16. Huddle

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BAM. Mathilde jette son sac sur le banc et glisse sur le bois de l’assise. Pendant que Théo se change dans les vestiaires, elle enfile rapidement ses chaussures de salle. Le brouhaha ambiant provoqué par les rires des joueurs, le choc des balles contre le sol et les crissements des baskets crée une onde de réconfort dans le ventre de la sportive. On est vraiment loin de l’ambiance de compétition du handball ! Ses iris noisette passent sur les volleyeurs regroupés autour de David, le capitaine des anciens, les filets en train d’être montés et… Son regard s’arrondit. Liam sourit à une Andréa sûrement perdue dans l’un de ses fameux monologues. Mathilde fronce les sourcils puis se frotte les paupières. Non, pas de doute. C’est bien réel. Elle observe la jeune femme éclater de rire et poser sa main sur l’avant-bras du garçon. Qui m’a téléporté dans une autre dimension ? Mathilde lâche un grognement. Le seul avantage à ce nouveau monde, c’est que la phobique de la transpiration a retrouvé son expression habituelle de ravioli vapeur. Plus de gêne, plus de tristesse. Peut-être qu’au final, la colle, ça périme pas.

Les yeux sombres de Liam accrochent ceux de la gardienne. Oups. Elle agite naturellement la main pour le saluer et le visage du handballeur se fend d’un sourire éclatant. Il n’a pas le temps de reproduire le geste de la joueuse qu’une vague d’anciens le submerge. Certains lui grimpent dessus, d'autres ébouriffent ses mèches bicolores. Mathilde pouffe devant cette avalanche de singeries tandis que le cannelloni blond recule de quelques pas.

Soudain, sa némésis se tourne dans sa direction. Oh bordel. Pendant que l’attaquante espère se découvrir un soudain pouvoir d’invisibilité, Andréa marche vers elle, la bouche en cœur. Pitié, non ! Heureusement pour elle, la course du macaroni gluant - qu’est-ce que j’ai avec les pâtes ? - s’arrête au niveau de Dana, son double fondu de la première séance. Génial. Elles vont toutes les deux plonger dans une casserole de sueur bouillante.

Mathilde se racle la gorge.

Faut vraiment que j’arrête avec les pâtes.

— On y va ?

Elle lève la tête vers Théo. Fini les boucles d’oreille, fini les manches longues. Le regard de la volleyeuse glisse sur les traits délicats qui parcourent les bras de son passeur. De fines branches feuillues remontent de son index gauche, s’enroulent au niveau de son coude et disparaissent sous son tee-shirt. De l’autre côté, le cycle de la lune court son poignet droit pendant que de multiples constellations se déploient sur son avant-bras.

— Mathilde ?

S’arrachant à sa contemplation, elle se redresse d’un bond et tape dans ses mains :

— C’est pas trop tôt ! Je m’étais endormie !

— C’est donc des ronflements qu’on entend depuis les vestiaires ? sourit-il en attachant ses mèches azur.

— Faut croire que j’ai une sacrée caisse de résonance.

— Et de la bave sur le menton, souffle-t-il, une lueur amusée dans le regard.

Mathilde hausse un sourcil avant d'essuyer son visage à grand renforts de gestes exagérés. Il s’éloigne chercher une balle, son rire mélodieux caressant les tympans de l’attaquante.

  • En place ! vocifère le professeur.

L'échauffement officiel de Monsieur Venner débute. Son ego aussi épais qu’une pastèque, Mathilde ne se met en tête de courir au même niveau que le jeune homme aux cheveux bleus. Mais elle doit se rendre à l’évidence ; elle a laissé tomber un de ses poumons à l’entrée du gymnase. C’est donc éreintée qu’elle écroule derrière la ligne de fond sous le regard moqueur de son passeur.

— Mais où est-ce que tu stockes toute cette énergie ? grommelle-t-elle en s’étirant sur le sol.

— C’est un secret… J’ai des mini réacteurs dans mes chaussures.


Elle se redresse, un sourire sur les lèvres. Si Liam t’entendait.

— Tu me donneras l’adresse de ton vendeur ?

— Il ne prend pas de nouveau client.

— Quoi ! Mais mais mais…. Même les personnes aussi choues que moi ? murmure-t-elle en avançant sa lippe comme une enfant.

— Même aussi mignonnes que toi, rigole-t-il en touchant le nez de la blonde de son index.

Elle expire un long soupir désespéré, se laissant théâtralement tomber par terre. Théo éclate de rire.

— Tu ne jouerais pas avec le feu en chassant ces merveilles technologiques ? siffle-t-elle en levant la main vers lui. Je veux dire, tes petites feuilles de fougères vont s'enflammer ! Et j’imagine même pas la tête que doivent tirer tes super vertèbres waterproof !

— Je ne crains rien, ne t’inquiète pas. J’ai la bénédiction du dieu du bon goût.

Oh bordel. Elle plisse les yeux. J'vais me la faire la fougère !

— Toi, tu vas en manger de la pizza à l’ananas. J’veux rien savoir.

— Moi vivant, je ne toucherai jamais cette horreur.

— Tu vas moins faire le malin quand je vais semer des ananas autour de toi, menace-t-elle, un doigt levé. Je le ferai jusqu’à ce que tu acceptes de déguster ce produit de la perfection.

— Ta stratégie d’empoisonnement ne fonctionnera pas.

— Et après c’est moi qui suis dramatique ! s’exclame-t-elle en levant les yeux au ciel. Je cherche juste à te faire apprécier les bonnes choses de la vie ! Par exemple…

Appuyée sur ses avant-bras, elle prend le temps de réfléchir. Ses iris caressent les traits détendus du garçon et plongent dans son regard espiègle. Elle inspire profondément. La question qu’elle s’apprête à poser n’est pas facile. Une mauvaise réponse a déjà brisé des amitiés, déclenché des guerres, et poussé la planète au bord de l’apocalypse. Elle ferme brièvement les yeux. Il n’y a pas à avoir peur. Elle a confiance en lui.

Elle se lance :

— Est-ce que tu aimes la raclette ?

Elle se relève, le dos bien droit. Prête à lui tendre les bras pour l’accueillir dans le célèbre clan des mangeurs de fromage fondu.

Il secoue la tête.

Et le monde de Mathilde s’écroule.

— PARDON ? QUOI ?

Sa voix couvre le brouhaha ambiant mais elle n’en a rien à faire. Elle s’approche de l’hérétique, les yeux écarquillés.

— Quel affront ! Quel outrage ! s’écrie-t-elle, en plantant un doigt dans le torse du volleyeur. J’vais t’acheter des papilles, c’est pas possible !

— C’est trop gras pour moi Mathilde, grimace-t-il. Il n’y a…

— Il n’y a pas que le goût ! C’est l’ambiance qui…

— Ah oui ? lance-t-il en haussant un sourcil moqueur. Avec ton oncle bourré, ton frère qui a mangé la patate de trop et qui va retapisser l’intérieur de tes toilettes ? C’est ce genre d’ambiance que tu mmfh…

Sa main s’est écrasée sur la bouche insolente du garçon. Histoire d’être menaçante - pourquoi il est aussi grand celui-ci ! -, elle se met sur la pointe des pieds et approche son visage du sien. Noisette contre vert d’eau, leurs regards s’affrontent tandis qu’ils inspirent le même air.

— On ne blasphème pas la sainte raclette, siffle-t-elle en essayant de garder son sérieux. Tu ne voudrais pas que je démissionne de mon poste…

Elle sent le sourire du jeune homme naître sous sa paume. Alors que ses lèvres caressent sa peau, un voile de chaleur se dépose sur les joues de la sportive. Elle recule brusquement d’un pas, cachant son trouble par une posture improbable de kung-fu. Technique de la grue malade ! Elle agite les doigts devant son visage afin d’impressionner son passeur par ses - inexistantes - compétences martiales.

Raté.

Pendant qu’il explose de rire, elle espère simplement que Liam ne la voit pas ; elle aurait du mal à expliquer raisonnablement l’absurdité de sa position.

— On va passer aux matchs ! s’exclame l’entraîneur. Les anciens à gauche ! Les nouveaux avec moi !

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