Octave

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— Qu’est-ce que tu racontes ?

— T’en parles surtout pas à Tom, promis ?

— Non, seulement à Rickie, Philippe et Lucas. Non, mais tu me prends pour qui ?

Paul ne savait pas comment présenter les choses.

— Désolé, je suis vraiment à côté de mes pompes ce soir. Bon, alors, par où commencer ?

— Il s’appelle comment le mec avec qui tu as grave merdé ? lança ironiquement Tristan.

— Heu… Octave. Il est à la fac avec nous. On a sympathisé dès la rentrée. C’est un mec très sympa. Il est venu plusieurs fois à l’appart. C’est juste qu’on avait un exposé à faire en Histoire des religions. Pour une fois, il m’a proposé de venir chez lui et…

Paul se tût, impossible d’ajouter quoi que ce soit. Tristan ne comprit pas ce qui lui arrivait, mais il avait envie de rire. Son meilleur était à présent rouge pivoine, on aurait dit un enfant pris la main dans le sac d’avoir fait une grosse bêtise.

— Ça te fait marrer ?

— Désolé, c’est nerveux. Mais tu verrais ta tronche. Je suis sûr que ce n’est pas aussi grave que tu ne le penses.

— On s’est quand même embrassé !

— Et il s'est passé quoi ensuite ?

— On avait l’air gêné à vrai dire. Il m’a avoué que c'était la première fois qu'il embrassait un mec. Il était trop ému, au point de trembler. Ça m'a rappelé mon premier baiser avec Tom…et…

— Te connaissant, t'as culpabilisé direct.

— Oui, j'ai culpabilisé direct comme tu dis, vis à vis de Tom bien sûr, mais surtout à cause d’Octave.

— Comment ça ?

—T'aurais vu comment il me regardait ! On aurait dit qu'il avait attendu ce moment depuis toute sa vie, qu'enfin se réalisait ce qu'il avait imaginé des nuits entières.

— Tu ne pouvais pas savoir que tu étais le premier garçon qu'il embrassait.

— Oui, tu as raison. Je savais qu’à force de se voir, ça allait déraper. je m'en doutais depuis plusieurs semaines. Il y a des signes qui ne trompent pas.

— Vos fameuses “antennes radars” comme dit Philippe.

— Heu… Oui, voilà. je n'étais pas sûr à cent pour cent, car il nous a dit qu'il avait une petite copine. Mais avec Tom, on y croyait pas trop.

— Il sait que vous êtes ensemble ?

— Le jour où on s’est embrassés, non. Mais j'ai finis par lui avouer que je sortais avec mon colocataire. La première fois où Octave est venu à l'appartement, on lui a dit qu'on était devenu potes l'année passée et qu'on avait décidé de se prendre ensemble un grand studio.

Tristan ne put s'empêcher de sourire.

— Te marre pas, s'il te plaît, je suis sérieux pour une fois.

— Promis, j'arrête, répondit Tristan, étonné du ton cassant de son ami.

— Je te jure, mentir est devenu un réflexe, avec Tom, on n'a même pas réfléchi. Depuis que je suis avec lui, en dehors de toi et de nos amis du Petit Marcel, je suis tellement habitué à cacher qui je suis… Ça me saoule grave. C'est vraiment dur à vivre.

La tristesse de Paul était manifeste. C'était la première fois qu'il le voyait comme ça.

— Après que l’on se soit embrassé, on a pas mal discuté avec Octave. Il n'a pas eu beaucoup l'opportunité de rencontrer des homos. Quand je lui ai dit que j'étais en couple avec Tom, il avait l'air vraiment déçu et soulagé à la fois.

— Pourquoi soulagé puisqu’il venait de se prendre un rateau ?

— Parce qu’il craignait de tomber sur un mec hétéro.

— Attends, je ne comprends pas, c’est lui qui t’a embrassé le premier, ou toi ?

— Lui, mais j’ai répondu à son baiser avant de le repousser gentiment. Il a cru un instant que, pour me venger, j’allais dire à la terre entière qu’il était pédé.

— C’est ridicule, puisque tu lui as dit pour toi et Tom.

— Oui, mais je lui ai dit seulement après.

— Ok, je crois comprendre, c’est un peu compliqué vos affaires. Y’a pas mort d’homme, en somme, tout va bien.

— Mais pas du tout ! Tu ne te rends pas compte des risques qu’il a pris en m’embrassant ! C’est bien une réflexion d’hétéro, tiens ! lança Paul, à vif.

— Hé, ho, du calme. Qu’est-ce qui t’arrive ? Je t’ai jamais vu aussi tendu.

Paul se mit à se mordiller les ongles.

— Putain, je suis vraiment désolé, j’ai l’impression de ne plus rien contrôler en ce moment.

— Sincèrement, je ne sais plus quoi dire. En tant qu'hétéro, je ne me pose pas la question de savoir à qui je peux dire avec qui je sors. Ce que tu me racontes me dépasse complètement. T'aurais dû m'en parler plus tôt, au lieu de garder ça pour toi !

— Ah oui, et ça aurait changé quoi ?

— Je sais pas moi… Ça t'aurait peut-être soulagé. Je suis vraiment désolé. Je me sens super con.

— Mais non, dis pas ça, tu y es pour rien. C’est moi le gros connard de service. Super ambiance pour un samedi soir !

— Arrête Paul, t’es juste à cran, ça arrive. Je crois qu'il y a des choses que je ne pourrais jamais réaliser de ce que vous endurez en tant que couple, Tom et toi. Le truc d'être obligé de mentir par omission ou bien de surveiller vos gestes en public, par exemple. Je ne mesure pas ce que ça implique parfois…

Paul le regardait ému. Il se retenait de pleurer. Tristan ne savait plus comment aider son ami. Il regardait autour de lui, à la recherche d’une solution miracle. Il tomba sur un calendrier accroché au mur. Soudain, il réalisa la date du jour. Il comprit conscience de la vraie raison du mal-être de Paul. Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ?

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