Elle a 49 ans et rendez-vous en terrain connu
Le sexe est une drogue. J'ai mes périodes de shoot et d'abstinence.
C’est la nouvelle année. Le temps des étrennes. Ella se rend chez un ami vieux de plus de vingt ans pour trinquer à ces nouveaux souhaits annuels et voir ses deux chérubins qui l’appellent Tata. À peine arrivée, les enfants se précipitent sur elle « Bonne année Tata. On file. Maman a eu son bébé et Quasimodo nous attend en bas ! ».
Ah mais déjà ? C’était pour la fin du mois normalement le bébé de leur maman et leur beau-père qu’ils ont élégamment surnommé Quasimodo tout simplement parce que leur mère l’a rencontré à un bal costumé !
- Bon bah bonne année les enfants. Un bisou à maman et au bébé !
- Bonne année ma belle !
- Hé bonne année mon poto. Tu m’as fait peur !
- Oh désolée darling. Votre palpitant s’affole ? dit-il en approchant sa main vers la cage thoracique d’Ella.
Ils rient de leurs jeux idiots et se dirigent vers la cuisine. Il lui sert une flûte de champagne et lui fait signe d’aller au salon. Elle s’installe dans le nouveau canapé dont elle a entendu parler sans le voir.
- Il est top. J’adore la couleur. Et super confort même si je veux être bien, je dois enlever mes chaussures ?!
- Et oui c’est ça le confort comme chez soi, même chez les autres, dit-il en posant le plateau sur le canapé large comme un lit.
- Alors pas trop perturbé par la naissance ?
- Mais non tu sais on en parlait mille fois. J’ai fait une vraie croix sur elle et je suis heureux pour elle et les enfants sont tellement contents.
- D’accord d’accord mais tu as le droit de me dire si tu as un petit pincement au cœur !
- Non. Ça va. Allez trinquons et tu me racontes ton réveillon !
- Tchin
- Tchin
- Je t’ai tout dit au téléphone déjà. Relou les soirées comme ça. Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté. La prochaine fois je choisis le repas avec toi et les enfants !
- L’an prochain je serai seul. C’est dans deux ans maintenant avec les mômes.
- Mais non tu ne seras pas seul. Tu as 361 jours pour rencontrer une belle.
- Mouais on y croit comme tous les ans que tu me dis ça … quand je vois toi toutes les rencontres que tu fais et moi … Nada !
- N’exagère pas. Tu as eu Sonia. Et Cath. Le problème tu le connais !
- Oui je veux une amoureuse et vous êtes toutes à un âge où vous ne voulez que des plans culs !
- Oui et non. J’ai changé là-dessus à force de trop de plans cul. J’aimerais bien aussi me poser.
- Posons-nous ensemble !
- Tu sais que t’es con toi alors !
Elle prend son verre pour se donner bonne constance. Il ne lui avait jamais dit ça. Elle le regarde pour comprendre si c’est une blague ou si une pensée plus profonde. Le plateau les sépare mais leurs corps se mettent à trembler intérieurement. Le cœur commence à palpiter. Les mains deviennent moites.
Elle reprend une gorgée de champagne. Il la regarde comme jamais elle n’avait vu ses yeux ainsi posés. Sa tête se met à tourner et imaginer ce que serait leur couple, leur vie, leur vie de couple … il faut se ressaisir. Enfin … quoique … pour quoi ?
Il se lève pour aller chercher les toasts mis au four. Elle respire. Elle le rejoint dans la cuisine et là, nez à nez, il l’attire pour l’embrasser tel un héros de film de Noël. Elle ne résiste pas. De si longtemps qu’ils se connaissent, jamais ils ne se sont embrassés … avec la langue. Les corps s’électrisent tellement la foudre est inattendue…
Le premier de l’an est sexuel et non pathétique à parler de leur vie ratée. Ils savent que rien ne se construira entre eux. Ils profitent juste de ce moment d’égarement.
Un jour j’ai vu amour
Venu à pas de velours
Me chatouiller pour vibrer
Aux bruits de ses pas
Aux sons de sa voix
Aux goûts de ses lèvres
A en donner fièvre
Un jour j’ai vécu amour
Plein d’émoustillements
À cause des sentiments
Tel un joyau à choyer
Tel un secret à garder
Tel un baiser à respirer
À survivre d’émotions
Aujourd’hui je rêve amour
Remémorant ce temps
De douceur et de lueur
Oubliant les abîmes
De la réanimation
Optant pour le silencieux
Célibat sournois
Un clic, une discussion... Un été, un sourire... Un numéro, un mail, une attente, un souvenir... Un appel, une voix, un début, un rencard... Un horaire, un endroit, une venue, un espoir... Une terrasse, un café, un dialogue, un moment... Un soleil, une lumière, un battement... Une seconde, une minute, une heure, un plaisir... Un au-revoir, une prochaine, une promesse, un désir... Un après, une durée, une patience, un silence... Un doute, un pourquoi, un regret, une distance... Un retour, une surprise, un déluge, une marée... Une suite, une envie, un projet... une soirée... Une pleine lune, une virée, un instant, une pulsion... Un frôlement, un baiser, une magie... Un frisson...
(Inspirée de Grand Corps Malade)
Dernier lundi de novembre. Un trajet en métro qui même ce soir lui laisse croire en la beauté du monde et la bonté humaine. Il est grand. Il a la voix grave. Il est quinqua couleur ébène. Il est de noir vêtu. Il est assis là sur un strapontin. Ella est face à lui. Il est petit. Il a une voix qui n’a pas mué. Il est ado couleur aspirine. Il est LGBT+ habillé. Il est assis là sur un strapontin. Ella est face à eux.
Le vieux lui demande s’il aime les voyages. Le murmure est inaudible mais le hochement de tête visible. Le vieux insiste sur les voyages et la découverte des peuples et des cultures qui sont nécessaires pour devenir un grand homme en plus des livres. Le jeune sourit, elle aussi. Le métro s’arrête. L’ado doit partir. L’adulte lui glisse « souviens toi de moi et continue d’être bon à l’école et ailleurs ! Tu es un bon n’est-ce pas ? ». L’ado rougit … il a tout compris.
Elle arrive à l’aéroport. Ils enregistrent leurs bagages et dans la file d’attente pour passer le contrôle. il ose un baiser dans le cou avant de lui susurrer à l’oreille qu’il a envie de l’embrasser. Elle se tourne vers lui avec un large sourire … « pas ici quand même. »
- Mais si on a le dr…
Ses lèvres sont déjà posées sur les siennes. Ella les ouvre pour que leurs langues se mêlent … leurs corps se collent comme pour mieux ressentir et partager les sensations. Sa main se pose sur ses fesses tentée par soulever la jupe.
Ils sont interrompus par des voyageurs impatients car il faut avancer. Il lui prend la main comme pour ne pas la perdre … ils avancent … vidant leurs affaires dans les bacs. Il bipe, il a oublié sa ceinture. Elle observe de loin apercevant son bas ventre. Elle a envie de lui … déjà.
Réveil matin le cœur serein
Mais le cœur dit autre chose
Je suis toute chose
La réalité enfin explose
Demain j’irai bien
Je m’en bats les reins
C’est ça ma nouvelle devise
Un jour suffit sa guise
Pendant que je me déguise
Les masques tombent
Je ne suis pas dans la tombe
Cet homme n’a pas touché son corps. Il l’a écouté. Chaque frisson, il l’a mérité. Chaque soupir, il l’a attendu. Il ne s’est pas précipité, il a attendu que les silences d’Ella s’ouvrent, que ses peurs reculent. Il n’a pas traversé ses frontières, il les a apprises. Avec sa bouche, il n’a pas seulement cherché l’envie, il a traduit ses tremblements, ses failles, ses besoins enfouis. Et avec son regard, il a dit des choses que même ses mots n’osaient pas formuler. Il n’y avait pas de hâte, juste cette tension douce, cette envie retenue qui rend chaque geste sacré. Il l’aime comme on ouvre un livre ancien, avec les doigts, avec le souffle, et surtout avec cette patience infinie de celui qui sait qu’un corps, ça ne se prend pas, ça se découvre.
De retour de leur séjour, il lui fait sa déclaration, un peu particulière, beaucoup à sa façon : "Toi t'es différente. T'as un truc qui change, qui chamboule tout, ce truc qui transperce l'âme, tu vois de quoi je parle ? Puis t'as ce regard dans la face, qui interpelle les gens, ce regard qui dit que t'as besoin d'aide et que t'es complètement à coté de la plaque. T'es pas normale, mais vraiment pas normale. T'as ce sourire de conne, oui de conne, celui qui à l'air de dire " j'emmerde tout le monde, puis j'emmerde la vie aussi", t'as cette façon de marcher aussi qui trahit ton sourire. Parce que t'as beau faire la dure, la forte, l'insensible, la sarcastique, l'orgueilleuse, la cynique, l'intouchable, ça se voit au premier coup d'oeil, et à force t'es plus crédible. Ça se voit que tu vas pas bien, qu'a tout moment tu peux t'écrouler. Qu'il suffit qu'on te bouscule un peu fort, pour que tu finisses par tomber. Mais toi, t'es inoubliable. T'es pas le genre de fille qu'on oublie comme ça, du jour au lendemain. Toi, t'es un ouragan. Tu laisses des séquelles et des traces de ton passage, et ça, partout où tu vas. Puis toi, t'es comme la pluie aussi. T'es belle à regarder, ça en devient même tout drôle des fois. Tu pues l'humanité, tu pues la nuit. Tu sens l'espoir et tu sens la vie. Et t'es là, tu débarques, tu sèmes tes petits bouts de toi, puis tu t'en vas. Bordel. T'es tellement de choses à la fois. Tu donnes envie à un flemmard de se bouger le cul, à un fumeur d'arrêter de fumer, à un amoureux brisé d'aimer. T'es comme un vieux souvenir, qu'on n'arrive pas à effacer. T'es ancrée dans le regard des gens, t'es ancrée dans leur réalité."
Pour seule réponse, Ella lui envoie ce poème :
Je t'embrasse
Je t'embrasse avec les mains
Elles font du bien
Je t'embrasse avec la bouche
Elle finira sous la douche
Je t’embrasse avec un doigt
Il nous met en joie
Je t'embrasse avec la langue
Elle crée le big bang
Je t’embrasse avec le nez
Il faut penser à s’aimer
Je t’embrasse avec les yeux
Ils sont amoureux
Je t’embrasse avec la tête
Elle n’est pas si mal faite
Je t’embrasse avec le cou
Pour un dernier p’tit coup
Je t’embrasse avec mes seins
C’est une chaîne sans faim
Je t’embrasse avec mon pied
Il faut le prendre en entier
Je t’embrasse avec mes jambes
À ton cou, elles pendent
Je t’embrasse intimement
Avec envie absolument
Je t'embrasse avec mes mots
En espérant pas de maux
Je t'embrasse avec le coeur
Empli de tant de douceur
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