- FAMILLE -

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La décoration de cette minuscule maison était fade et dérangeante. Des centaines de bibelots de toute les civilisations antiques de la planète étaient rassemblées dans une foule qui visuellement était à peine supportable. Les tapisseries aux couleurs audacieuses déstabilisaient les sens de Gabriel qui avançait à tâtons dans la cuisine.

Il traversa la pièce et tomba nez à nez avec Joseph, confortablement installé dans son fauteuil en cuir, une expression grave sur le visage. Il lui adressa un salut poli mais lourd, le poids de son regard faisait flancher la face angélique que Gabriel cherchait à faire paraitre. Anne arriva, vêtue d’un tablier beige. Elle s’adressant au jeune homme, debout et soucieux au milieu de cette pièce étroite :

Anne – Tu restes manger Gabriel ?

Gabriel – Ça me gêne de devoir m’imposer…

Anne – Caroline m’a brièvement raconté ce qu’il s’est passé avec ton père, j’en suis navré.

Gabriel – Merci.

Joseph – Qu’est-ce qu’il s’est passé avec ton père ?

Gabriel – Ho rien, une dispute.

Anne – Caroline m’a dit qu’il ta mit à la porte.

Joseph – Quoi ? Il ne va pas loger ici quand même ?

Anne – Joe ! Je t’en prie, essaye de comprendre.

Gabriel – Je suis désolé, si ma présence vous gêne, je partirai.

Joseph – Et pas qu’un peu, grommela-t-il en se raclant bruyamment la gorge.

Caroline arriva à son tour dans cette pièce qui devint subitement minuscule et bondée. Cette proximité suintante le faisait doucement trembler. Il recula quelque peu pour se donner de l’air et échapper à la pression écrasante de cette pièce qui semblait rétrécir à vue d’œil. Si l’on ajoute à cela l’imposante carrure de Joseph, qui amoindri encore d’avantage le maigre espace vital dont dispose Gabe. Il commençait à pâlir, il demanda d’une voix tremblante :

Gabriel – Madame Stanhope, pourrais-je avoir un verre d’eau ?

Anne – Évidemment et appelle moi Anne, les « madame », c’est pour les vieilles femmes.

Joseph – Tu n’en es plus très loin, ria-t-il.

Anne – Ho toi vieux bouc, tais-toi.

Anne servit un verre d’eau froide et le posa sur la table. Gabriel le descendit d’une traite. La clochette du four sonna et Anne se précipita pour y sortir le gigot. Elle s’équipa d’une paire de gants et amena le plat brulant sur la table en répétant : « Chaud devant ! Chaud devant ! »

Patricia et Rachel, les deux sœur de Caroline descendirent et tout ce petit monde s’agglutinat autour d’une petite table en bois massif. Une odeur lancinante d’origan et de thym embaumait la pièce et apaisait Gabe. Le copieux repas l’avait rassasié alors que toute la petite famille avait les yeux rivés sur lui. Anne demanda :

Anne – Tu as assez mangé Gabriel ?

Gabriel – Ho oui merci madame Stanhope

Anne – Pour la deuxième fois appelle moi Anne.

Gabriel – Pardon mada…euh Anne, pardon Anne, corrigea-t-il en serrant les dents.

Joseph – Ça vaut mieux pour toi, elle n’aime pas ces pseudo-politesses à deux balles, conseilla surprenamment Joe qui était affalé dans sa chaise, sa pense protubérante presque posée sur la table.

Patricia – Maman, est-ce que l’on peut allumer la télé ? demanda la benjamine de la famille.

Anne – Oui Patty… vas-y…, accepta difficilement la mère.

Joseph – Tu peux bien la laisser regarder la télé ?

Anne – J’ai peur que ça ne les perturbe…

Joseph – Seigneur, où vas-tu chercher tout ça ?

Anne – Il n’y a rien de sain à regarder ses inepties…

Joseph – C’est le progrès ma cher.

Patricia s’approcha du poste et l’alluma. C’était l’heure du journal télévisé. L’intro faisait trembler les murs et le crescendo aigu des quelques notes qui l’accompagnaient, rampaient sur les murs. Le présentateur énuméra les différents sujets d’une voix rauque :

Madame, monsieur, bonsoir. Au sujet de l’actualité ce soir, l’inauguration du laboratoire de recherche et d’étude aérospatial près de Phoenix. Le maire monsieur Hills, le secrétaire d’état à la défense monsieur McNamara et le ministre au développement technologique monsieur Gibson se sont dit très heureux de cette avancée en termes de recherche dans l’accomplissement de l’objectif imposé par feu monsieur le président Kennedy, à savoir : La lune.

Gabriel et Caroline se regardèrent d’un air troublé, un léger frisson sournois parcouru leur deux corps presque simultanément. Une puissante énergie les gardait assis sur leurs chaises. Gabriel se leva, prétextant d’aller aux toilettes, Caroline le suivit quasi instinctivement. Il se retourna au milieu du couloir avant de l’attraper par le bras, il paraissait pâle et déboussolé :

Gabriel – Et si c’était ça ?

Caroline – Tu y crois vraiment ?

Gabriel – Tout porte à y croire, non ?

Caroline – Ce sont des sornettes…

Gabriel – Plusieurs éléments collent parfaitement

Caroline – Parce qu’ils ont inaugurés ce labo ?

Gabriel – Et si c’était une façade, un déguisement…

Caroline – Tu crois vraiment que l’armée manigance quelque chose dans ce labo ?

Gabriel – On ne le saura que quand Olie aura finit de construire le démodulateur de fréquence.

Caroline – Tu es si pâle, tout cela te tracasse n’est-ce pas ?

Gabriel – C’est pire, je ne pense qu’à ça…

Caroline – Ce n’est sans doute rien… Il ne vaut mieux pas te torturer l’esprit.

Gabriel – Et si tout cela était vrai, qu’adviendra-t-il de nous ?

Caroline – Je l’ignore mais ne soulève pas trop de questions tant que nous ne sommes pas sûr et certains que c’est bien l’armée qui est derrière tout ça, chuchota-t-elle en lui adressant une caresse sur la joue.

Ils retournèrent dans la salle à manger et débarrassèrent rapidement la table. Joseph soupçonna quelque chose et attrapa Caroline dans la cuisine :

Joe – Qu’est-ce que vous préparez vous deux ?

Caroline – Rien papa, pourquoi ?

Joe – Je te préviens, il ne dort pas dans ta chambre.

Caroline – Papa, j’ai 16 ans dans trois mois, je ne suis plus une petite fille.

Joe – Je ne veux pas qu’il arrive malheur.

Anne – Joseph, laisse-la un peu respirer, gronda Anne qui essuyait les verres.

Joe – Anne, tu ne vas pas me dire que tout cela est bon pour eux ?

Anne – Ils sont jeunes, après tout, c’est ça le progrès, non ? assura-t-elle en adressant un clin d’œil à sa fille. Caroline attrapa le poignet de Gabe et le traina jusqu’à l’étage à toute vitesse. Elle ferma la porte de la chambre et s’assit en tailleur sur le lit. Gabriel tira le tabouret de dessous la coiffeuse et s’assit en face d’elle. Il avait une expression grave sur le visage, Caroline lui demanda :

Caroline – Tout vas bien ?

Gabriel – Je n’arrête pas d’y penser, est-ce que je deviens dingue ?

Caroline – C’est normal que ça te travaille mais tu devrais essayer de te changer les idées.

Gabriel – Je n’arrête pas mais mon cerveau m’y ramène à chaque fois…

Caroline – Ce n’est pas bon pour toi, laisse les choses se tassées et on y reviendra quand Olie aura mis au point sa fameuse machine.

Gabriel – Tu as surement raison, attendons quelques temps et espérons que ce n’était rien de plus qu’un simple message.

Caroline – Oui, espérons…, Gabriel la rejoignit sur le lit et il la sera dans ses bras comme si c’était la dernière fois qu’il la voyait.

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