I love the color of your beautiful eyes

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Je ne dors pas, impossible de fermer les yeux. D’ailleurs, je ne dors plus depuis qu’elle a répondu à mon message.
« Je saute dans un avion. Attends-toi à me voir débarquer dans deux jours. »
Mon cœur a fait un dératé à sa lecture.
Je crois que c’est la première fois que cela m’arrive. Comme une sorte de boule de feu dans le ventre, un truc qui te colle au plafond, qui te vide de tous tes organes pour ne laisser que plénitude. Moi qui ne pensais qu’avec mon entrecuisse, me voilà soumis au diktat de ce qui me sert de patate.
Marsh, qu’est-ce qui te prend ?
Cette gonzesse était prête à te coller une bastos et toi tu t’entiches d’elle.
C’est comme ça.

Dans la foulée, je suis allé me trouver une caisse. Il me restait une liasse de billets, j’ai acheté un vieux Mitshu L200. Le genre de bagnole increvable. Le vendeur, un type gaulé comme une boule de bowling croyait avoir affaire à un charlot. Quand il était à côté de moi, on aurait dit une bille de billard et la queue prête à l’envoyer se réfugier dans un coin de table. Drôle d’image. J’ai joué là-dessus. De charlot, je suis devenu son meilleur ami, presque il m’aurait balancé toute sa vie si je lui avais demandé.
Le lendemain, je me suis rendu à l’aéroport. J’sais pas ce que je m’étais imaginé pour nos retrouvailles, mais pas ce fiasco. Je ne suis pas le genre de gars romantique qui regarde les films de Noël à la télé, pourtant, je m’attendais à autre chose. Deux phrases échangées, même pas une bise.
C’est parti en vrille.
C’est comme ça.

Elle s’est couchée sur le lit, je me suis allongé à côté d’elle. Je la devine les griffes dehors, alors je ne fais rien. Enfin si, je cogite.
Je savais que j’étais un gros naze, mais là ! Chapeau Marsh, t’as décroché le pompon.
Merde, elle a lâché son job en rentrant en France, a tiré une croix sur Tony les bras longs et elle est revenue rien que pour toi. Si ce n’est pas une preuve d’amour… et je ne lui ai même pas dit que ses yeux noisette à la pistache étaient magnifiques. Un lourdingue hors catégorie.

J’ai fini par m’endormir… pas longtemps.
Un faisceau de phares de bagnole raye la vitre de la chambre. La luminosité me réveille. Je regarde l’heure. 2 :47.
Enfoiré, peut pas éteindre ses lumières, celui-là ?
Je me lève, m’approche de la vitre. Les phares s’éteignent. Une grosse caisse noire est stationnée devant la réception du motel. Quatre gus, plus balaises que Schwarzi, en descendent. Ils ont des grosses pétoires aussi longues qu’un jour sans pain, et des gilets pare-balles. Ils ressemblent à des bibendums. Sur leur gilet, marqué en gros : FBI.
Doivent chercher quelqu’un, je ne voudrais pas être à sa place. Sûr qu’il va passer un sale quart d’heure. Les quatre types rentrent à l’accueil lorsque je vois un vieil homme remonter dans sa guimbarde et disparaître. L’indien qui m’a déposé ici.
Ça ne fait qu’un tour dans ma petite tête… l’explosion, le corps de Dents Dorées. Ils sont à mes basques, c’est moi qu’ils cherchent. Merde ! Il leur aura fallu cinq semaines pour remonter la trace et cet enfoiré de vieil homme pour les conduire jusqu’ici.
Je réagis dans la seconde. J’attrape mon sac, celui des Yeux Bleus, puis la réveille. Elle est dans le pâté et ne me capte pas. Putain de jet lag ! J’en oublie ma blessure et la charge sur une épaule, comme un sac. J’ouvre la porte. Les gus du FBI sont encore à la réception. Doucement, je vais jusqu’au Mitshu. Je balance Les Yeux Bleus sur le siège passager, puis prends le volant. Sans allumer les phares, je taille la route.

Elle émerge un peu plus loin et me regarde d’un drôle d’air.
– Marsh, on est où ?
– Sur la route.
– You’re so funny ! Je vois bien qu’on est sur la route.
Merde, elle parle anglais maintenant !
– Je te demande où on est et où on va ?
– Je sais pas, je roule plein Nord, on verra plus tard.
– Et ça te prend en plein milieu de la nuit ?
– Hmm… Je t’ai dit que j’adore la couleur de tes yeux ?
Elle ne dit rien, me sourit.

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