Chapitre 23 : Lilian.

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J'étais terrifié par l'état de Mégane, ou plus précisément, par la crainte de devenir comme elle. Je n'avais pas encore expérimenté de visions, mais je pressentais que ça allait m'arriver tôt ou tard. Ninon n'était pas folle, tout comme Mégane. Même si j'avais douté de ça auparavant, depuis l'apparition de Maéva, tout semblait plausible. Les hallucinations étaient maintenant plus crédibles que la réalité elle-même. Après tout, nous étions bloqués dans une nuit profonde depuis bientôt quatre jours, sans autre bruit que la pluie battante. Les animaux avaient disparu, bien qu'ils peuplaient normalement la forêt, et toute trace de vie n'était plus que des squelettes. Seule la flore persistait, par je ne savais quel miracle.

Nous avions attaché Mégane comme un vulgaire chien, déshumanisée. Mais nous n'avions pas le choix : elle était devenue trop dangereuse, ayant attaqué Ninon qui reprenait doucement son souffle. Si j'étais paniqué, le cœur battant la chamade et les mains moites de sueur, Ninon semblait gérer ses émotions avec calme, affichant une mine stoïque, comme si elle en avait l'habitude. Son sang-froid m'impressionnait. Elle me faisait penser au capitaine dans sa façon de diriger les autres : elle avait l’âme d’un leader, c’était clair.

— Que faisons-nous maintenant ?

Ninon quitta son expression impassible pour lever un sourcil, elle me jugeait. Pourtant, ma question était légitime, mais elle agissait comme si j'avais fait une connerie en la posant.

— Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ? La tuer ? Non, idiot. On va la porter.

— Pour aller où ? On ne peut pas sortir d'ici.

— Donc, on va rester plantés là à ne rien faire ?

— Ce n'est pas ce que j'ai dit.

— Alors propose. Qu'est-ce qu'on doit faire, selon toi ?

Je déglutis, ma salive parcourait ma gorge. En réalité, je ne savais pas quoi répondre. Ça faisait quatre jours que l'on marchait sans jamais retrouver la sortie de cette maudite forêt. Nous allions bientôt manquer de vivres, signe annonciateur de notre mort imminente. Nous devions agir, et vite. Mais comment ?

Soudain, une sensation étrange m'envahit : le sol bougeait. Ou peut-être était-ce moi qui tremblais ? Je ne parvenais plus à discerner. Jusqu'à ce que la terre vibre. Non, ce n'était pas moi, mais bel et bien là où je posais mes pieds.

— Vous ressentez ça ?

Tous me regardèrent avec inquiétude, comme si je devenais fou. Mais j'en étais sûr : le sol était pris de secousses.

Séisme !

Un putain de tremblement de terre éclatait sous mes pieds. Mon souffle se coupa simultanément avec l'accélération de mon rythme cardiaque : ça n'avait aucun sens, tout comme le séisme qui emportait tout mon calme avec lui, mais c'était bien réel. Que faire ? Sans abri, je me retrouvais à découvert, vulnérable et désarmé.

Les troncs des arbres craquaient, les feuilles s'entrechoquaient, les fleurs se battaient entre elles. Puis l'un des troncs se brisa en deux, s'écrasant non loin de nous. La collision produisit un vacarme assourdissant qui me perça les tympans. J'étais tétanisé. Il fallait que nous quittions cet endroit avant d'être broyés par les arbres.

Je me mis à courir, écartant les branches de mon chemin avec mes bras, jusqu'à ce que la douleur s'installe après plusieurs dizaines de mètres. « Lilian ! » entendis-je au loin, mais le bruit de pas derrière moi et les cris au même niveau me confirmèrent que le groupe me suivait.

Puis, les voix se dissipèrent, laissant place au tumulte croissant du séisme. Tout s'effondrait autour de moi, et j'échappai de peu à un arbre qui tombait. M'arrêtant essoufflé après une course qui semblait avoir duré une éternité, je me rendis compte que personne n'était derrière moi. Où étaient-ils ? Abandonné de tous, ce n'était pas ma priorité, car je devais me sauver jusqu'à ce que les tremblements cessent.

Soudain, mon esprit fut happé par un appel à l'aide.

Aidez-moi !

Une voix frêle, douce, enfantine. Je cherchai désespérément l'origine de cet appel. Je me remis à courir dans l'espoir de secourir cette personne à temps, mais je ne vis que de la flore qui entravait mon chemin.

Aidez-moi !

Je persistai, déterminé à faire quelque chose, à me sentir utile pour une fois dans ma vie. Des souvenirs de mon passé refirent surface : j'avais déjà été témoin d'un séisme lors de vacances en famille, en 2011, au Japon. J'avais été enseveli sous des décombres pendant deux jours avant d'être secouru. La soif me consumait, ma bouche était pâteuse, la faim tordait mes entrailles, la douleur des muscles me tiraillait et laissait des souvenirs, mais aucune blessure profonde. À l'inverse de...

Aidez-moi !

Je courus, je ne faisais que ça, et je ne m'arrêterai pas tant que je n'aurais pas découvert l'origine de cette voix. Et si c'était Ariane attaquée par Lola ? Je devais la secourir.

Finalement, la voix se fit de plus en plus forte : elle était toute proche, à quelques mètres de moi. Je vis un enfant coincé sous un tronc d'arbre.

Aidez-moi !

Un garçon. Pas plus de sept ans. Brun. Yeux bleus. Mon garçon. Mon fils. Mort en 2011, victime d'une hémorragie provoquée par le séisme.

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