22. 4. Calme ou vacarme ?

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Ses pieds bougent sans qu’elle ne leur ordonne. Elle soupire avant de prendre place aux côtés de Liam. Elle regarde ses chaussures. Elle n’est pas sûre de ce qu’elle peut lui dire. Une seule chose est certaine. Elle lui fait confiance. Elle lui fait confiance depuis longtemps.

Ses yeux dérivent de ses baskets pour les poser sur le visage du jeune homme. Dire qu’elle ne s’est pas attachée à lui serait mentir. Il la voit. Elle. Avec ses qualités, ses défauts. Et ça, depuis le début.

Elle se détourne de lui et ses paupières se ferment. Puis elle ouvre la bouche. Elle lui raconte comment Paul s’est penché vers elle avec son regard lubrique, comment il s’est permis de la toucher, comment ses doigts se sont baladés dans ses cheveux, sur ses épaules. Elle lui fait part des insultes, des commentaires immondes sur son apparence, sur ses performances sportives, sur sa personnalité. Une inspiration. Elle finit par lui dépeindre le piteux état du nez de Paul et des dégâts sévères sur ses parties intimes. Elle rouvre les yeux. Ses doigts tracent le contour des tâches sombres sur son pantalon.

— J’ai… Bordel. J’ai… vraiment eu peur. J’ai cru qu’il allait…. Qu’il allait tenter quelque chose. Je ne voulais pas lui donner la satisfaction de réagir à ses provocations, je ne voulais pas qu’il capte que j’étais… terrifiée.

Elle déglutit.

— Et Adrien… m’a promis de me briser les os au prochain match, murmure-t-elle.

Un rire sans joie fait trembler ses cordes vocales :

— Il faut croire que j’ai eu de la chance quand il a visé la tête la dernière fois.

L’estomac un peu plus léger, elle expire profondément. Ces types sont quand même… de sacrés connards. Elle penche la tête sur le côté, faisant craquer ses cervicales. Lorsque je serais formée aux arts martiaux, je leur exploserai la tronche.

Elle se tourne vers Liam. Une colère sombre flamboie dans ses iris. Il reporte son regard sur le carrelage tandis que ses mains se crispent sur ses genoux :

— Putain d’ordures.

Il inspire.

— Ne laisse aucun de leurs mots salir ton estime de toi. Quelques soient les doutes que tu pourrais avoir sur toi, Paul a tort. Il a tort sur toute la ligne, affirme-t-il d’un ton rude. Qu’il ait cherché à t’intimider prouve une seule chose, Mathilde. Tu leur fais peur.

La main dans ses mèches bicolores, Liam se tourne vers elle :

—Personne ne leur a jamais tenu tête comme tu le fais. Personne n’a jamais eu ce courage-là, insiste-t-il en secouant la tête. Tu sais, ils sont dans mon club de hand depuis des années. De vraies terreurs. D’ailleurs, ils se sont uniquement inscrits au handball universitaire pour détruire le moral des autres. Alors, rencontrer quelqu’un comme toi… Quelqu’un qui se bat toujours à toujours à fond et qui ne se laisse pas faire… Ça leur a fait un choc.


Un sourire.

Une vague de chaleur se diffuse dans la poitrine de la sportive.


— Que ce soit sur le terrain ou en dehors, tu es impressionnante, Mathilde. Vraiment. Tu as ce quelque chose de magnétique, cette fougue brûlante, cette énergie illimitée… Tu ne laisses personne indifférent, reconnaît-t-il, un rire léger s’échappant de sa bouche.


Gênée par cette avalanche de compliments, la gardienne se détourne, une rougeur discrète sur les joues. Elle manque la survenance du même phénomène sur celles de Liam.

— Je suis content que tu m’en aies parlé. Je… Si tu éprouves le besoin d’en discuter à nouveau, il n’y a aucun problème. Je suis là pour toi.


Alors qu’un fourmillement étrange se déclenche dans son estomac, Mathilde pose sa main sur celle du libéro. Elle n’a pas réfléchi avant d’agir. Leurs doigts s’entremêlent et, guidée par son insouciance, elle pose un instant sa tête contre l’épaule du garçon. Une douce odeur de cannelle envahit ses narines. Elle expire un souffle tremblant. Tu es en sécurité.


Après quelques instants, Liam presse la main de Mathilde.

— Tu vas bien ?


Elle acquiesce doucement.

— Ça va mieux. Je… Merci. Merci d’avoir été là, murmure-t-elle. Je…

— C’est normal. Tu es importante pour moi.


La fièvre choisit ce moment pour submerger son visage d’une vague de chaleur. Bordel de merde.


— D’ailleurs, serait-on finalement amis toi et moi ? chuchote-t-il maliceusement en soulevant leurs doigts liés.


Elle pouffe avant de se détacher de lui :

— Ne pose pas de question dont tu connais déjà la réponse.

— Ah ? Éclaire donc ma lanterne, sourit-il, un sourcil arqué.

—Wow ! Tu connais cette expression ? Incroyable ! Fêtons ça !

— Te moquerais-tu de moi ?

— Moi ? Jamais, rit-elle en se relevant.


Entre petites piques absurdes et regards tendres, ils se chamaillent comme des enfants jusqu’à ce que la cuisson des minis pizzas soit enfin terminée. Une fois le four vidé, ils apportent tous les plateaux de victuailles clamant haut et fort qu’il s’agit là des efforts de l’hôte de la soirée. Après une pluie d’applaudissements, tout le monde félicite Andréa pour sa cuisine. La phobique de la sueur rougit de plaisir et Mathilde espère que toute cette attention lui permettra de produire beaucoup moins de colle à l’avenir.

Puis, se souvenant de son petit méfait, la sportive s’approche de ses coéquipiers et leur tend une assiette de pizzas ananassées. Théo, encore un peu essoufflé d’avoir trop dansé, se met à sautiller sur place :

— Ooooh ! Trop bien ! Merci beaucoup ! s’exclame-t-il en se servant.


La main au-dessus du piège, Liam plisse les yeux. Il se penche légèrement sur elle, son regard perspicace transperçant son âme. Elle réprime un sourire. Oups.

— Qu’est-ce que tu as fait comme bêtise ? demande-t-il d’un air méfiant. Attends, Théo !


Il arrête le passeur d’une main sur le bras et, coupé dans son élan, Théo gémit. Il se tourne vers le sportif, ses grands yeux le suppliant de le laisser faire.

— Liam…, pleurniche-t-il. J’ai faaaaaim !

— Oui, je sais, tempère tendrement le handballeur. Mais…

— Laisse-moi mangeeeeer !

— Mais oui, Liam ! Laisse-le donc ! renchérit-elle d’un ton angélique.

— Théo, observe-la, insiste-t-il en pointant un doigt accusateur vers l’attaquante. Tu ne trouves pas qu’elle a l’air beaucoup trop contente d’elle-même ?


Le volleyeur fronce les sourcils. Râlant contre les contrôles stupides de sécurité sanitaires, il se baisse jusqu’à se trouver nez à nez avec la sportive. La respiration de la jeune femme se bloque dans sa gorge. Face à l’innocence de ces iris verts, la blonde aurait presque des remords.

Son inspection terminée, Théo se redresse et, d’un air très fier, déclare :

— Rien à signaler, mon commandant ! Elle est aussi mignonne que d’habitude !


Devant l’air dépité de Liam, Mathilde, les pommettes un peu rouges, explose de rire. Théo, tu es incroyable ! Elle n’est pas au bout de ses peines. Le libéro n’a pas le temps de protester qu’une mini-pizza atterrit contre ses lèvres :

—Tut tuuuuut ! s’écrie Théo. C’est le miam-miam qui arrive ! On ouvre graaaaaand !


Ses beaux yeux verts doivent avoir raison de la méfiance de Liam car ce dernier se saisit du piège et accepte son sort.

— Toi aussi ! s’exclame la petite fleur bleue. TUT TUT !


Avant que Théo ne tente de faire l’avion et décore ses boucles blondes avec de la mozzarella, Mathilde croque dans sa pizza.


Et c’est avec un plaisir non dissimulé qu’elle observe le volleyeur faire de même.

Gagné.


Une grimace barre le visage du jeune homme.

— Oh non.

Si.

— Non. Non. Non ! Tu m’as trahi ! s’écrie-t-il, les yeux larmoyants. Tu…

— Oh ? C’est pas si mal, approuve Liam d’un ton surpris. Je pensais que tu avais mis trop de sel ou quelque chose dans ce genre pour nous faire une blague. J’aime bien, c’est très bon.

— Noooooon ! Comment tu peux dire ça ! braille Théo en tapant du pied. Elle nous a trahi ! Elle a mis des ananas là-dedans !


Liam se tourne vers elle.

— C’est pour ça que tu avais l’air fière de toi !

— Comment as-tu pu me faire ça ? continue le passeur, le cœur brisé. Je croyais qu’on était… qu’on était… Je me suis attaché à toi, moi !


Elle cache son grand sourire derrière sa main. Note à moi même, le côté dramatique de Théo se révèle quand il est bourré. Avant que le sportif ne fonce s’enfermer dans les toilettes pour pleurer ses papilles décédées, elle tente une diversion. Elle se saisit d’une brochette de bonbons et la présente à la fougère en deuil.

— Tiens ! Des marshmallows tout doux !

— Oh ? OH ! Ouiiiii ! C’est trop bon !


L’incident des ananas déjà oublié, le volleyeur aux cheveux bleus exécute une petite danse de la joie avec son bâton de sucreries puis bondit jusqu’à la piste de danse pour exécuter la danse du moustique amoureux. Devant un tel spectacle, Mathilde peine à s’arrêter de ricaner.

— Je doute qu’il te pardonne demain, sourit Liam en lui tendant un verre de soda.

— Oh. Merci. Je l’avais prévenu qu’il y goûterait d’une façon ou d’une autre.

— Tu es diabolique. D’un coup, je ne sais plus si j'ai vraiment envie d’être ton ami vu comment tu les traites.

— Le problème, c’est que tu n’as pas vraiment le choix !


Elle lui saisit le bras en riant et ils rejoignent avec plaisir leur passeur gesticulant.

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