- ENFIN LIBRE ? -
Gabriel se mit à pédaler de toutes ses forces, il voulait s’en aller, laisser derrière lui tous ses problèmes. Il fonçait désormais vers la ville à toute vitesse, sans jamais se retourner. De grosses larmes coulaient sur ses joues, essuyées par le vent qui soufflait sur son visage et faisait s’envoler sa chevelure brune dans tous les sens. Le paysage défilait à la vitesse des roues de son vélo qui battaient le bitume abîmé de ces grandes plaines désertes et mélancoliques. Ces plaines qui l’avaient vu naître, qui l’ont vu grandir mais que lui préfère désormais fuir comme la peste.
Il arriva sur son vélo dans cette immense jungle de béton. Lui, cavalier d’une monture en aluminium qui devait désormais affronter cette nature urbaine. Il vagabondait, seul, le jour voulait déjà l’abandonner. Bientôt il serait prisonnier de la nuit, perdu dans l’obscurité, son esprit l’était déjà.
Il trainassait, marchant à côté de son vélo, il regardait les gens, ils le dévisageaient. Il voulait que Caroline soit là, sa meilleure amie, enfin une épaule sur laquelle se reposer. Elle habitait de l’autre côté de la ville, mais qu’importe, il était seul mais bel et bien libre. Il se mit en route tentant d’échapper au démons nocturnes qui trainaient sûrement dans les parages. Traversant l’entièreté de la ville dans l’air chaud et calme d’une nuit d’été. Une légère brise lui caressait la visage. Il prit une bouffée d’air frais comme pour se libérer de l’emprise de ses fâcheux souvenirs.
Il arriva dans le quartier de Caroline. De grands lotissements parallèles où les maisons s’entassaient dans des rues interminables. Caroline habitait au 1975. Lorrain Avenue. Dans une maison bleu clair qui semblait anormalement petite par rapport aux autres. Il était tard et Gabriel ne voulait pas réveiller toute la petite famille et encore moins Joseph, le père de Caroline dont il avait une peur bleue.
Il fit donc le tour de la maison. Posa son vélo dans la cour et escalada la clôture qui menait au jardin. Il hurla doucement « Carrie ! » Aucune réponse. La fenêtre était fermée. Gabriel se baissa et ramassa de petit cailloux afin de les lancer dans le carreau. De l’autre côté du verre, Carrie assise devant sa coiffeuse entendait de petits « toc ! ». Interloquée, elle se retourna. Elle vit alors un petit caillou jaillir d’en bas. Elle s’approcha de la fenêtre et aperçut Gabriel debout au milieu du jardin, posé là comme un épouvantail tentant de chassé les corbeaux de son malheur.
Elle ouvrit la fenêtre en bois et demanda en chuchotant :
« Carrie – Gabe ! Qu’est ce que tu fiches ici ?
Gabriel – J’avais besoin de te voir… » Dit-il d’une voix basse, à peine perceptible. Caroline reprit :
« Carrie - Tu ne devrais pas être là…Si mon père nous entends, nous sommes morts
Gabriel – Je suis parti..
Carrie – Parti ?
Gabriel – J’ai quitté la maison
Carrie – Je vois bien, tu es là, devant moi
Gabriel – Non…Je veux dire, je n’y retournerai plus…
Carrie – Pourquoi ? Qu’est ce qu’il s’est encore passé
Gabriel – Mon père m’a très clairement demandé de partir, fusil à la main… » Caroline expira profondément et demanda alors :
« Carrie – Tu veux monter ?
Gabriel – J’arrive tout de suite !
Carrie – Sois discret par contre » Il se mit alors à escalader la façade la maison, mettant de le pied sur d’étroites planches de bois qui s’étaient écartées des autres. Son amie entrouvrit la fenêtre pour le laisser entrer en silence dans la maison endormie.
Gabriel s’assit sur le lit, la tête baissée. De fines larmes s’écoulaient doucement le long de ses joues. Ses poings étaient serrés, un mélange de haine, de colère et de honte lui parcouraient le corps et avait pris le contrôle de son esprit. Caroline s’approcha doucement et lui releva la tête. Les yeux dans ses yeux elle dit tout bas :
« Carrie – Tu n’as plus à avoir peur désormais, je suis là, je veillerai sur toi
Gabriel – Je me sens si seul, si abandonné, mon père, toute ma famille semble me détester, même les gens de la rue me dévisage comme si j’avais commis le pire des crime
Carrie – Pour moi tu es si innocent, je sais bien que tu te sens seul et perdu, c’est pour ça qu’a partir de maintenant je te lâcherai pas
Gabriel – Merci Carrie, tu es la seule qui m’écoute et qui comprend mes peines, et ça depuis tant d’années… »
Carrie s’approcha de lui et déposa un bisous sur sa joue tout en caressant légèrement son bras. A nouveaux plongé dans son regard Gabriel saisit sa chance. Il posa sa main sur sa joue et l’embrassa. C’était là, la meilleure façon de se libérer de son plus lourd fardeau.
Annotations
Versions