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Elle passe à la pharmacie, récupère un test de grossesse et appelle sa gynéco pour avoir dans la foulée une consultation. Elle fonce au toilettes et fait le test, elle attend les yeux tendus vers la petite fenêtre de réactif. Deux traits ! Positif ! Merde, pense t-elle et en même temps, son corps et son cerveau exultent. Dans la salle d’attente, elle textote à Mia : Si vous trouvez quoique ce soit sur les carnets, appelez moi tout de suite quelque soit l’heure. L’autre répond par un pouce levé.

La gynéco l’ausculte, la palpe, Lisa lui tend le test.

- Vous avez l’air d’être bien enceinte, mademoiselle Péron, mais on va faire un prélèvement en labo pour être vraiment sûr. Demain à jeun, c’est juste à côté et vous aurez les résultats par mail dans la journée. On se reverra pour le suivi dans deux semaines.

- Merci ! A dans deux semaines alors !

Elle se sent prise d’une étrange allégresse en allant récupérer sa voiture au parking en sous sol. Elle en parlera à Louis dès qu’elle aura eu la confirmation demain soir. Elle ne voit pas les deux motards planqués dans l’angle mort d’un pilier qui l’observent. Elle récupère Louis au bureau et ils filent vers Orly. La fin de journée est moins grise et il fait presque doux.

Durant le trajet, ils discutent gaiement du programme des choses à faire avec leurs nouveaux amis. Toute une semaine de liberté pour les deux compagnons. Ils ne remarquent pas les deux motos qui se relaient en filature derrière eux. Ils passent derrière les guichets de la PAF et vont récupérer leurs collègues à la sortie du tarmac. Ils sont réellement heureux de se retrouver.

- Dès que vous avez récupéré vos valises, on va directement à l’appartement.

Le trajet vers Paris leur permet de faire le point sur l’affaire, les fuites dans leurs propres services et les dernières conclusions auxquelles ils sont arrivés.

- Il nous faut être vigilants, ces hommes sont très dangereux, avertit Lisa ; en attendant, installez vous et si cela vous dit, on dîne ensemble au restaurant italien juste à côté de l’appartement.

Hamid a un sourire enchanté accroché aux lèvres, il tient la main de son compagnon et l’embrasse.

- C’est parfait, chère Lisa, n’est-ce-pas Farouk ?

- Oui, parfait, merci beaucoup chers amis.

A l’appartement, Lisa leur remet les clés et leur donne rendez-vous dans une heure. Ils ne repèrent toujours pas les deux motards dans l’ombre qui les observent tandis qu’ils s’éloignent à pied et enlacés, pour une promenade avant le dîner. Le repas est enjoué, ils raccompagnent leurs amis et reprennent leur voiture. Ils sont toujours suivis.

- J’ai quelque chose d’important à te dire, Louis, de très important.

- Tu attends vraiment notre bébé, c’est ça ? Et il rit.

- Tu es content ? Demande t-elle hésitante.

- Attends que l’on soit chez nous, rit-il encore, et je te montrerai à quel point je suis content. Je vais t’aimer comme un fou et je suis très heureux, Lisa, vraiment ; à un point que tu ne peux pas imaginer.

Les deux flics marocains profitent pleinement du plaisir de cette nouvelle liberté, dans un appartement bien à eux, même si c’est temporaire. Ils ont remarqué la délicate touche de la photo et se réjouissent d’avoir des amis aussi attentionnés. Farouk est cependant tendu.

- Qu’y a-t-il ? S’inquiète son compagnon, tu n’es pas heureux d’être là ? Je te sens anxieux et nerveux, ce n’est pas ton habitude.

- Si, bien sûr, évidemment que je suis heureux d’être là, à Paris avec toi, mais je ne sais pas, je suis angoissé.

- C’est à cause des russes ? Tu as peur ?

- Oui, j’ai une mauvaise sensation, ces gens sont tellement violents, cruels et imprévisibles. On devrait tous avoir peur !

- On est les flics, ce sont eux qui devraient avoir peur ! Conclut Hamid avec légèreté en riant ; allez mets le verrou de sureté intérieur comme a dit notre amie, et viens te coucher, je vais te faire oublier tout ça.

Lorsqu’ils débarquent le lendemain matin avec les capitaines, élégants et beaux à se damner, ils font grande sensation. Du rez de chaussée au sixième, c’est une vague d’admiration, pour un peu tous les flics et fliquettes de moins de quarante ans leur feraient une "ola".

- Pour une fois, dit Louis rigolard, ce n’est pas moi qu’on reluque comme un gâteau à la crème. Belle concurrence !

A leur entrée dans le bureau, Thomas reste figé et dévore des yeux le commandant Farouk ; il l’avait trouvé très séduisant sur les Visio mais en vrai, il est à tomber. Mia les regarde, rêveuse et souriante.

- Lieutenant ! Fais semblant d’aboyer Lisa, sortez du coma et appelez le commissaire pour lui signaler notre venue dans dix petites minutes.

Il sort de sa transe avec un grand sourire.

- Bien, chef !

Elle présente officiellement le commandant et le capitaine à toute l’équipe et ils filent chez le commissaire. Pendant que papi fait son laïus à leurs homologues, Lisa envoie un texto à Louis : « Ne dis rien à personne pour l’instant, on le dira à nos amis ce soir, à ta famille plus tard ». Il renvoie : « D’accord »

- Je vous invite à déjeuner, entend-elle, sortant de ses pensées.

- Non, non, commissaire ! C’est nous qui vous invitons, devant le tableau comme d’habitude ! C’est mon tour de régaler !

- En ce cas, sourit-il largement, je vais rentrer déjeuner chez ma femme ! Je vous laisse à vos repas de commis voyageur.

- Bien, lui sourit-elle en retour, en ce cas on vous laisse, on va bosser. On vous tient au courant si on avance.

Ils se tiennent tous, debout, devant le tableau.

- Voilà, nous savons plus ou moins qui a fait quoi mais on bute toujours sur le pourquoi précis et ce qui a déchaîné une telle sauvagerie, expose Louis.

Mia lui fait signe, elles s’isolent toutes les deux dans le bureau.

- Capitaine ! Les carnets, ce sont des bombes, Il y avait un pauvre code, facile à passer. Vous verriez les noms, et les chiffres, c’est vertigineux. Il y a des noms slaves et d’Europe centrale et de l’est, certainement tout le gratin de la mafia russophone et consort ; mais aussi des personnalités françaises et européennes et quelques noms asiatiques, japonais majoritairement et aussi arabes. C’est une pieuvre du vice et de la cupidité. Ce qui est troublant, c’est qu’en dehors des sommes colossales du blanchiment, il y a des versements réguliers de la part de beaucoup de ces personnes au profit de Bachellerie.

- Bon, je commence à rassembler le puzzle ! Il faut qu’on soit prêts à lancer des perquises’ chez tous ces gens, on verra avec papi tout à l’heure pour les mandats. Mia, ne dites rien pour l’instant, ces gens, quels qu’ils soient doivent absolument ignorer que vous avez un double des carnets et que vous les avez craqués.

- Bien chef !

- Bon boulot, Mia, excellent travail !

- Merci, capitaine !

Elles retournent toutes les deux auprès des autres attentifs à ce qu’elles vont dire. Avant cela, Lisa demande à une équipe d’OP d’aller cueillir le directeur de la banque.

- Messieurs, je crois que le puzzle se met en place et il est d’une grande simplicité. Pour une raison qui doit tenir à du chantage ou à un souci paranoïaque de sécurité, la mafia russe décide de se débarrasser de la famille Bachellerie qui semble être la cheville ouvrière de leur système de lessiveuse. Elle missionne nos trois motards qui font leur boulot en vrais pros de l’assassinat. Cerise sur le gâteau, si on ose dire, ces gens se livrent aux pires perversités et atrocités sexuelles et de torture sur de jeunes enfants et partagent avec leur clientèle ce goût répugnant contre monnaie sonnante et trébuchante. Entre en scène, l’ogre de Riga. Je laisse le capitaine Balitran finir, il connaît bien ce milieu. Inutile d’entrer dans les détails, capitaine, juste le déroulé.

- Bien ! Il déglutit avec peine. Voilà ! L’ogre de Riga avait une fille qu’il adorait, et encore plus depuis qu’il avait perdu un garçon, son ainé, dans une rixe de bandes. Pour la mettre à l’abri de la violence de ce milieu, il la confie à un ami, rencontré dans sa jeunesse grâce à un copain de lycée. Cet ami, c’est Bachellerie et ce copain, c’est le chirurgien dont on soupçonne qu’il est l’auteur des mutilations in vivo sur les enfants. L’ogre, qui les a un peu perdus de vue, ne soupçonne pas leurs affreux travers. En tous cas, Bachellerie et sa femme s’occupent bien de la petite et la gardent avec eux à Paris jusqu’à son adolescence. Son père vient la voir régulièrement, d’où les quelques photos où on le voit de dos, toujours.

Les autres sont bouche bée, sauf Lisa. Il déglutit encore, péniblement et poursuit.

- A dix huit ans, sa fille retourne vivre en Russie avec lui, elle est étudiante aux beaux arts et ne fait pas de vague. A vingt ans, elle rencontre dans l’entourage de son père un homme dont elle tombe follement amoureuse. Ils se marient et par sécurité partent vivre en France dans un endroit connu uniquement des proches de la famille. Ils sont discrets et élèvent leurs deux enfants dans le plus parfait anonymat. Puis son mari fait l’objet d’un contrat de la part de certains clans mafieux et même son beau-père ne peut pas le protéger. Il s’attend à mourir. Cependant, quelqu’un a donné l’endroit où réside sa famille et sa femme et ses enfants sont enlevés et exécutés. Ce quelqu’un, ce sont les Bachellerie qui connaissaient la retraite de la jeune femme. Il s’est passé beaucoup de temps avant que de connaître tous les détails de ces liens morbides entre celui qu’il croyait être un ami et qu’il finit par découvrir atrocement pervers, assassins et traître à leur ancienne amitié. L’ogre passe alors un deal avec les exécuteurs, puisqu’ils font le ménage, il veut qu’on s’occupe particulièrement des Bachellerie, d’où les exécutions particulièrement choquantes. Ils n’ont pas tué son ex gendre, ils l’ont laissé seul à souffrir du funeste destin de sa famille. Voilà comment ces gens vivent et agissent. Ils invitent le diable à leur table tous les jours.

- Merci capitaine ! On y comprend enfin quelque chose, conclut Lisa en tentant de garder son visage impassible et sa voix la plus neutre et sèche possible.

Tout le monde se tait, ils ont compris, ils sont tous atterrés devant la révélation de ce que fût, de ce qui est l’enfer du capitaine Balitran.

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