Elle a 16 ans, au sommet
Ma chère vie, quand je te dis que ma journée ne peut pas être pire, c'est une remarque.
Pas un défi. Merci d'en prendre bonne note à l'avenir.
Ella a la chance de grandir dans une famille d’employés de sociétés d’assurances, qui mettent toutes leurs économies pour les vacances, en famille ou juste pour qu’Ella ne passe pas un jour de vacances scolaires au domicile familial.
À la réflexion, n’était-ce pas pour l’éloigner du foyer familial ? Non réflexion idiote car à quoi ça servait, puisqu’ils travaillaient la journée ! C’était sûrement pour occuper cette jeune fille et adolescente presque jeune femme, dynamique, ultra dynamique… Et oui, Ella marcha à 8 mois. C’est tôt, très tôt pour ce bébé que tout le monde pensait trisomique tellement elle avait une grosse tête, avec un petit nez. Ella parla à deux ans et à partir de ce jour, ses parents avaient compris qu’ils avaient un modèle bien différent de son frère aîné, qui avait plus une fâcheuse tendance à procrastiner, même tout bébé.
L’année de ses 16 ans, Ella est en stage hivernal pour son quasi dernier entraînement avant de passer son « BAFA monitorat de ski alpin » l’hiver prochain et ainsi passer les prochaines vacances d’hiver et de printemps sur les pistes en recevant ses premières fiches de paie (en Francs mais le montant laissait songeur, avec l’hébergement). Bref à 16 ans, avec tous ses amis des quatre coins de la France de la zone B, Ella s’éclate sur les pistes en skis, en monoski, en surf sur les champs de bosse tel Edgar Grospiron, son idole olympien des Jeux Olympiques d’Albertville en 1992.
Parce qu’il y a 30 ans j'ai gagné les jeux, aujourd’hui des journalistes
m’appellent pour me demander : que reste-t-il de ta victoire ?
Des souvenirs, des émotions et des anecdotes ? Bien sûr, mais ce n’est pas ça, le plus important… Le plus important, c’est d'avoir OSÉ dire publiquement "Je vais gagner ces JO". Parce qu’en disant cela, j’ai mis ma tête sur un billot. J’ai pris le risque de passer pour un looser. Un nul. Un mec pas fiable. Mais j’ai aussi donné une “identité” à cette victoire, qui la distingue de toutes les autres. Et c’est ça qui restera à jamais gravé dans mon coeur et dans l’esprit de ceux qui m’ont soutenu. Alors vous pourriez vous dire que je profite de cet anniversaire pour m’envoyer quelques fleurs (c’est pas faux, vous devriez essayer, ça fait du bien quand on est d’esprit chagrin ;-) )…
La véritable raison de ce texte, c’est de vous pousser à vous poser de vraies questions. Que pourriez-vous faire que vous n’avez jamais osé faire et qui aurait tellement de panache que votre vie en serait transformée ? Gagner les JO, c’est une victoire, mais ce qui fait sa beauté, c'est le chemin qui m’a amené là. Faites preuve de panache et vous vivrez des moments uniques qui resteront gravés à jamais.
Promettez-vous de donner le meilleur de vous même et engagez-vous auprès de ceux qui vous sont chers. Vous n'imaginez pas le poids que ces quelques mots auront dans votre vie.
Edgar Grospiron
Ce stage aux sports d’hiver est aussi l’occasion de sa première fois … avec un homme majeur. Certes il a 22 ans mais c’est formellement interdit de coucher avec son moniteur de ski. C’était d’autant plus excitant, même si ce n’était pas son premier mec …
Cette année-là, Ella décroche son chamois d’or haut la main. Au ski comme en cours, de toutes façons tout lui réussit. Les autres sports aussi : danse, gymnastique, tennis, équitation, tennis de table … seule la natation n’est pas son truc … à relier sûrement au fait que les périodes de natation obligatoires à l’école, Ella était souvent dispensée car miss casse-cou a des fils au genou, à la main, à la tête … Depuis toute petite, quand elle n’est pas dans un club de sport, elle est dans le quartier en rollers et les chutes pardonnent rarement.
Cette année-là, elle rentre comme à chaque fois de ce séjour magique, déprimée et comptant les mois à tenir avant de retourner à Serre-Chevalier, et obtenir le graal pour vivre de sa passion.
Mais le retour sur la terre ferme, sur le sol rémois s’avère encore plus que déprimant. Ella ne peut plus marcher 100 mètres sans tomber au moins une fois, un genou, voire les deux, lâchant totalement pour la laisser choir. Le verdict tombe : une opération en juin, une autre en décembre, une dernière l’été suivant et ça ira.
Ça ira ! Mais pas du tout ! Le BAFA, le projet de partir vivre dans les Alpes avec toute sa bande de skieurs de la zone B ?! Elle hurle au chirurgien qui ne peut guère en placer une sauf à chuchoter à sa mère : « Calmez-la ! Et ne vous inquiétez pas, ça lui passera. Je vais la réparer mais adieu le ski ! ».
A ses mots qu’elle n’entend pas vraiment, Ella est furieuse et veut un autre avis médical .. qui est sans appel, et avec le même protocole. Elle est abasourdie, en pleine apocalypse cérébrale, le deuil d’un projet de vie qui l’a nourri depuis sûrement qu’elle a chaussé des skis, pour la première fois, à l’âge de 5 ans.
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