Que me reste-t-il

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   Que me reste-t-il alors que de faire avancer une écriture hâtive, fiévreuse, de produire une cantilène lituanienne se perdant dans un songe baltique ? J’écris sans arrêt, prenant mes repas dans la plus grande frugalité qui soit, ne vivant qu’au gré des visions des dunes que redoublent celles de l’auberge. Mon séjour arrivera bientôt à son terme. De la Lituanie, je n’aurai guère vu qu’une côte sauvage battue de flots d’écume, aperçu des oiseaux marins se perdant dans l’illisible contrée de l’air, deviné surtout ‘Elle’ qui traverse ma vie, tisse l’étoffe de mon roman. Mes commensaux, je ne les aurai guère fréquentés. Question de langue, d’affinité, question de littérature. Une voix venait de loin qui m’intimait l’ordre d’écrire. Seulement cette rubescente graphomanie maintenait ma tête une coudée au-dessus des flots.

   Dernier jour à la Résidence. Dernier jour en Lituanie. Dernière rencontre d’Aušra, je la sais fidèle à son rituel quotidien. J’ai posé le point final au bas de mon manuscrit. ‘Aušra de Lituanie’ est maintenant une réalité, un texte tangible, des centaines de feuillets assemblés dans une chemise de carton beige, la couleur de la robe d’Aušra, celle qu’elle semble affectionner parmi toutes les autres. J’ai rangé le dossier dans un maroquin de cuir fauve. Depuis toujours il est le confident de mes écrits. Je le pose sur la couverture de mon lit avec d’autres affaires qui, demain, rejoindront Paris, le ‘Quai aux fleurs’. Nulle nostalgie. Le bonheur anticipateur du retour malgré cette présence féminine qui frémit tout autour de moi. Je marche parmi les buttes des dunes. Le vent fouette les touffes d’oyats, on dirait des cheveux fous, vrillés, sur le point de s’envoler. Mon pli de terrain favori. Mon ‘refuge’ en quelque sorte. Peu à peu la lumière décline. La silhouette d’Aušra à contre-jour. Un fin liseré de clarté détoure la minceur de son corps. Elle est en parfaite harmonie avec le mystère crépusculaire qui habite le paysage. Elle en est la subtile efflorescence. J’espère mon écriture suffisamment inspirée pour traduire cette atmosphère irréelle qui la cerne et la soustrait aux yeux des distraits et des curieux.

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