22. 2. Effort ou repos ?

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Soudain, les enceintes se mettent à déverser une mélodie plus douce que les airs précédents. Les riffs de basse s’accélèrent tandis que la voix du chanteur résonne dans le salon. Les yeux de Théo s’agrandissent :

— OH ! C’EST MA CHANSON !

Alors que la petite fleur bleue fonce se déhancher sur la piste de danse - cette fois-ci, plus d’histoire de Tzouin-Tzouin-les-bains -, un sourire attendri se forme sur les lèvres de Liam et Mathilde.

Étincelle d’énergie, leur passeur lève les mains en l’air. Ses hochements de tête appuient chaque temps, son visage s’illumine à mesure que la musique prend de l’ampleur. Se trémoussant au milieu du salon, il chante à tue-tête sans égard pour le regard des autres.

Le souffle de l’attaquante se raréfie. Elle se détache un instant de ce spectacle pour jeter un coup d'œil à Liam. La bouche légèrement ouverte, le jeune homme a les yeux fixés sur Théo. Elle réprime un petit rire. Le libéro doit l’entendre ricaner car il se tourne vers elle, un sourcil arqué. Il se penche vers elle :

— Je voulais te remercier d’avoir cherché le cadeau d’Andréa. J’aurais bien voulu vous rejoindre en ville mais j’avais un match avec mon club de hand cet après-midi, grimace-t-il, ses doigts passant dans ses cheveux.

— Oh, tu n’as rien raté, ne t’inquiète pas. On a juste pris un chocolat chaud et Théo s’est acheté cette magnifique salopette, fait-elle en pointant le joueur. N’est-il pas mignon dans cette tenue ? ajoute-t-elle sans réfléchir.

— C’est vrai que les petites fleurs brodées lui correspondent bien, sourit Liam en reportant son regard sur l’apprenti Fred Astaire.

Il prend une gorgée de sa boisson avant de se tourner vers elle :

— Est-ce que tu sais qu’il se qualifie de fougère ? demande-t-il les sourcils froncés. C’est un nom de code pour quelque chose ?

L’incompréhension sur son visage est telle que l’attaquante doit réprimer son envie de moqueries.

— Qui sait ? demande-t-elle, espiègle. Il faudrait peut-être qu’on lui donne un peu d’engrais.

— Hmmm, réfléchit-il, en tapotant son index sur son menton. L’important avec les fougères, c’est de brumiser leur feuillage.

— Ah ? Nous avons un spécialiste des plantes dans la salle ?

— J’avoue en avoir pas mal à la maison, sourit-il d’un air pensif. Mais ce doit sûrement être une déformation étudiante.

— Attends une seconde. Tu fais des études de biologie ?

— Exactement.

C’en est trop pour elle ; la sportive explose de rire. Une fougère qui fait de l'œil à un biologiste ! Mais achevez-moi !

— Oh la la ! Quelle paire vous faites tous les deux ! s’exclame-t-elle en essuyant ses larmes d’hilarité. C’est génial, tu as les connaissances nécessaires pour le guérir tous les maux !

— Peut-être, peut-être. Après, vu comment il s’illumine à chaque fois qu’il te voit… Je pense que tu lui fais le même effet qu’un rayon de soleil après des mois de pluie. Que ferait une plante verte sans sa dose d’énergie lumineuse ? demande-t-il en haussant un sourcil narquois.

Elle plisse les yeux.

— On est des… Des… amis, répète-t-elle sans grande conviction.

— Je n’ai jamais dit le contraire.

Un grognement fait trembler les cordes vocales de l’attaquante.

— C’est ton air satisfait qui me dit le contraire, réplique-t-elle entre ses dents serrées.

— Tu te fais des idées, contre-t-il, une lueur perspicace dans le regard.

— C’est toi qui te fais des idées, Inspecteur Gadget. Ne crois pas que tu as tout résolu alors qu’il n’y a aucune enquête à faire ! C’est du gaspillage d’argent public.

— Je t’assure que je ne suis payé par personne. D’ailleurs, je ne suis toujours pas dans un cursus d’école de police !

— Comment quelqu’un d’aussi malin peut être aussi terre à terre ?

— Cela doit faire partie de mon charme, sourit-t-il. D’ailleurs, n’ai-je pas, moi aussi, droit à un compliment sur ma tenue ?

Bien malgré elle, Mathilde laisse son regard tomber sur la tenue de l’impertinent. Quelques motifs floraux - tss - parcourent l’épaule gauche de son sweat-shirt blanc et son pantalon cargo noir sublime la musculature de ses jambres. Ses mèches noires et grises coulent le long de ses tempes mais il les écarte de son front d’une main agacée. S’il a déjà l’air de sortir d’un magazine de mode quand il porte une tenue de sport, en civil c’est encore plus flagrant. Elle lève la tête vers son regard caramel. Bordel, il est vraiment pas mal. Son ego prenant la place de son cerveau, elle refuse de lui donner le plaisir de l’avouer à haute voix. Alors, avec toute la maturité qui s’impose, elle répond à sa question en tirant la langue.

— Merci Mathilde, ton éloge me touche beaucoup, la nargue-t-il.

— T’as des courgettes dans les oreilles ? Je n’ai absolument rien dit, boude-t-elle en croisant les bras sur son torse.

— C’est qui la personne terre à terre maintenant ?

— Je vais te…

— Mais qu’est-ce que vous faites plantés là ? s’exclame Théo d’un air outré. Allez ! Venez danser avec moi !

Ni une, ni deux, le passeur saisit la main de ses deux coéquipiers puis les entraîne sur la piste de danse. Mathilde avale rapidement le reste de sa boisson et le sucre, mêlé à la caféine, lui permet de tenter des mouvements plus stupides les uns que les autres. Après avoir montré à tous la danse du panda agile, celle du faucon bourré ainsi que celle du moustique amoureux, Mathilde essaye de les enseigner à Liam. Quel échec ; il est trop occupé à glousser pour être assidu. Tss. Tu ne sais pas ce que tu rates. Quant à instruire Théo, c’est peine perdue. À chaque fois que le volleyeur en a l’occasion, il s’accroche à eux et les fait tourner comme des toupies. Si le trio récolte des applaudissements enthousiastes, au bout de quinze minutes à faire la turbine, l’estomac de la jeune femme crie au scandale.

Alors, avant de repeindre l’intérieur de la pièce, Mathilde fait un pas en arrière.

— J’ai besoin d’une petite pause ! fait-elle, essoufflée. Je vais juste à la cuisine, je reviens !

Sans laisser à la fougère le temps de protester, elle s’éclipse dans le couloir. Sa curiosité l’oblige - pauvre de moi - à jeter un regard en arrière. Liam tend la main à Théo dans une révérence parfaitement exécutée. Ce dernier lisse une robe imaginaire puis lie ses doigts à ceux du libéro pour une énième danse stupide. Un sourire tendre naît sur les lèvres de la gardienne et une chaleur confortable se diffuse dans sa poitrine. L’opération PAFF est définitivement sur la bonne voie.

Lorsque la sportive entre dans la cuisine, elle marque un temps d’arrêt. Concentrée sur son œuvre, Andréa place délicatement des ronds de pâte dans une dizaine de ramequins. Les yeux de Mathilde s'écarquillent :

— Mais qu’est-ce que… ? Tu es encore en train de faire à manger ?

Le spaghetti pâtissier sursaute.

— Oh ! Tu m’as fait peur ! s’exclame-t-elle la main sur sa poitrine. Mais oui, j’ai encore plein de choses à faire. Je m’en voudrais de laisser mes invités mourir de faim ! Je veux être une hôte de qualité. Et puis, en tant que Balance, je…

— Nan mais Andréa ! l’interrompt brusquement l’attaquante. Avec tout ce que tu as fait, ils auront assez mangé pour toute leur vie !

Andréa accueille son argument d’un rire poli avant de continuer son ouvrage. Un regard en direction des piles de vivres. La mâchoire de la blonde se contracte. Les montagnes de nourriture ont gagné dix centimètres depuis son arrivée.

—Tu ne veux pas t’amuser avec les autres ? tente-t-elle, d’un ton plus doux. Je peux prendre le relais…

— Mais non, voyons ! Tu es mon invitée, je ne peux pas te faire ça ! Et puis tu sais, ça me fait plaisir ! J’ai travaillé toute l’après-midi pour vous offrir une soirée inoubliable ! Je ne…

— Andréa, c’est ton anniversaire ! Tu ne vas pas en profiter, si tu restes ici.

La brune se mord la lèvre avant de se lever de sa chaise. Elle enfourne les ramequins puis se lave les mains. Mathilde lui indique la porte du doigt, un sourcil levé. La phobique de la sueur marche jusqu’au battant, se penche mais ses pieds ne se posent pas sur le parquet du couloir. Comme si elle avait peur de s’y engager. D’un coup, elle se retourne :

— Ah mais attends ! J’ai encore des petites pizzas à faire ! s’exclame-t-elle d’un air paniqué. Quelle cruche, j’avais complètement oublié ! Tu peux aller t’amuser Mathilde, je te promets que…

— Tu sais quoi ? Je vais les faire, décide la gardienne en tapant dans ses mains, déterminée.

— Mais tu…

— Va. Avec. Tes. Invités, insiste Mathilde en prenant une grosse voix. Dépêche-toi.

Les grands yeux bleus d’Andréa s’arrondissent. Elle baisse la tête. Ses mains défont le nœud du tablier puis déposent le tissu dans la main tendue de l’attaquante. Courage, jeune linguine. La brune inspire profondément avant de lever le menton vers la sportive.

— Merci, souffle-t-elle.

Le regard fixé sur l’horizon, la maîtresse de maison s’engage craintivement dans le couloir. Mathilde l’observe se poster en retrait de la porte du salon, compter à voix basse en marquant chaque pulsation d’une tape sur sa cuisse et entrer dans le salon, un grand sourire aux lèvres. Un éclat de rire s’échappe de la bouche de la volleyeuse. Bien joué, Andréa.

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