28. 2. Joker médical

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Les mains crispées sur ses genoux, Mathilde observe les Aigles se placer face aux Ours. L’atmosphère bon enfant de l’échauffement a laissé sa place à un air chargé de tension. Le ton est donné quelques secondes après le coup de sifflet : le match sera sanglant.

Les serres accérées des rapaces déchiquent, tailladent, broyent sans aucune pitié. Sur le deuxième terrain, c’est encore pire. Les Crocos ne tiendront pas longtemps avant de se faire pulvériser par les Corbeaux. Ce n’est pas un match, c’est une exécution. Une bouffée de stress resserre ses griffes sur la gorge de l’attquante. On aurait dû s’entraîner plus fort, penser à des stratégies plus complètes, on aurait dû…

Une main se pose sur son genou tressautant.

— On va gérer, lui sourit Théo, assis à sa gauche.

— Ensemble, complète Liam.

Elle se mord la lèvre. Il n’a pas l’air très à l’aise non plus, une légère lueur angoissée brille dans ses yeux sombres. Sans réfléchir, elle tend la main vers lui et leurs doigts s’entrelacent sur la jambe du passeur. La paume de ce dernier vient recouvrir leurs phallanges sans qu’il ne quitte les matchs du regard.

— Si le trio de génies panique, on ne va pas s’en sortir, rigole David en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Ne vous inquiétez pas. On est une équipe. Je vous promets qu’on laissera personne nous marcher dessus, n’est-ce pas ?

Il étend ses bras et tape dans le dos de Juliette et Mikaël qui tombent presque en avant sous la force de l’impact. Outrés, les deux volleyeurs se vengent en poussant le capitaine dans tous les sens tandis que le tas de muscles éclate de rire. Mathilde sourit et se tourne discrètement vers la droite. Fred semble plongé dans un débat mouvementé avec Tim à propos d’une stratégie que les Chats pourraient mettre en place cette année. Argh. Un peu plus en arrière, Robin pointe différentes actions du doigt et les commente sous le regard attentif de Dana. Mathilde fronce les sourcils. Dix joueurs. Une spectatrice. Andréa manque à l’appel. La gardienne ouvre la bouche mais se ravise. Ce serait hypocrite de réclamer sa présence après l’avoir évitée pendant des mois. Une grimace. Pourquoi j’me sens coupable, bordel ?

Deux coups de sifflet stridents retentissent dans le gymnase. Fin du match dans la poule numéro un ; la victoire est remportée par les Aigles. Les dents serrées, Mathilde met un temps avant de descendre des gradins. Elle se concentre sur sa respiration jusqu’à mettre le pied sur le terrain, face à leurs premiers adversaires. Mare de maillots rougeâtre, les Chats les toisent avec un sourire étrange. Un frisson d’angoisse remonte le long de l’échine de la blonde. Elle secoue la tête et inspire profondément. Théo est là. Liam est là. Juliette, Fred et Mikaël complètent leur trio. Ça va bien se passer. Sur le côté, David assume le rôle de coach, secondé par M. Venner, tandis que Tim, Robin et Dana les encouragent depuis les bancs. Elle expire un grand coup. Ça va aller.

Les premiers échanges vont très vite. Trop vite. Mathilde a du mal à suivre. Juliette et Mikaël attaquent sans relâche pendant qu’elle se laisse dépasser par les évènements. Elle rate une balle, deux balles, trois… Soudain, les assaults semblent la cibler. La première rafale l’atteint en plein dans la poitrine parce qu’elle n’a pas réagi assez rapidement. Agile, Liam rattrape le ballon inextremis et Théo marque le point d’un coup fourbe au-dessus du filet. Reprends-toi, bordel. Elle ferme les yeux un instant puis respire à fond. Elle se penche en avant, une étincelle de défi illuminant ses prunelles noisette. Hors de question qu’on se fasse laminer par ces minables.

Elle jette un regard vers Théo puis hoche la tête. Fini de déconner.

Réception de balle. Quelques pas en arrière. Coup d'œil à son passeur. Trois doigts discrètement levés. Un frisson d’excitation parcourt l’échine de l’attaquante. C’est parti. Elle s’élance. À fond vers le filet. La vitesse, la tension dans ses muscles, la sueur sur son front… Bordel, j’suis faite pour ça.

Pieds joints.

Saut.

Envol.

Inspiration.

BOUM.

Point.

Moins d’une seconde s’est écoulée entre la touche de balle de Théo et l’attaque de Mathilde. La volleyeuse atterit souplement sur le terrain dans un silence consterné. Un grand sourire sur le visage, Liam est le premier à le rompre avec ses applaudissements. Le son semble réveiller le gymnase qui explose en sifflements admiratifs et acclamations impressionnées. L’attaquante hausse un sourcil. Ah, voilà. Elle tend son poing à Théo qui y cogne le sien en riant. On va les massacrer.

Une fois que les Renards ont pris une avance de points confortable, Mathilde se fait remplacer par d’autres coéquipiers. Ce n’est que le premier match. Elle doit tenir le coup toute la journée.

Assise sur le banc, elle laisse son regard voguer sur le terrain. Elle remarque avec étonnement que Dana tient bien sa position d’attaquante. Vraiment très bien. L’apprentie mannequin n’est, certes, pas aussi forte que Mathilde - personne ne l’est - mais elle se débrouille beaucoup mieux que lors de la première séance. Une courbe d’apprentissage qui semble presque irréelle au vu de la qualité de ses passes et de sa vision stratège du jeu. Mathilde plisse les yeux et croise les bras. Pourquoi dissimuler ses compétences sportives ? Surtout quand on est aussi bon ? Elle se lève, fait rouler les articulations de ses épaules tout en marchant tranquillement le long de la ligne du terrain. L’esprit ailleurs, elle se tourne vers les gradins. Le regard fixé sur le match des Renards, Andréa se ronge l’ongle du pouce. Son front est plissé par la concentration. La blonde hausse un sourcil curieux. Intéressant.

Quelques échanges plus tard, Tim est appelé à prendre la relève de Théo et Robin libère Liam de sa tâche. Mathilde retrouve avec plaisir les deux membres de son trio tandis que leurs coéquipiers se donnent à fond pour remporter le premier match de la journée. Debout à côté de David, elle encourage son équipe du mieux qu’elle peut. Un dernier effort !

Il ne faut pas longtemps à Dana et Juliette pour mettre les Chats au tapis. Deux coups de sifflets valident la victoire des Renards. Ils explosent de joie et Mathilde se laisse emporter dans le tourbillon d’embrassades. Et de un ! C’est ça qu’on veut !

M. Venner prend le temps de les féliciter, les yeux brillants de fierté. Pointant sa montre qui indique 16 h 30, il leur annonce qu’ils ont une demi-heure de repos avant que leur match contre les Aigles commence.

— Hydratez-vous et restez au chaud, leur conseille-t-il en les regardant monter dans les gradins. Surtout, gardez votre concentration !

Bien emmitoufflée dans son gilet de sport, Mathilde s’assoit à côté de Liam. En bas, sur le terrain numéro deux, les Corbeaux détruisent les Requins comme si ces derniers n’étaient qu’une bande de gamins maladroits. Sa mâchoire se contracte. Deux joueurs enemis sortent du lot. L’attaquant roux - un accro aux boissons energissantes vu comment il bondit dans tous les sens - et le passeur - une asperge à l’air austère. Ces deux-là ont le même type de combinaison que Théo et elle. Chiant. Mais ce n’est pas le pire. L’équipe des Corbeaux est huilée comme une machine de guerre.

Imperturbable, innarrêtable.

Létale.

Le set démarre à peine que les volatiles de malheur ont déjà marqué quinze points contre quatre pour la poiscaille. Putain. Ses poings se serrent. Ça va être compliqué.

— Une chose à la fois, championne.

Liam lui ébouriffe les cheveux en souriant. Elle lâche un soupir angoissé avant de poser sa tête sur l’épaule du jeune homme. Elle ferme les yeux un instant, profitant du calme de son libéro pour apaiser le stress qui la grignotte peu à peu.

Les Aigles sont impressionnants. La première fois qu’un des attaquants tire, Mathilde s’élance pour parer. Le choc, violent, lui fait lâcher une exclamation de douleur. Point perdu. Merde. Elle n’aime pas le sourire satisfait étirant la face du rapace.

Elle n’est pas la seule à souffrir de l’aggresivité de l’équipe adverse. Liam a les avants-bras rouges d’avoir protégé leur terrain.

Quand elle arrête trois tentatives de point à la suite, l’attaquante sent son annulaire gauche partir. Elle réprime un cri et Théo, aux premières loges, lui lance un regard inquiet. La mâchoire de la volleyeuse se tend. Je peux tenir. Je peux le faire.

Quelques minutes plus tard, David la retire du jeu. Elle se mord l’intérieur de la joue pour ne pas lui crier qu’elle est toujours opérationnelle. Assise sur le banc, elle fusille ses doigts tremblants du regard. Elle ne peut pas abandonner. Pas maintenant. Dana la remplace au pied levé, un sourire désolé sur les lèvres. Impuissante, Mathilde regarde les Aigles lui faire subir le même traitement.

Lorsque la reine de beauté montre des signes évidents de souffrance, la gardienne supplie David de la faire revenir sur le terrain. Les Renards ont du retard sur les points mais la victoire est toujours à portée de main. Ils ne peuvent pas faiblir, pas face à une telle stratégie ! Le chef des anciens accepte du bout des lèvres tout en l’intimant de faire attention à elle. J’vais leur foutre une raclée, tu vas voir.

Alors que Mikaël et Juliette échouent à franchir la ligne défensive de leurs adversaires, Mathilde décide d’accélérer la vitesse de sa combinaison avec Théo. Plus vite. Encore ! Beaucoup plus vite. Encore ! Mais les Aigles s’adaptent à leur style de jeu. Les balles rapides dépassent de moins en moins le filet. Putain de merde.

Ses muscles brûlent, elle commence à fatiguer. Elle essuie la transpiration de son visage d’un geste brusque. On ne va pas perdre, on ne va…

Un coup de sifflet. Ses yeux s’équarquillent. David s’avance sur le terrain pour remplacer Mikaël. La concentration plisse les traits du Capitaine, une énergie intense se diffuse autour de lui. Soudain, il tape dans ses mains, les frotte et un sourire diabolique naît ses lèvres :

— Les gars, j’ai prévu de manger du corbeau ce soir. Pas vous ?

Le regard des Renards se remet à briller.

Un nouveau souffle s’empare de l’équipe.

Théo étire ses doigts, Liam hausse un sourcil et Mathilde fait craquer ses cervicales. On va leur en mettre plein la vue.

Mathilde serre les dents à chaque balle qu’elle parre. Totalement coincée par la défense adverse, elle doit troquer son rôle d’attaquante pour celui de bloqueur. Heureusement que j’suis une gardienne de génie, bordel de merde.

Avec les sournoiseries de Juliette et la ruse de Théo, ils arrivent à grappiller péniblement les points pendant que les attaquants principaux continuent de se faire contrer. De son côté, David se démène pour soutenir leur ligne défensive, tentant quelques feintes très efficaces.

Au bout du troisième set, après une douloureuse remontée, l’arbitre décerne la victoire aux Renards.

Pendant que leur équipe crie sa joie dans tout le gymnase, Mathilde se tourne, épuisée, vers Liam et Théo. On est en finale. Elle leur sourit, à bout de souffle. On est en finale, putain ! Elle cligne des yeux, essuie la transpiration sur son front et soudain, les bras des deux joueurs se referment sur elle.

— T’es vraiment trop forte ! s’écrie le passeur, rayonnant de bonheur. Un mur en acier ! Un rempart ! Que dis-je, une muraille !

— J’ai l’image, ma petite fougère, ricane-t-elle entre deux respirations saccadées. C’est un effort collectif ! Et parlez pour vous ! Vous êtes géniaux, bordel !

— On aurait jamais réussi si tu ne m’avais pas aidé à bloquer aussi soigneusement le côté droit du terrain ! ajoute le libéro, un grand sourire aux lèvres.

N’ayant pas l’énergie pour répondre à leurs compliments ou de gonfler dramatiquement son propre ego déjà gigantesque, elle se serre contre eux en riant. Les deux volleyeurs sentent la sueur, ils collent, leurs muscles tremblent de fatigue mais pour rien au monde elle n’aurait échangé sa place.

Dans son ventre, des milliers de papillons prennent leur envol.

Avec plus de la moitié des équipes hors jeu, l’ambiance devient plus légère. Deux attaquantes Chat viennent féliciter Mathilde pour sa combinaison de vitesse avec Théo, un Croco la complimente sur ses réflexes et, avant que d’autres volleyeurs ne tentent leur chance pour lui parler, elle fuit en grimpant quatre à quatre les escaliers des gradins.

Une fois perchée près de son sac de sport, elle reprend son souffle. De loin, elle voit les Rhinos sortir les bières, les Requins mettre en place la sonos pendant que d’autres joueurs installent un buffet de biscuits apéritifs. Des étoiles s’allument dans le regard de la sportive. Oh mes ailleuls ! DE LA BOUFFE !

Sur le point de redescendre à toute vitesse pour rafler trois paquets de chips, ses mains eccymosées se rappellent à son esprit. Elle s’assoit lourdement sur le banc. Un grognement. J’ai faim, moi ! Maugréant à voix basse contre l’univers qui l’empêche, elle sort le strap jaune de son sac et commence à bander son annulaire gauche à son majeur. Elle doit s’y reprendre à trois fois avant de réussir à faire une attelle correcte. Bordel, j’suis pas prête de manger à ce train là !

— Tu veux que je t’aide ? propose une voix féminine. Je te dois bien ça pour le maillot.

Elle lève la tête. Dana lui sourit d’un air gêné. Étant donné qu’elle est sur le point de balancer tout le bordel par terre, Mathilde hausse les épaules et lui laisse de la place sur le banc :

— Tu n’es pas avec Andréa ? lui demande-t-elle, en lui tendant le scotch de tissu. Je ne la vois pas me fusiller du regard.

— Ah, tu as enfin remarqué ?

Mathilde arque un sourcil. Aoutch.

— Tu sais, soupire le mannequin en enroulant le strap autour des doigts meurtris de son interlocurice. Dès le moment où tu es entrée dans son champ de vision, Andréa t’a admirée. Tu dégages un tel charisme, Mathilde, tu ne t’en rends même pas compte. Cette aura de confiance en soi, d’arrogance parfois… Tu représentes tout ce qu’elle a toujours voulu être. Elle aurait voulu… apprendre de toi. Tu t’en doutes sûrement vu les personnes qu’elle a invité à son anniversaire mais Andréa... n’a pas beaucoup d’amis proches.

— Elle t’a toi, non ?

Dana rit tout bas, avant de baisser la tête, les yeux perdus dans le vague :

— Oui, bien sûr. Mais c’est différent.

— En quoi ?

— C’est toi son… modèle, pas moi. Elle voulait comprendre comment tu arrives à te faire des amis qui prennent soin de toi, comment tu as fait pour attirer autant de garçons dans tes filets.

Les yeux de Mathilde s’arrondissent :

— Pardon ?

— Tu sors bien avec Théo et Liam, non ?

— Mais pas du tout !

Une vague de chaleur s’empare de ses joues. Aïsha a bourré le crâne de tout le monde avec ses conneries ? Pendant un instant, elle s’imagine sauter au cou de Dana, lui arracher son masque de reine de beauté et révèler le visage diabolique de sa meilleure amie. Elle plisse les paupières, à peu près certaine de ne pas se trouver dans un dessin animé pour enfant. Bordel, j’ai le droit d’avoir des… des… coéquipiers proches, non ?

— Oh ! Excuse-moi, je croyais que tu…

L’autre attaquante lève le menton vers Mathilde, son regard étudiant ses traits avec attention. Puis elle reprend son ouvrage, les sourcils froncés :

— Toujours est-il qu’elle a fini par comprendre que tu ne l’aimais pas. J’imagine qu’elle s’en veut de t’avoir autant idolâtrée et que ça ressort par quelques regards appuyés ou des piques assassines. Désolée, soupire Dana en passant à la main droite.

— C’est pas que je ne l’aime pas, hésite Mathilde. Je pense même que je… l’apprécie et que j’ai envie qu’elle soit bien entourée. C’est juste que…

Elle me rappelle quelqu’un.

Quelqu’un que je ne pourrais jamais comprendre.

Quelqu’un que je ne pourrais jamais être.

— Je lui parlerai, reprend-t-elle en fermant brièvement les yeux. Si tu penses que ça peut l’aider.

— Merci pour elle.

Dana enroule le dernier bout de strap autour de l’index de sa patiente et lui rend le rouleau avec un léger sourire sur les lèvres. Mathilde contemple ses mains d’un régard impressionné et admet que, malgré ses innombrables qualités de demi-déesse, elle-même n’aurait pas pu faire mieux. Elle remercie sa soignante en herbe et, avant que cette dernière ne s’éclipse, elle reprend la parole :

— Je dois avouer que tu as un sacré bras d’attaque, observe-t-elle, l’air de rien.

— Oh, ça ! rougit Dana en enfilant le survêtement qu’elle a pioché dans son sac. J’étais en club pendant des années avant de m’inscrire à la fac. Je jouais avec Robin à l’époque. Alors quand David l’a sélectionné, il a tout de suite pensé à moi.

— Ah bon ? Je croyais que, comme Andréa, tu n’avais jamais touché une balle.

Le visage de la barbie tourne au cramoisi. Dans le mille. Mathilde n’a pas rêvé. Lors de la première séance, Dana n’avait pas réussi à faire une manchette convenable ou une passe correcte.

— Je…

La gardienne hausse un sourcil pendant que la joueuse cherche ses mots, la lippe tremblante. Tu ne voulais pas te faire catapulter dans le groupe des anciens. Toutes les pièces se mettent en place dans l’esprit de l’attaquante principale. Camoufler tes aptitudes t’assurait une place auprès d’une certaine personne.

— Ne t’inquiète pas, la rassure Mathilde d’un ton doux. Je ne dirais rien. Tu es un véritable atout pour l’équipe. Merci d’assurer la droite pendant que je suis en train de cracher mes poumons sur le banc.

Elle se lève du banc et étire ses biceps fatigués. Son estomac gronde furieurement, outré que l’on ignore ses cris de famine. Qu’est-ce que j’ai la dalle !

— Merci encore pour les bandages et de m’avoir parlé d’Andréa, ajoute-t-elle en refaisant sa queue de cheval. Viens, on va se chercher à manger ! Faut qu’on reprenne des forces !

Alors qu’elle descend les escaliers suivie par Dana, son regard noisette vogue sur l’océan de couleurs qui se propage sur les terrains en contrebas. Elle apperçoit David et Mikaël discuter avec le Capitaine des Chats, Juliette s’asseoir à côté d’une fille des Aigles bientôt rejointe par deux grandes Rhinos. Une vague de fatigue s’échoue contre Mathilde. Faut que tu tiennes. Le plus gros reste à faire.

Elle repère Théo et Liam en train de rigoler prêt du buffet. Ses pas ralentissent jusqu’à se stopper. Plantée là comme un navet, elle observe ses deux coéquipiers se chamailler, toute faim oubliée. Un sourire naît sur ses lèvres. Coéquipiers… Le mot lui semble bien modeste maintenant qu’elle y pense. S’il renvoie cette idée de soutien indéfectible bien plus intense que celle contenue dans le terme ami, il ne qualifie plus exactement ce qui la lie aux deux jeunes hommes. Des amis, elle en a eu. Des coéquipiers comme ceux qui l’accompagnent en finale, elle en a eu. Ce qu’elle ressent quand elle se tient aux côtés de Liam et Théo n’a rien à voir avec tout ça. C’est… indescriptible, incomparable. Elle inspire profondément. C’est… parfait.

— Mathilde ? demande Dana d’un ton hésitant.

— Hmm ?

La gardienne baisse les yeux vers l’attaquante qui s’est arrêtée trois marches plus bas. Depuis combien de temps je revâsse moi ? Elle se remet en route en ricanant :

J’arrive, j’arrive. Mon énorme cerveau ne fonctionne pas bien quand mon estomac n’a pas été satisfait. Je…

— Tu devrais leur dire, sourit la reine de beauté. Je suis certaine que vous trouverez une solution.

— De quoi tu parles ?

— Tu le sais. Au fond de toi, tu le sais.

Perdue, Mathilde fronce les sourcils. Elle ouvre la bouche pour en demander plus mais Dana s’est déjà détournée. L’amie d’Andréa dévale les marches et rejoint Robin et Tim qui l’attendent avec un verre de jus à la main.

Comme attirées par un aimant, les prunelles de Mathilde cherchent à nouveau la fougère et l’inspecteur. Trouvés. Théo est en train de faire le poirier sous le regard attentif de Liam. Le libéro semble prendre des notes tandis que le passeur gesticule dans tous les sens. Un soupir. Quelles conneries ont-ils encore inventées ? Les battements du cœur de la jeune femme s’accélèrent à l’idée de les retrouver.

Alors qu’elle continue sa descente, le conseil sybillin de Dana, les mots d’Aïsha… Tout lui revient en pleine face. Bien plus que des amis, bien plus que des coéquipiers. Ce besoin irrésistible de se tenir à leurs côtés. T’es amoureuse. Cette volonté irrépressible de se réfugier dans leurs bras. T’es amoureuse. Cette envie de sentir leurs doigts s’emmêler dans ses cheveux, leurs mains caresser sa peau, leurs lèvres déposer un baiser sur son front… Elle porte une main à sa bouche, les yeux écarquillés.

Oh bordel.

J’suis amoureuse.

Et tellement dans la merde.

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