Elle a 50 ans
Celles qui volent en solo ont souvent les ailes plus solides. -Nametests-
En cette période post covid, marquée entre autres, par les guerres, l’inflation, la conjoncture économique, la macronie, la fin des jeux olympiques et paralympiques, etc., l’humeur est morose… et les sites de rencontres deviennent plats et fades, sûrement aussi pour toutes ces raisons avec en plus covid-19 qui a éloigné les gens quoi qu’on en dise (merci au pangolin au passage !).
Ella, comme beaucoup, se retrouve au beau milieu d’un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) qui n’a que le nom de sauvegarde car ce n’est ni plus ni moins qu’un sabotage d’emploi. Eh oui son employeur met la clé sous la porte préférant mettre tous les employés au tapis plutôt que batailler avec les banquiers … tout ça parce qu’il a eu la gâchette facile avec les cartes bleues et ordres de virement, et une fâcheuse tendance à confondre ses comptes pro/ perso ... L'équilibre vie pro / vie perso, il en a une idée bien à lui.
Donc Ella virée. Et c’est là que le S comme sauvegarde prend tout son sens car son futur ex boss lui propose des trucs non pas pour préserver son emploi mais pour sauvegarder ses revenus … le chômage ! Ou la création d’entreprise ! Ou les études ! Ou …. Tout ça accompagnée par un conseiller en accompagnement au reclassement qui n’est qu’un psy qui écoute ta vie, tes projets, tes emmerdes sans jamais ni te conseiller ni t’aiguiller plus que ça ni même te demander de t’allonger sur le sofa...
Ella sait tout ça et aimant les défis fous dans sa vie de tous les jours, elle entrevoit déjà de challenger ce conseiller un peu coincé en lui évoquant son projet de création d’entreprise : un bordel ! Pas celui de sa vie car pour celui-là elle n’est nullement payée mais bien un bordel de maison close qui manque tant dans ce pays.
- Bonjour Monsieur le conseilleur de projet
- Bonjour Madame, je ne suis pas …
- Appelez-moi Ella, je vous en prie, dit-elle d’un sourire aguicheur. Je viens avec mon projet de création d’entreprise et avant même d’ouvrir (elle écarte les cuisses en même temps !) mon bordel, sachez que vous serez membre de ma clientèle privilégiée.
- Un bord…
- Oui un bordel ou une maison close. Mais une bien, une à ma façon, une pour répondre à tous nos besoins. J’ai déjà le nom … un jeu de mots « au bord’ailes ». C’est mieux qu’au bord du gouffre non ?
- Oui, oui sans doute mais vous savez que …
- Oui je sais que … d’ailleurs votre queue, l’avez-vous vraiment mesurée au repos comme en érection ? Dans mon bordel, je veux un mètre à queue et des maîtres à queue en queue-de-pie. Je pourrais peut-être y mettre un mètre à chatte aussi non ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
- Oui c’est une idée … pour l’égalité des sexes …
- Justement c’est bien pour cette inégalité que je veux créer ce bordel. Mais bordel que ça va être compliqué : contourner les lois, trouver le local, faire de la pub … vous pensez que je peux attirer le client ? Ou je suis trop vieille pour le marché ? J’ai encore quelques atouts qui plaisent quand même non ? Enfin je vous plais ? On pourra tester quelques-unes de mes idées monsieur le conseilleur accompagnateur ?
- Euh … oui ça va être compliqué Madame, ce projet n’est pas viable…
- Mais attendez, je ne vous ai pas présenté le business plan encore. Car justement je déborde d’idées et je dois les tester … à la réflexion, peut-être pas toutes avec vous mais si vous le souhaitez afin de valider le projet, nous pourrons l’envisager… tout tester ensemble ! Je vous plais un peu quand même ? Mes seins vous font bander ou sont sans effet ? Sinon mon fessier peut faire de l’effet paraît il ? Pour la fellation, comme ici ce n’est pas le même bordel que le mien, je propose un lieu plus intime que votre open Space … même si ça me donne quand même de belles idées de partouzes aussi ici, pas vous ?
- Euh … Madame …
- Ah décidément, vous vous entêtez à m’appeler Madame. Un peu soumis que vous êtes… mais ça me va, tant que vous validez mon projet. Bon la fellation dans les toilettes ou votre voiture ? À moins que vous ne patientez encore avec les menus détails du projet complet ?
- Les menus détails s’il vous plaît …
Ella développe ses idées au conseiller du cabinet de reclassement. Il ne peut que l’écouter ayant compris qu’il ne pouvait en placer aucune … même s’il espère, au fond de lui, en placer une au bon endroit : elle est bandante cette nana. Et il imagine tout ce qu’elle lui raconte comme il sent peu à peu que tous les collègues, hommes comme femmes comme iels, se sentent captivés par son projet. Et si l’open Space se transformait ?!
Ella sentant l’ambiance à son attention se lève et emporte le paperboard au coin de la salle commençant à lister ses délires. Et ses motivations.
Les sites de rencontres c’est bien, c’est moderne mais finalement pour se rencontrer en vrai, ce n’est pas facile tous les jours pour tous les gens ; la discrétion, le lieu pour un verre, le lieu pour s’aventurer sous les jupes, le lieu pour s’horizontaler… le bord’ailes doit répondre à toutes ces problématiques, accueillir les solos, les couples, les adultères, les héros, hétérosexuels, homos, bi and co. Peu importe le sexe. Et elle le veut comme un hammam, plus on avance dans le fond et plus c’est chaud.
En façade de rue, un café pour la première rencontre, les premiers émois, les premiers effleurements. C’est là que parfois le temps manque ou le « ne grillons pas les étapes ». Donc au fond du bar, plusieurs grandes cabines fermées pour permettre aux nouveaux couples de s’isoler et valider leur compatibilité en se collant serrant et se roulant des pelles (ça se dit encore ça !?) … histoire de cranter la température mais pas trop.
Libre à eux de poursuivre plus en profondeur leurs relations ou de l’interrompre momentanément en retournant bosser avant de revenir au cœur du « bord’ailes ».
Le cœur sera en étoile à plusieurs branches selon les besoins et envies : les sofas pour s’échauffer autour d’un verre et un touche pipi ; les chambres avec un lit pour deux pour s’ébattre dans tous les sens ; les chambres libertines masquées ; les démasquées et chaque branche du bordel aura une seconde zone plus hard selon sa thématique.
- Alors messieurs-dames qu’en pensez-vous ?
L’intérêt est grand à l’écouter, comme à s’imaginer dans les lieux, mais le silence est encore plus grand face à cette question. L’ensemble des conseillers et clients venus dans l’open Space n’avait pas idée qu’ils allaient devoir donner leur avis sur l’ouverture prochaine d’un bordel qui réunirait des pratiques très variées.
- Mon projet vous choque ? Levez la main si ça vous choque ?
Aucune main ne se lève. Donc Ella en conclut que tout est validé. Comme ils ont l’air coincé en nombre, elle suggère de faire des groupes de travail pour peaufiner les idées et surtout compléter les siennes.
La trentaine de personnes acquiesce. Mais il paraît compliqué de faire des groupes avec des inconnus qui ne se connaissent pas plus entre eux (hormis éventuellement les conseillers). Elle fait donc 4 groupes : un par trimestre (celleux nés entre janvier et mars ensemble, etc.).
Elle leur laisse une heure. Avant restitution avec un rapporteur. Pendant ce temps, Ella accueille les clients qui avaient rendez-vous, leur détaille son projet, et leur explique ce qui se joue dans l’open Space. Ils ne fuient pas, et au contraire trouvent l’idée sympa.
Le retour des groupes se fait dans l’ordre de pénétration du bordel.
Sur l’entrée : il faut des vitres teintées pour ne pas donner l'impression aux nouvelles rencontres de se passer trop dans l’intimité, et en même temps qu’elles ne soient pas visibles de la rue.
Évidemment il faut préciser que ce lieu est réservé aux couples, légitimes, illégitimes comme illettrés ou encore en cours d’apprivoisement mais les personnes seules ne sont pas admises.
Et là démarre un débat : mais si tous les adultes peuvent venir ?! Ah non on ne vient pas payer une prestation charnelle ou sexuelle, on paye un lieu qui permet de s’épanouir en toute tranquillité. Oui mais mettre à disposition des clients, un homme ou une femme, pourrait faire du bien aussi.
Ella intervient pour préciser que non elle n’aura pas de personnel de joie … ou tout le moins non recruté pour ça ! Si le personnel au bar, au massage ou autre souhaite s’adonner à certaines activités extra professionnelles, Ella ne s’y opposera pas.
Le bar devra être aménagé en mixant des tables classiques mais aussi de petits canapés deux places avec une table basse. Bien évidemment on devra savoir que les ébats sont interdits là et qu’il faut aller un peu plus dans le fond du « Bord’ailes ».
En vient le sujet des cabines … déjà il faudrait leur trouver un nom ! Mais évidemment faire en sorte qu’on y rentre avec la même décontraction qu’on pousse la porte des toilettes. Il ne faudrait pas que les couples hésitent de peur d’être observés ou stigmatisés par les autres.
Un conseiller suggère de mettre une boutique de sex toys aussi près du bar et de jouer avec des murs et des portes en trompe l’œil pour accéder dans ces fameuses cabines.
Cabines d’essayage est l’appellation retenue par les participants. Oui ça aura la taille d’une grande cabine et oui on s’essaye … les langues, les pulsions du corps, les rapprochements qui font bander et mouiller.
Il est strictement interdit de copuler dans ces cabines mais si l’envie d’approfondir la relation est bien présente, un accès direct cabine vers chambre privative sera possible.
Les questions techniques sont abordées sans que personne ne trouve de réponses justes … comment savoir l’occupation ou non des différentes pièces ?
Il est acté que les cabines trouveront des accessoires type masques (pas ceux du Covid ! Les autres évidemment) pour poursuivre le parcours vers la chaleur bordélique qui pourrait amener le couple vers d’autres couples pour des jeux à plusieurs avec un masque de rigueur.
Les trois autres groupes de brainstorming ont réfléchi sur les branches du cœur du bordel.
Le bar sombre type boîte de nuit aura moult fauteuils canapés sièges plusieurs places permettant ici de plus facilement laisser se croiser et se rencontrer deux sexes qui ont envie de s’exhiber un peu voire de se partager entre divers partenaires.
Mais il faudrait un bar traditionnel aussi et un qui permet quand même de caresser sa partenaire histoire de la chauffer avant d’accéder au salon de massage ou une chambre privative avec sauna hammam jacuzzi.
Les chambres doivent être multiples aux thématiques diverses et aux équipements différents (jacuzzi, sex toys, godes, fouets, déguisements, films X (et pas ceux de Twitter !), livres érotiques, accessoires pour des scenarii plus ou moins hot). L’équipement des chambres changera régulièrement pour ne pas laisser une routine s’installer chez les clients habituels et leur faire découvrir des choses peut-être.
Toutes les chambres seront dotées de caméra actionnée sur demande, avec une remise du film sur clé USB en sortant, mais visible par des clients qui auraient besoin de booster leur libido dans la semaine.
Les lieux libertins seraient une autre branche du cœur du « Bord’ailes ». Les échanges de partenaires seraient légion laissant libre cours aux idées et envies de chacun.e. Les vigiles seraient comestibles et les préservatifs à gogo.
Ella n’est pas peu fière de l’engouement qu’elle a suscité dans l’open Space et annonce qu’au vu des réactions, discussions et débats qu’elle a pu ouïr, il faudra mettre un rendez-vous bi-mensuel autour des thèmes sexuels. La salle approuve l’idée et déjà des volontaires pour imaginer les premiers thèmes de ce café sexo.
L’heure de la fermeture de l’agence approche. Ella demande s’il y a des questions ? Si elle peut prendre des coordonnées si d’aventure elle avait besoin de peaufiner encore les idées.
Sans exception, toutes les mains s’agitent pour continuer. Et une voix s’élève : « et le business plan ? On en parle dans le parking en même temps que ma fellation ? ».
L’assistance rit et le hue mais le conseilleur timoré voire choqué semble avoir libéré quelques chakras.
Ella lui répond que le business plan fera l’objet d’un prochain rendez-vous mais qu’elle veut bien l’accompagner au parking.
Des voix s’élèvent comme réclamant aussi leur petite gâterie. D’autres voix rétorquent qu’elles sont toutes aussi capables qu’Ella.
L’atmosphère devient chaude et excitante, les boutons de corsage se défont, laissant entrevoir des seins gonflés d'envies. Les hommes paraissent à l’étroit dans leur pantalon.
Et si l’open Space était un début de « BOrd’ailes » ?
Et s'il était à Bordeaux (au moins pour le jeu de mots !) ?
Les corps s’agitent, les lèvres s’approchent, imaginer un lieu de rencontres sexuelles a visiblement émoustillé tout le monde. L’hésitation est de mise pour certains tandis que d’autres envisagent déjà de déshabiller et prendre leur voisine sur le siège ou le bureau.
Ella est un peu dépassée et a bien envie de tester le parking avec son gentil conseiller coincé.
Elle le cherche dans ce brouhaha d’open Space. Elle déambule vers lui quand tout à coup, une voix s’élève « Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? ».
Le silence règne avec quelques pouffades en arrière plan. Ella se sent obligée d’intervenir.
- Bonjour Monsieur, Ella Forall. Vous êtes ?
- Le directeur de cette agence.
- Ah enchantée Monsieur. Pouvons-nous aller dans votre bureau pour que je vous explique tout cela tranquillement ?
Elle lui passe la main sous le bras comme pour le suivre pendant que les autres remettent en place cheveux, vêtements, fauteuils, bureaux … ayant frôlé l’orgie interrompue par ce directeur à la voix grave et suave.
Ella prend place sur le siège qui lui fait face … et déroule la situation. Il ne décoche pas un sourire, l’écoutant sans l’interrompre avec un regard qui s’illumine par moments.
- Voilà vous savez tout. Rien n’était prémédité mais l’engouement de la salle m’a convaincue de mener à bien mon projet qui échauffe les gens rien qu’en en parlant.
- Je comprends fort bien. Et ça me donne des idées.
- Ah oui ? Vous voulez contribuer ?
- Non non pas des idées pour vous mais pour l’agence !
- Ah bon ?
- Ce côté atelier d’idées pour compléter et affiner le projet c’est génial !
- Ah oui je comprends et mon projet vous en pensez quoi ?
- Un silence s’installe … il la dévisage, il se lève, il se rassoit, il se relève … et vient vers elle.
- Vous ne pouvez pas en faire qu’un lieu de rencontres du sexe. Vous devez en faire un lieu de consommation du sexe. Vendez vos charmes, trouvez des hommes et des femmes prêts à se vendre également. À titre personnel, je suis célibataire vivant chez ma mère mais j’ai besoin de vie sexuelle et pas d’un fardeau d’amourette. Les bois c’est bien mais chez vous ça sera mieux.
- Chez moi ?
- Oui dans votre bord’ailes. Même si maintenant que vous l’évoquez … chez vous ? Maintenant ? Ça vous tente ?
Ella est sans voix … en pleine réflexion sur la suggestion de bordéliser le bordel, sur un si bel homme vivant chez sa mère qui doit être une sorcière, sur la proposition de se consommer l’un l’autre … elle reprend ses esprits et s’approche déjà de lui qui se lève. Si ce baiser est électrique alors elle l’accepte chez elle, sinon ils en resteront là.
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