Chapitre 25 : Alphonse.

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Depuis la perte tragique de Lola, un silence étouffant s'était abattu sur notre groupe. Prononcer des mots semblait rendre le meurtre plus tangible, la disparition de Lola pesait sur nous. Malgré la légitimité de nos actions, le fardeau de notre responsabilité nous écrasait. Lola, une âme égarée sous l'influence de la forêt, était devenue une victime, et la crainte de devenir la prochaine hantait nos esprits.

Amaury représentait le seul lien me rattachant à la vie depuis mon accident, et vice versa. La perspective de lui causer du tort était bien plus effrayante que celle d'affronter mes hallucinations, car les conséquences étaient réelles.

Avançant dans un mutisme oppressant, des coups de feu retentirent, un son que je reconnaissais trop bien, celui qui avait marqué la perte de Lola et failli me coûter la vie des années auparavant.

— Vous entendez ?

Amaury et Ariane étaient aussi tendus que moi. Nous nous arrêtâmes de marcher afin de provoquer un silence parfait et mieux entendre le bruit ambiant qui persistait. Amaury me fit signe de la tête, confirmant qu'il les entendait aussi. Ouf ! Je n'étais pas fou, pas encore. Le soulagement de ne pas avoir sombré dans la folie me submergea, mais ces détonations suggéraient qu'une tragédie se déroulait à proximité.

— Et si c'était le groupe ?

— Ça ne peut être qu'eux !

Sans réfléchir, je me précipitai vers le bruit des tirs, ignorant les risques pour Amaury et Ariane. Et si je les conduisais à leur perte ? Pourtant, je ne pouvais abandonner mes camarades. J'avais l'impression que quelque chose d'atroce se déroulait à quelques pas de nous.

Vous êtes tous morts !

Cette voix résonnait dans la forêt, dominant le silence de mort qui l'entourait. Grave, menaçante, meurtrière... Elle n'était plus qu'à quelques mètres. À quelques centimètres. Ici. En face de moi. Aaron brandissait son arme, pointant le canon vers Gauthier. Ses yeux étaient empreints de noir : il hallucinait. Je le sus immédiatement, car Lola avait présenté les mêmes caractéristiques lors de sa vision.

— Aaron !

Gauthier, traumatisé, était paralysé par la terreur, le visage livide, son corps trempé de sueur et de pluie. On aurait dit qu'il venait d'entrevoir ses derniers instants ou qu'il faisait face à un fantôme. Mais à la place, Aaron le menaçait de son fusil.

Aaron était sourd à mes appels, indifférent à mes tentatives de le raisonner. Mes yeux, jusque-là rivés sur lui, dévièrent vers le sol... Des corps. Partout. Evrard, Abéliard, Edmond, Mégane, Ninon : tous morts, gisant dans leur sang. L'odeur métallique remplaça celle du pollen, me donnant envie de vomir. La dernière fois que j'avais senti cette odeur, c'était en 2010, en Afghanistan.

Je ne savais plus quoi faire. Me précipiter sur Aaron l'alerterait et lui laisserait le temps d'appuyer sur la gâchette. Je devais rester calme, tenter de le raisonner d'une manière ou d'une autre.

— Aaron. Je ne sais pas ce que tu vois, mais tout cela est faux. Peu importe qui tu vois, ils sont morts. Ils n'existent plus.

Aaron éclata en sanglots, ses yeux noirs virant au rouge de chagrin. Ses mains tremblantes finirent par bouger. Mon cœur battait la chamade de peur qu'il tire, mais au lieu de cela, il dirigea le canon vers lui. Sa bouche.

Bang !

Le corps sans vie d'Aaron s'effondra sur le sol : il venait de se suicider. Gauthier revint à lui, comme si son esprit retrouvait sa place, et se précipita vers le cadavre d'Aaron en hurlant sa douleur. Il se jeta sur lui, le secouant frénétiquement comme s'il pouvait le ramener à la vie, pleurant à chaudes larmes.

Je m'approchai délicatement de lui, posai ma main droite sur son épaule et murmurai :

— Allons-y, Gauthier.

— Non ! Je ne l'abandonnerai pas !

J'étais, moi aussi, attristé par sa mort. Par toutes les morts. Tous ces innocents, perdus à tout jamais. Mais nous ne pouvions rien faire d'autre que nous sauver pour nous souvenir de leur bravoure. Gauthier était inconsolable.

— Je suis désolé.

Ce furent les seules paroles qui me vinrent à l'esprit. Maussades et malheureuses. Je ne savais pas quoi dire pour apaiser sa peine. Rien ne pouvait effacer cette tragédie. Nous n'avions d'autre choix que de continuer notre chemin.

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