Chapitre 9 : Ariane.

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Après deux jours de marche et vingt-quatre heures plongées dans une nuit sans fin, nous nous étions allongés. Ma confiance aveugle envers le capitaine vacillait cette fois-ci, car il était improbable que nous trouvions une issue dans ce labyrinthe de forêt sans fin. L'errance semblait être notre unique destin, condamnés à errer jusqu'à ce que la mort nous enveloppe.

Dans ma tente, je dormais avec Lola, mes bras enlaçant mes jambes. Je réprimai mes larmes, car je ne voulais pas mourir ainsi, dans cet endroit. La fièvre me guettait, martelant mon crâne.

À ce stade de la mission, Lydie, Ameline et les policiers disparus n'occupaient plus nos pensées. Notre survie personnelle était devenue notre seule obsession. Les deux étudiantes s'étaient volatilisées deux semaines plus tôt, sans que nous ne les retrouvions jamais. Et si cela nous arrivait à nous aussi ? Si personne ne venait à notre rescousse ? Si nous restions à jamais perdus dans cette forêt ? Car si nous ne revenions pas en France, nul ne viendrait nous chercher. Cette zone serait simplement déclarée dangereuse, et c'est tout. Nos corps finiraient en pâture pour les prédateurs de la jungle, dévorés sans pitié. Quelle mort affreuse. Cependant, je remarquai que nous n'avions pas aperçu l'ombre d'un animal depuis que la nuit était tombée. Aucun jaguar, aucun singe, aucun oiseau. La forêt était morte avec nous.

Il ne faisait plus aucun doute : des phénomènes surnaturels se déroulaient dans cette forêt. Je réfléchis à tout ce que nous avions vécu en vingt-quatre heures : la corde qui se coupait, les boussoles déréglées, la carte qui disparaissait mystérieusement, la maladie qui nous rongeait, la nuit interminable, le silence oppressant, et bien d'autres étrangetés. Cette forêt était-elle hantée ? Je me remémorai la légende urbaine que le guide nous avait racontée à l'entrée de la forêt : le baclou. Un gnome effrayant avec une force surhumaine, une tête de cochon et les pieds à l'envers. Il était réputé tuer tous ceux qui croisaient son regard, invincible même face à nos armes. Étonnamment, cette légende servait à décrire une hallucination collective, une situation ironique compte tenu de notre état. Et si nous étions en train d'halluciner, de vivre un cauchemar dont nous allions nous réveiller dans notre lit, confortablement au chaud sous nos draps en France ? C'était mon souhait le plus cher.

Et si c'était le baclou qui jouait avec nous ? Si nous étions les victimes de ses pouvoirs, rendus aveugles dans la nuit et terrorisés par toute forme de vie, y compris les oiseaux, expliquant ainsi le calme absolu qui nous entourait.

Alors que je tentais de m'endormir, un bruit perça le silence : le craquement d'une branche, suivi d'un autre. Des pas résonnaient à l'extérieur, sous la pluie. Un soldat ? Intrigué, je sortis de ma tente pour découvrir ce qui se tramait. Le capitaine se tenait debout dos à moi, fixant quelque chose que je ne pouvais discerner. J'avançai lentement en l'appelant, mais il demeura silencieux. Ses cheveux blonds et sa grande carrure me permirent de le reconnaître, mais il paraissait hypnotisé. À sa hauteur, je détournai mon regard sur son visage et fus apeuré : une tête de cochon. Un cri s'échappa de mes lèvres, et je courus dans ma tente pour réveiller Lola qui semblait plongée dans un sommeil profond. Mes mains entrèrent en contact avec un liquide chaud alors que je la secouais, constatant avec horreur qu'elle était jonchée de griffures semblables à celles d'un ours. C'était le baclou, je le savais. En pleurs, un hurlement me glaça le sang : je me réveillai. Mon corps était couvert de sueur. Ce n'était qu'un cauchemar qui semblait trop réel. Lola hurlait réellement. Killian se tenait au-dessus d'elle, ses jambes enserrant son buste, et dans sa main, un couteau maculé de sang. Rongé par la confusion entre rêve et réalité, je fus témoin de l'inexplicable. Était-ce la réalité cette fois-ci ? Perdue et paralysée par la peur, je fus distraite par l'entrée du capitaine. Il repoussa Killian hors de la tente avec violence, le propulsant au sol, une mitraillette pointée sur lui.

— Que s'est-il passé, Lola? interrogea le capitaine.

Lola émergea de la tente, ses mains rougeâtres pressées contre son ventre, laissant échapper du sang. Les gouttes se déversaient sur le sol, recouvrant la tente d'une macabre teinte. Elle était en larmes, émettant des gémissements de douleur.

— Il... Il m'a poignardée !

Je me hâtai de sortir la trousse de soin de mon sac, les mains tremblantes, la vision altérée par l'angoisse. L'urgence ne me laissait pas le loisir de réfléchir, et l'emplacement de la trousse me semblait flou. Ah, enfin, là ! Je courus vers Lola pour soulever son tee-shirt. La plaie était étendue, mais apparemment pas trop profonde. Improvisant un rôle d'infirmière, je pressai mes paumes contre sa blessure pour éviter l'hémorragie.

Le capitaine maintenait toujours son arme pointée sur Killian, le regard sévère, sombre, menaçant.

— Qu'est-ce qui t'a pris, bordel ?

— C'est... C'est ma femme, balbutia Killian.

— Ta femme ? interrogea le capitaine, donnant un coup de pied à son soldat qui tentait de se relever, le renversant à terre de nouveau.

— C'était elle ! C'était ma femme ! Elle est enceinte, elle a besoin d'une césarienne.

— Ferme ta gueule ! ordonna le capitaine, lui assénant un dernier coup de pied en plein visage.

Killian était sonné, presque inconscient, mais il luttait intérieurement pour garder connaissance. Le capitaine, dans un état de fureur que je n'avais jamais vu auparavant, était sidérant. Killian, un assassin, avait profité de la nuit, pendant que nous dormions tous, pour s'en prendre à Lola. La raison m'échappait, mais la confiance envers lui s'était évanouie.

Pendant que je soignais Lola, désinfectant et enveloppant son ventre d'un bandage, le capitaine avait pris la corde dans le sac d'Amaury et attaché Killian à un arbre. Je m'en voulais profondément de n'avoir rien fait, d'avoir été pétrifiée par la peur et de ne pas avoir pu détecter l'intrusion de Killian dans la tente. La culpabilité m'envahit, car Lola était mon amie, et je n'avais rien pu faire pour l'empêcher d'être blessée.

— Je suis désolée, Lola, je n'ai pas pu te protéger...

— Aïe ! Ne t'inquiète pas, tu n'aurais rien pu faire, marmonna-t-elle entre deux gémissements de douleur. Comment ça va, la blessure, je veux dire.

— Elle n'est pas profonde. Comme tu t'es réveillée à l'instant où il t'a attaquée, il n'a pas eu le temps d'aller bien loin. Tu auras mal, mais tu t'en remettras.

Elle poussa un long soupir de soulagement : plus de peur que de mal. Quant à Killian, malgré ma colère envers lui, je m'interrogeais sur son geste : pourquoi ? Nous étions tous à bout de nerfs, certes, mais nous étions tous pris au piège dans cette forêt. S'entre-tuer ne ferait qu'empirer les choses.

— Tu connais bien Killian ?

— Non, pas du tout.

— Alors pourquoi t'a-t-il fait ça ?

— Je n'en sais rien, Ariane.

— Ce n'est pas une histoire de vengeance ? Tu peux tout me dire, tu sais.

— Je ne le connais pas. Du moins, pas avant cette mission. C'est peut-être à cause de la façon dont je l'ai accusé pour la carte, je ne sais pas.

Ah oui, la carte. Nous étions tous furieux à cause de sa disparition, et même aujourd'hui, je restais convaincue que Killian l'avait jetée derrière notre dos. Il était vrai que Lola avait été particulièrement virulente à ce sujet, la situation avait dégénéré en dispute, et sans l'intervention du capitaine pour les séparer, ils se seraient certainement battus. Mais de là à vouloir la tuer ? Je ne comprenais pas.

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