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Les deux jeunes ont une face d’ahuris, les yeux écarquillés par la surprise ; Lisa fronce les sourcils, mauvais signe. Quelque chose la tarabuste, il le voit ; ça tombe bien, lui aussi !

Elle fixe un point au devant d’elle et s’absente dans ses pensées.

- Il y a quel……. Commence t-elle en même temps que Louis

- Ya un truc…non vas-y, dis ce que tu as en tête

- Non, toi…

Ils oublient de se vouvoyer, se marrent enfin « Ca fait beaucoup de motards en noir et très baraqués pour une seule affaire »

- Et beaucoup de capitaines, ponctuent les jeunes en se marrant aussi.

- Allez break ! A table ! Et après on fait la liaison avec les autres.

- “Il y a un temps pour le diable et un temps pour le Bon Dieu.” Proverbe créole, dit Louis ; on dirait que les deux se sont invités.

Pendant qu’ils s’installent pour déjeuner, comme de coutume alignés face au tableau des constats, Péron prend Mia à part et lui demande de faire de chez elle, très discrètement une recherche approfondie sur leur nouveau collègue, le capitaine Balitran et de n’en parler à personne qu’elle jusqu’à nouvel ordre.

- Entendu cheffe, je creuse jusqu’à la mer si nécessaire, acquiesce la jeune femme en souriant.

Lorsque papi fait irruption dans le bureau avec le nouveau, ils les trouvent mâchant méthodiquement leurs sandwiches en échangeant leurs observations sur les éléments affichés.

- Voulez vous déjeuner avec nous commissaire et vous aussi capitaine ? Visage neutre, ton sec- On vous commande quelque chose ?

- Non ! je vous remercie, je vais déjeuner dehors, j’ai à faire.

- Comme vous voudrez, nous ferons les présentations plus tard alors ! Et vous commissaire ?

- Merci capitaine mais je vais rentrer pour la pause, ma femme m’attend, je serai là dans deux heures.

- Ok, bon appétit tout le monde ! Ton sec- et elle reprend ses mastications en fixant le tableau, reprenant ses observations là où elles les avaient interrompues.

Tous peuvent voir la faiblesse de leurs indices et de leurs hypothèses. Ils espèrent beaucoup des images et surtout des éléments de leurs collègues sur les scènes de crime marocaine et belge mais il ne faut pas y compter avant au moins une semaine. Lisa ronge son frein.

Farouk a appelé en fin de matinée ; ils ont réussi à pister le motard en mettant toute la sureté rurale sur le coup. Pas de cameras sur ces routes de pistes des oasis mais les téléphones des flics ont fait du bon boulot. Plusieurs photos sont tombées dans le téléphone de Louis, pas toutes exploitables mais sur une petite dizaine, on voit un grand gaillard, athlétique, combinaison noire, gants et bottes descendre de sa bécane. Il ne quitte jamais son casque donc pas de reconnaissance faciale possible. La sureté le perd au beau milieu de nulle part, il avait dû remarquer le dispositif tout au long de la route et s’était volatilisé, on ne sait comment.

Donc, leur seul suspect sur les deux affaires semble bien être ce motard grand et baraqué et qui semble avoir le don d’ubiquité.

- Ou alors, expose Louis, il a les moyens de prendre un vol privé et donc de se déplacer rapidement et en toute discrétion.

- Bien vu ! fait Thomas, j’appelle Mathilde pour la relancer sur le pistage du motard par les caméras de la police belge des autoroutes.

- En même temps, soulève Mia, si c’est pour nous dire qu’il est grand, baraqué et qu’on ne voit jamais son visage, on le sait déjà, non ?!

- Oui, mais si on le voit aussi en Belgique sur des dates de caméras rapprochées des dates des autres scènes de crime, l’observation du capitaine Persaud prend tout son sens.

- Ok ! Tout de suite après la pause, appelez la et lancez la dessus ; c’est très pertinent, conclut la capitaine. Du coup, Mia, vous appelez tous les aérodromes privés, les petites compagnies avion taxis etc… vous donnez une description de notre bonhomme et vous essayez de nous pêcher un joli poisson.

La capitaine Peeters promet de mettre la police locale sur le coup pour trouver les bandes et les visionner le plus vite possible.

Tout le monde ronge son frein ; encore au moins une semaine à attente pour que toutes les équipes scientifiques donnent leurs résultats. Après le déjeuner, les deux capitaines tuent le temps en épluchant pour la nième fois les documents pendant que Thomas f ait de même avec les photos et Mia se concentre de nouveau sur la photo de l’enfant et de l’home au jouet. Une heure plus tard : « Bingo » s’écrie t-elle, « je l’ai ! » Tout le monde se précipite à son bureau.

- Allez Mia, vite ! le résultat ! s’impatiente Thomas.

- Sur la photo, ce qu’il tend à l’enfant c’est un petit ours blanc avec un écusson URSS, la mascotte de la Russie ; mais c’est un jouet ancien car aujourd’hui, les écussons sont signés ‘’fédération de Russie’’.

- Peut-on en déduire que cet homme est russe et qu’il a donc un certain âge ?! Réfléchit à voix haute Louis.

- Ou bien qu’il a conservé un vieux jouet reçu dans sa jeunesse mais qu’il n’est pas forcément russe ni si âgé que cela, dit Thomas.

- Attendez, attendez, dans les papiers, j’ai vu passer quelque chose, des reçus de dépôts postaux écrit en cyrillique, fouille fébrilement Lisa ; voilà ! Trois dépôts faits sur une période de plusieurs mois d’écarts, Tout ce qu’on peut comprendre c’est la date, il faut se faire traduire le reste.

Persaud appelle le labo pour savoir si quelqu’un chez eux lit et comprend le russe. Au même instant Balitran revient sa pause déjeuner et, ayant entendu la demande de Louis, lui fait signe. Celui-ci raccroche.

- Je peux vous aider, je lis, écris et comprend le russe, de quoi s’agit-il ?

- Quelle chance, fait Lisa ; à propos, voici le capitaine Persaud et les lieutenants Yuong et Blain. Je suis, comme vous l’a dit le commissaire, la capitaine Péron et chef de groupe. Vous prendrez le bureau qui est à côté de Louis, on va vous débarrasser le bazar dessus dès ce soir.

- Enchanté tous ! Capitaine Bernard Balitran

- Bien ! Voici trois dépôts postaux télégrammes écrits en russe dont on aimerait avoir la teneur exacte.

- Ok, je m’y mets de suite, vous aurez ça dans cinq minutes

Il s’installe à son bureau en prenant au passage les documents, trois feuilles et un stylo sur le bureau de Louis, pousse la pile de dossiers devant sa chaise et se met au travail sans un mot de plus.

Mia et Thomas pianotent comme des furieux sur leur PC, tentent tous les recoupements possibles à partir des documents et de leurs informations sur les bases de données légales ou piratées pour trouver les liens des Bachellerie avec la Russie, des médecins, chirurgiens, bouchers.

Balitran se dirige vers le tableau et affiche ses traductions attirant l’attention de tous ; Lisa l’invite à exposer :

- Bien ! Sur les trois mandants postaux télégrammes, une seule adresse, celle d’une clinique à Moscou ; et le texte est, en gros, un message assez laconique de remerciements « Bravo pour votre travail- Merci de votre participation- A nous revoir pour une prochaine collaboration. » La somme, en revanche, est assez coquette, cinquante mille euros à chaque fois. Aucun autre détail sur la prestation, ni sur la personne à qui est adressé réellement ce mandat. J’ai quelques entrées avec le milieu russe, je peux me renseigner sur la clinique et les cadres dirigeants à sa tête.

- Ok ! Fait la capitaine, tâchez de nous trouver quelque chose de ce côté, ça nous permettrait d’avancer encore un peu.

- Oui, renchérit Louis, d’autant que nous avons le briefing avec le proc’ demain soir ; ce serait bien de lui apporter des billes et qu’il nous lâche la bride pour les semaines à venir, surtout si on doit se déplacer vers les collègues au Maroc et en Belgique.

- A propos, Mia, des nouvelles de la commission rogatoire d’Interpol que le proc’ devait appuyer.

- Non, rien encore mais je vais envoyer un mail au proc’ pour le lui rappeler et aux collègues d’Interpol pour qu’ils se bougent ! lance t-elle à sa chef par-dessus les bureaux sans quitter son écran des yeux.

- Thomas ! Vous voulez bien, s’il vous plaît, prendre un grand carton et vider le bureau du capitaine Balitran . Vous le laisserez par terre à portée de mains, ce sont les dossiers affaires encours qui piétinent, donc à soulever de la poussière de temps en temps ; avis à tous, ok ?!

Le lieutenant s’affaire aussi sec à remplir le carton de la pile des dossiers et laisse un bureau bien net à leur nouveau collègue qui se fend d’un merci bref.

- Capitaine ! Capitaine ! Ca y est, j’ai quelque chose ! ou plutôt plusieurs choses ! Un compte, ici en France, sans aucun mouvement depuis sa création voici une quinzaine d’année ; peut-être un compte pour un coffre. Je cherche la banque et lagence. Et aussi, j’ai pisté à partir des infos et documents tous les pays où ils ont séjourné et les banques françaises qui avaient des agences, il y a plusieurs mouvements entrant vers les Bachellerie depuis ces pays, donneurs d’ordre anonymes mais je creuse encore !

- Louis, merci d’envoyer un mail au commissaire en l’informant de nos dernières avancées et demandez une CR en blanc pour pouvoir intervenir très vite vers cette banque et faire ouvrir le coffre, si coffre il y a.

- Ok ! C’est comme si c’était fait !

- Capitaine Balitran ! Merci de contacter toutes les agences de voyages de Paris, les aéroports, il faut que nous parvenions à retracer leurs allées et venues, au moins sur plusieurs mois pour relier tout ça.

- Entendu chef, je m’y mets tout de suite, mais ça va prendre du temps.

- Le temps c’est la seule chose que nous ayons en abondance dans cette triste affaire, alors prenez tout ce qu’il vous faut ; mais rentrez chez vous dormir, hein ?! Ici, dans ce groupe, on garde une part à la vie personnelle et on quitte le bureau, sauf urgence, briefing proc’ ou intervention extérieure, à dix neuf heures au plus tard.

- C’est enregistré ! Il est déjà dix sept heures trente, je m’y mets toute de suite.

Le soleil blanc d’automne commençait déjà à décliner sur les baies vitrées et on commençait à frissonner dans ces bureaux mal aérés et chichement chauffés en hiver ; pour l’heure, il était hors de question de demander un peu de chauffage, la saison administrative d’hiver dans la police, et surtout à la PJ, démarrait le 1 er décembre.

Lisa envoie un texto à Mia : « Urgent faire les recherches sur BB ce soir chez vous. Demain dès l’arrivée, débrief’ dans le bureau des auditions toutes les deux – Merci beaucoup » Elle n’attend pas de réponse, elle sait que la jeune lieutenant va faire le nécessaire.

Le bureau bruissait des appels téléphoniques, des cliquetis sur les claviers.

- Louis ! Pause clope terrasse, suivez moi !

Une fois au grand air, Louis allume et aspire avec délice sa cigarette, le parfum du tabac blond se répand autour de lui avant de se disperser dans l’air froid et un peu humide cette fin d’après midi. Elle respire l’effluve qui se mêle à son odeur à lui, et là, elle s’aperçoit qu’elle est très près de lui, presque à le toucher et qu’elle adore ça. Il sourit, elle se recule doucement.

- Louis, il faut que je te dise, j’ai demandé à Mia une recherche approfondie sur BB, C’est un ancien des renseignements, je ne fais pas confiance à ces gens là ; de plus, je suis sûre qu’il a aussi fait des recherches sur nous tous, je demanderai à Yuong de vérifier ça aussi.

Il rit en lui prenant la main :

- J’en étais sûr, tu n’avais pas besoin de le dire, je te connais, mais je te remercie de ta confiance. Tu nous feras un petit brief à quatre dès que Yuong t’aura donné le résultat de ses recherches.

Elle sourit, franchement soulagée :

- Ok! C’est promis! On se fera un petit dîner de groupe à quatre au resto en bas de chez moi, c’est suffisamment loin d’ici pour ne pas craindre les oreilles et les yeux indiscrets.

- Il est dix huit heures passé, que dirais-tu que l’on rentre ? Je te précède pour lancer le dîner et tu me rejoins ? N’oublie pas de passer chez toi prendre un maximum d’affaires, je voudrais bien que tu restes très très longtemps.

- C’est d’accord, je serai chez toi vers dix neuf trente au plus tard, avec plein d’affaires à ne plus savoir où les mettre, tu vas regretter ! Dit-elle en riant avec légèreté.

- Ca, ça m’étonnerait ! Ceci étant, avant de partir, je vais donner à Farouk les derniers éléments sur la piste russe, on ne sait jamais, ils peuvent de leur côté aussi creuser ça ; je dis à Thomas d’en faire autant avec Mathilde.

- Bonne idée ; et après tu y vas. Je reste ici encore quelques minutes et je les rejoins.

Il fait un rempart visuel de son corps, lui prend la main, lui embrasse l’intérieur de la paume, elle frissonne de plaisir.

- A tout à l’heure, ma divine !

Farouk reçoit le mail de Louis et le rappelle aussitôt.

- Louis, cher ami, Hamid et moi t’envoyons bien le bonjour ainsi qu’à l’équipe.

- Salut à vous deux aussi de nous tous. Alors, avez-vous du nouveau ? Est-ce que la présence russe est visible chez vous ? Avez-vous pu avoir une première liste d’enfants de sexe masculins disparus dans la région ?

- Nous avons bien eu tous vos éléments, merci beaucoup. Ce qui est confirmé c’est que des ossements humains adultes, enfants, et même petits enfants étaient dans le bûcher sur la route mêlés aux os de bêtes de ferme et de chiens. Dans la maison, c’est bien du sang humain sur les matelas, les murs et de la peinture rouge pour la calligraphie. Pour le reste, on attend que les résultats nous reviennent de Casablanca.

- Nous avons envoyé à vos experts à Casa tous les résultats ADN que nous avions connus et inconnus, ça leur permettra de faire des recoupements, s’il y en a. Si on a de la chance et qu’il y en a cela va nous permettre d’avancer un peu. Que pensez-vous, tous les deux, de la piste russe ?

- Ici, depuis quelques années, nous avons eu la vague chinoise, mais c’est plutôt pour le business commercial et depuis quelque temps la vague russophone et d’Europe centrale ; d’abord en tourisme sexuel, hélas ! Mais très vite, on a vu qu’il se rapprochait des pègres locales pour du business mafieux. Rien de concret cependant pour les accrocher.

- Ok ! Regardez s’il y a des têtes qui dépassent et envoyez nous leur pédigrée, on fera des recherches sur le territoire français et européen.

- Sinon, pour les enfants disparus, rien encore malgré nos efforts.

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