Chapitre 11 : Lola.

3 minutes de lecture

J'étais sidérée, pétrifiée par la peur, parce que je venais de tuer Killian. Les images de sa souffrance, de ses supplications pour que je l'épargne, tournaient en boucle dans mon esprit. Une teinte écarlate semblait omniprésente, les pétales des fleurs se transformaient en une mer de sang. J'avais été bannie du groupe, marquée comme une paria, une meurtrière. C'était difficile à croire, moi, une meurtrière ? Mes souvenirs émotionnels de ce moment étaient flous, ne mémorisant que ma terreur à l'idée qu'il revienne pour achever son dessein. Mon état d'inconscience précédent me laissait dans l'ignorance, et maintenant, mes mains étaient souillées. Littéralement. Je les contemplais, incapables de retenir mes larmes, couvertes de sang, sans distinction entre le sien et le mien. J'étais inconsolable, j’avais fondu en sanglots dès lors que j’avais quitté mes camarades, réalisant l'horreur de mon geste.

Je comprenais leur effroi à mon égard, et si quelqu'un d'autre avait tué Killian à ma place, j'aurais probablement réagi de la même manière. Ainsi, j’étais d’autant plus surprise de voir le capitaine, Amaury et Ariane me rejoindre, loin du campement. Le capitaine et Amaury cherchaient une solution, agacés par mon exclusion résultant de mes actes. Je me sentais coupable, misérable. Je me dis qu’il était encore temps pour eux de changer d’avis, mais ils refusaient catégoriquement de retourner là-bas : « Advienne que pourra », avait répondu le capitaine. Pendant ce temps, mes larmes coulaient sans fin, mes pensées sombraient dans la désolation et des idées suicidaires me hantaient.

Ariane déchira un morceau de son tee-shirt pour nettoyer mes mains, les ramenant à leur teinte naturelle.

— Calme-toi, Lola, tout va bien se passer. On doit retrouver notre calme pour s'en sortir.

Bien que je ne parvienne pas à me détendre, je devais admettre qu'elle avait raison sur un point : sans lucidité, notre évasion serait impossible. Ariane était toujours là pour moi depuis le début. Nous nous connaissions depuis trois ans, depuis son intégration dans l'armée. Malgré notre différence d’âge, six ans de moins que moi – elle dépassait tout juste la vingtaine alors que je m'approchais de la trentaine – nous étions comme deux sœurs retrouvées. Si elle avait choisi de rester avec les autres, je l'aurais compris, mais le fait qu'elle ait décidé de me suivre dans les profondeurs de la Guyane touchait mon cœur : c'était une véritable amie.

Je reprenais mes esprits, les larmes continuant à couler sur mes joues chaudes, mais je n'étais plus prise de sanglots. À ce moment précis, tout ce que je souhaitais était de sortir de cet endroit. Le soleil me manquait, la carence en vitamines accentuait ma dépression, et je sentais que je ne pourrais pas tenir un jour de plus dans cette nuit noire.

— Capitaine…

— Alphonse, me coupa-t-il. Appelle-moi Alphonse.

— A… Alphonse, que faisons-nous maintenant ?

Alphonse répondit par un soupir découragé, une détresse partagée par tous. S'agenouillant, j'espérais qu'il avait peut-être une idée, mais son teint pâle et son corps tremblant me rappelèrent la réalité : il était malade. Amaury se précipita vers lui, posa sa main sur son front, et grimaça : ça ne sentait pas bon du tout.

— Tu as beaucoup de fièvre.

— Ça va aller, affirma Alphonse avant de se redresser pour s'écrouler à terre à nouveau.

Son ami le soutint, portant tout son poids. Ça permettait à Alphonse de rester debout, bien que ses jambes tremblotantes semblaient fragiles. Honnêtement, j'étais dans le même état. Une migraine me tourmentait, me contrôlant et me rongeant à petit feu. La fièvre me terrassait, et des bouffées de chaleur me submergeaient de temps à autre. J'étais convaincue qu'Amaury et Ariane étaient dans une situation similaire.

— Comment allez-vous ? demanda Alphonse, s'adressant à nous trois.

Je n'osai pas avouer ma faiblesse mentale ; seules les larmes qui persistaient à couler confirmaient mon état. Amaury afficha un air dépité : ses sourcils froncés, un soupir échappé, ses narines dilatées.

— Ça va mal pour nous tous, j'ai bien l'impression.

C'était la première fois qu'il admettait son mal-être. Depuis le début, il avait gardé une façade, peut-être pour nous encourager à rester optimistes. Mais ici, séparés des autres, maintenir l’espoir devenait difficile. Son courage m’épatait, car malgré la maladie qui nous menaçait, il souriait.

Je réalisai à ce moment-là que j'avais été ingrate.

— Au fait… Merci de m'avoir défendu. Merci beaucoup.

— C'étaient des malades, affirma Amaury. Ils voulaient t'abandonner seule ici, qui fait ça ? Sérieux…

— Nous perdons tous la tête, raconta Alphonse. Cette forêt nous rend fous.

Je ne pouvais que concéder : j'avais tué Killian sous une impulsion qui n’avait rien à voir avec ma personnalité de base. J'étais quelqu'un de doux, affectueux, patient, et surtout, peu enclin à la rancune. Mais depuis que nous étions entrés dans cette forêt, j'avais le sentiment que mon esprit changeait, sous l'emprise d'une force surnaturelle qui me dévorait.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire hodobema ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0