26.1. Vrai ou faux ?

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— Fin des matchs ! Les joueurs qui ont été sélectionnés pour la Nuit du Volley, dernière chance pour me rendre vos formulaires d’inscription ! Pour ceux qui veulent y assister en tant que spectateurs, venez me voir !


Dès que le coup sifflet retentit dans la salle, Mathilde s’écroule au sol dans une expiration théâtrale. Le brouhaha des voix des volleyeurs enflent autour d’elle et leurs baskets crissent sur le sol. Elle observe les lumières du gymnase danser dans l’air poisseux de sueur alors que son cœur essaye tant bien que mal de se calmer. Un jour, j’aurais les capacités pulmonaires d’une baleine. Elle lève le poing vers le plafond, signe de promesse. Et ça te clouera le bec, passeur végétal !

Soudain, le visage rayonnant de Liam entre dans son champ de vision. Un léger rouge colore les joues du libéro, quelques gouttes de transpiration coulent le long de ses tempes… Rien à voir avec l’état post-apocalyptique de sa propre tronche. C’est quoi ces gens qui sont toujours magnifiques quelles que soient les circonstances ? Elle ferme brièvement les yeux puis se redresse sur ses avants-bras :

— Cette séance m’a crevée, soupire-t-elle tandis qu’il s’accroupit près d’elle.

— Tu m’étonnes. Tu t’es donnée à fond, sourit-il. T’es vraiment trop forte.


Il lui ébourriffe les cheveux avant d’aller aider Juliette à ranger le filet. Tch. Mathilde souffle sur les boucles qui l’empêchent de suivre le joueur du regard. Elle ignore son estomac qui fait des loopings ou la chaleur qui embrase sa peau. Ces symptômes arrivent trop souvent pour qu’ils soient révélateurs d’une simple grippe. T’es foutue, ma vieille.

Elle observe Liam s’approcher à pas de loup de Théo. Un grand sourire aux lèvres, il passe une main espiègle dans les mèches azur du passeur. La fougère plisse les yeux. La starlette hausse un sourcil provocateur. Oh oh. Ni une ni deux, Théo se met à courir après Liam en lui criant que “s’il voulait du koala endormi, il allait en avoir !” L’attaquante lève les yeux au ciel avant d’éclater de rire. Cette menace, ce n’est pas la première fois qu’elle l’entend. Cela fait quelque temps que Théo promet au handballeur de lui grimper sur le dos, exactement comme il l’a fait à la fin de la soirée d’Andréa.

Sa timidité ? Envolée. Le volleyeur est parti du principe que Liam, l’ayant vu ridicule - au point même de l’entendre chuchoter des choses embarassantes (gniark) -, ne s'étonnera pas de la personnalité déjantée de son coéquipier. Bien vu. Ce raisonnement logique a sonné la fin de son bégaiement et l’avènement de sa bêtise. Elle regarde Théo agiter les bras en l’air, le visage plissé par une grimace terrifiante pendant qu’il hurle comme une chèvre. Réussite critique. De son côté, Liam n’a pas sourcillé devant l’intensité du tempérament délirant de Théo. Comme s’il avait toujours souçonné que son extravagance n’avait pas encore atteint son sommet. Un sourire. Encore une belle déduction, Sherlock.

Alors qu’elle observe les deux garçons se chamailler, une douce chaleur fleurit dans sa poitrine. Depuis son retour de chez ses parents, il y a deux semaines, elle prend conscience de l’importance de ces deux-là dans son quotidien. Pas un seul jour ne passe sans qu’ils ne s’envoient des messages, qu’ils ne se partagent des morceaux de musique ou qu’ils ne planifient des vacances loufoques dans les montagnes. Elle est à l’aise avec eux. Presque… trop. Elle fronçe les sourcils puis secoue la tête. Pourquoi se sentir bien avec mes coéquipiers serait un problème ?

Elle se lève d’un bond, récupère trois balles perdues avant de les lancer en l’air. Elles atterrissent directement dans le panier visé. Une moue satisfaite se peint sur son visage pendant que des applaudissements imaginaires et des demandes d’autographes inventées résonnent dans ses oreilles. Ah, dur destin que d’être un cadeau des dieux.

Elle se dirige vers les gradins où elle a laissé ses affaires tout en sifflotant son contentement. Du coin de l'œil, elle remarque Andréa surveiller les deux génies en train de gesticuler au fond de la salle puis fixer sur elle un regard dur. Incertaine de ce qu’elle a fait pour mériter un tel traitement, Mathilde lui sourit, polie. Andréa ne lui rend pas son sourire. Elle colle renifle hautainement, marche d’un pas énergique jusqu’aux vestiaires avant d’en claquer la porte. L’attaquante hausse un sourcil. Qu’est-ce qu’elle a, la pâte trop cuite ? Andréa ne lui a pas adressé la parole depuis sa soirée d’anniversaire. D’ailleurs, c’est à peine si son ex-pot de colle ne lui crache pas dessus quand leurs chemins se croisent. La gardienne lâche un soupir agacé. Peu importe. Même si le comportement de la jeune femme l’intrigue, Mathilde est ravie de ne plus l’avoir accrochée aux basques. Tu es libre, petite limace gluante. Fais ta vie sans moi !

Une fois son sac zippé, la sportive se tourne vers le terrain. Il ne lui faut pas longtemps pour repérer les deux loustics. Fort de l’avance qu’il a gagné sur le libéro, Théo s’élance et saute sur le dos de Liam. Malheureusement pour lui, son plan - si jamais y en avait un - tourne mal et les deux garçons s’écrasent sur un matelas de sécurité dans un mélange indistinct de bras et de jambes. Elle lève les yeux au ciel. Bordel, ces idiots. Elle regarde Liam se relever lentement, ses yeux sombres plantés dans ceux du passeur. Alors que son souffle se coupe, elle détourne le regard, un léger sourire sur ses lèvres. L’opération PAFF touche à sa fin, son rôle d’entremetteuse est bientôt terminé. Elle lâche une expiration amusée. Comme si j’avais servi à quelque chose dans cette affaire. Tout le mérite revient à cette fougère au charme irrésistible.


Après une douche rapide, elle enfile sa veste et enroule sa grosse écharpe pourpre autour de son cou. Elle souhaite un bon week-end aux autres volleyeuses avant de fermer la porte des vestiaires. Elle n’a pas fait trois pas dans le couloir que quelqu’un la bouscule. Son sac de sport glisse de son épaule. Sa mâchoire se tend et elle lève la tête vers la personne qui s’est permise cette bêtise. Quand elle tombe nez à nez avec Andréa qui la jauge d’un air dédaigneux, l’attaquante croise les bras sur son torse :

— Oï, gronde-t-elle. C’est quoi ton problème ?

— Rien qui te concerne.


Ouh. Mathilde réprime un sourire carnassier. Ça mord, les escargots. Le venin dans la voix de son interlocutrice coulant sur elle comme de l’eau, la sportive fait un pas en avant, les yeux plissés. Pas de phrases impossibles à suivre, pas de sujet sorti de nulle part, pas de mention de son signe astrologique… Yep, y’a a définitivement un truc qui va pas.

— Andréa. Qu’est-ce que…

— J’ai pas envie de te parler, Mathilde, la coupe-t-elle d’un ton sec. Toi non plus d’ailleurs. Arrête de faire semblant. Je sais très bien que tu ne m’apprécies pas.


Andréa baisse la tête vers le sol, sa lèvre inférieure tremblante. Puis ses doigts se crispent sur les bretelles de son sac et elle lève le menton vers Mathilde :

— Je n’ai pas besoin de ta pitié. J’en ai jamais eu besoin. Ce que je voulais, ce que…. J’aurais voulu… J’aurais….


Un souffle.


L’étudiante en lettres détourne le regard un instant avant de poser la main sur la porte du gymnase. Après une respiration émue, elle reprend la parole :

— Souhaite une bonne soirée à tes deux… partenaires, murmure-t-elle, les yeux brillants. J’espère… qu’ils ne te briseront pas le cœur comme il… a brisé le mien.

— Mais de quoi tu parles ? Andréa…

— Fiche-moi la paix.


Alors que la phobique de la sueur s’enfuit dans la nuit, le battant du gymnase se referme dans un claquement brutal. Un grognement. C’était quoi ça, encore ? N’ayant aucune envie de poursuivre l’escargot en furie, la gardienne se poste près de la sortie en attendant les deux garçons. La tête levée vers le plafond, elle songe aux mots de son ex-pot de colle. Avec sa loquacité, son côté tactile et sa propension à raconter des histoires sans intérêt, difficile pour la volleyeuse de considérer Andréa comme autre chose qu’une source d’ennui profond. Qu’elle la suive partout n’a pas non plus aidé. Pourtant, même si la phobique de la sueur l’agace profondément, Mathilde ne la déteste pas. Enfin… je crois ?

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