le cœur lourd et le ventre plus tendu que la veille.
Des jours où je regarde mon reflet, ce ventre qui s’arrondit de plus en plus, et je me dis :
“C’est bien vrai. Je suis enceinte.”
Mais ce n’est pas juste un corps qui se transforme.
C’est une vie entière qui se réécrit.
Un chapitre qui s’efface, un autre qui commence.
Et moi, debout entre les deux, un peu bancale, mais debout quand même.
Il m’arrive souvent de poser mes mains sur mon ventre.
De chercher à capter ce que tu ressens, Raham.
Est-ce que tu sais, petit, à quel point ta présence me bouscule et me construit en même temps ?
Tu es silencieux, mais tu parles mieux que tous ceux qui m’entourent.
Ta présence m’apaise.
Et parfois, elle me fait peur.
Car porter un enfant, c’est devenir le pilier d’un monde qu’on ne connaît pas encore.
C’est avancer dans le noir en espérant que la lumière viendra.
C’est faire semblant d’avoir la force, alors qu’à l’intérieur, on vacille, on doute, on tremble.
Je pense souvent à ce que je dois faire.
Pas dans six mois. Pas dans un an.
Mais demain. Et aujourd’hui.
Quoi dire à ma mère, comment le dire, avec quels mots, à quel moment ?
Est-ce qu’elle va comprendre que je n’ai pas voulu les décevoir ?
Est-ce qu’elle va deviner que, derrière mon silence, il y avait juste de la peur ?
Pas du rejet. Pas de l’irresponsabilité.
Juste une fille qui ne savait plus par où commencer.
Parfois, j’écris des lettres que je ne donne jamais.
Je les adresse à ma mère.
À mon père.
À lui.
À toi.
Et même à moi-même.
Je mets sur papier tout ce que je ne sais pas dire à haute voix.
Je me confie à l’encre.
Parce que l’encre ne crie pas.
L’encre ne juge pas.
Mais dans ce chaos, il y a une chose qui est claire :
Je deviens mère.
Pas seulement parce que mon corps change.
Mais parce que mon esprit s’adapte.
Ma façon de voir la vie, de faire mes choix, d’aimer même… tout prend une autre teinte.
Je suis en train de construire un abri.
Pour toi, Raham.
Un abri de douceur, de silence réconfortant, de force tranquille.
Un abri que tu pourras toujours retrouver, même quand tu seras grand.
Même quand tu ne comprendras pas le monde.
Tu sauras que dans mes bras, il y a toujours eu un espace pour toi.
Et au fond, c’est peut-être ça, être mère :
continuer d’aimer même quand on ne sait plus comment continuer.
Alors je t’attends, petit.
Je t’attends dans le silence et les tremblements.
Dans les doutes et les sourires.
Je t’attends comme on attend une promesse que la vie fait sans prévenir.
Tu arrives, et moi, je me prépare.
À être plus qu’une femme.
À être ton monde.
À être ta force.
À être, enfin… ta maman.
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