Je suis Aušra de loin

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  Je suis Aušra de loin, comme d’habitude. S’est-elle un jour aperçue de mon manège ? Y est-elle indifférente ? Ou bien m’ignore-t-elle totalement, simple risée de vent parmi les feuilles d’air ? Mais peu importe le réel. Maintenant elle est une figure symbolique, elle vit de sa propre vie, elle s’est assurée d’une possible éternité. Les hommes meurent, le langage leur survit. J’entre dans l’auberge. Habitudes : places identiques, actes identiques. Elle lit, je la regarde lire. Elle boit son thé à petites lapées, je bois le mien en écho. Elle pose son livre et disparaît dans l’ombre qui grandit. Je prends le livre. ‘Lettres à un jeune poète’ - Rainer Maria Rilke. Je pense Aušra rilkéenne accomplie. Sans doute une Poétesse. Une Muse en même temps, vibrant aux voies voilées de l’élégie. Une infime trace de crayon entoure un extrait. Cet extrait, est-il le domaine d’une affinité particulière, le prétexte d’une hypothétique réflexion ? Je lis :

« Il se pourrait qu’après cette descente en vous même, dans le « solitaire » de vous-même, vous dussiez renoncer à devenir poète. (Il suffit, selon moi, de sentir que l’on pourrait vivre sans écrire pour qu’il soit interdit d’écrire.) Alors même, cette plongée que je vous demande n’aura pas été vaine. Votre vie lui devra en tout cas des chemins à elle. Que ces chemins vous soient bons, heureux et larges, je vous le souhaite plus que je ne saurais le dire. »

   Non, l’adresse du Poète se fait en ma direction. Je suis l’apprenti Poète prenant acte des conseils de son illustre Aîné. « Renoncer à devenir poète », ceci serait sage attitude s’il s’avérait que mon roman, ‘Aušra de Lituanie’ ne tienne nullement ses promesses. Or j’y ai jeté toutes mes forces. Bien sûr c’est Aušra qui a insufflé, dans le texte, sa divine présence. Ou, plutôt sa confondante absence, son orphique parution sur la scène à peine éclairée du monde. En réalité un roman ‘entre chien et loup’, des mots en demi-teinte, une esthétique de l’effleurement, si ce n’est de l’effacement. Aušra je l’ai voulue présente jusqu’en son absence même. Une manière de flottement aux confins du monde, un chant de luciole se perdant dans le mystère de la nuit.

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