17 · Voyage et confidences 

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La majeure partie du voyage, Eldria et Lélia la passaient au fond de la charrette, assises entre les tonneaux, bavardant de tout et de rien tandis que Dan faisait office de cocher, menant Perce-Neige à travers champs. À de rares occasions, il avertissait ses deux passagères d’un danger potentiel, et celles-ci disparaissaient aussitôt dans les tonneaux qui leur tenaient lieu de cachette improvisée. La plupart du temps, toutefois, rien de notable n’advenait, et les paysages printaniers défilaient avec lenteur, au rythme du cahot provoqué par les imperfections des routes et des chemins qu’ils empruntaient. À l’horizon, les premiers vallonnements lointains, annonciateurs des monts qu’ils visaient, se découpaient sous le ciel argenté, et Eldria s’avisa qu’elle aurait bientôt pratiquement traversé le pays depuis son extrémité nord jusqu’à son bord méridional.

En quatre jours, ils avaient croisé seulement deux patrouilles eriarhies. Heureusement, ces petits détachements armés ne s’étaient que peu préoccupé de Dan – qui avait troqué son uniforme pour des vêtements civils – et de son chargement. Ses traits et son parler balayaient en effet bien vite le moindre doute quant à ses origines nordiques.

Le soir, ils bivouaquaient à l’abri des regards, au cœur des bois ou à flanc de colline, si possible près d’un point d’eau. Ce fut d’ailleurs les mollets plongés dans l’un d’eux – un ruisselet niché sous les arbres –, alors que toutes deux s’étaient dévêtues, qu’Eldria achevait de conter à Lélia ses mésaventures encore récentes au fort devenu prison de la Rose-Épine.

– Et c’est ainsi que nous nous sommes échappés, Dan et moi. Depuis, nous nous cachons.

Après ces quelques jours passés ensemble, elles s’étaient liées d’une estime naissante, mais déjà solide, profitant des absences matinales de Dan – parti quérir des renseignements – pour converser entre femmes. Eldria avait trouvé en Lélia une oreille curieuse et attentive, dotée de ce rare talent d’écouter sans juger, si précieux au regard de la nature intime de bien des péripéties auxquelles elle avait été soumise au cours de son malheureux séjour carcéral. Et ce travail, quoique délicat lorsque ressurgissaient des souvenirs douloureux, revêtait pour elle une valeur cathartique bienvenue, comme si le poids des mots la délestait peu à peu d’un mal-être pesant.

Étrangement, elle n’avait éprouvé aucune peine à dérouler le fil de ses déboires. Elle en avait dit l’essentiel, conservant toutefois pour elle quelques menus détails qu’elle préférait garder secrets. Lélia ne l’interrompait jamais, mais Eldria pressentait parfois le flot des questions brûlant les lèvres de sa nouvelle alliée.

– Waouh... fit Lélia après un court silence. Vous avez sauté comme ça, dans un torrent d’eau glacée, en plein hiver ? Je me demande par quel miracle vous n’êtes pas morts frigorifiés !

– Hem, eh bien... balbutia Eldria en rosissant, se demandant si elle avait vraiment envie d’expliquer comment, le soir-même, ils s’étaient effectivement réchauffés, dans cette grotte sombre. On... on s’est débrouillé.

Fort heureusement, Lélia n’insista pas, mais revint toutefois sur un point récurrent du récit d’Eldria, que cette dernière avait volontairement et systématiquement éludé.

– Je ne comprends pas. Dan et toi, quand vous étiez dans cette... chambre. Vous avez été forcés à vous accoupler, non ?

Ce qui désarmait chez Lélia, c’était son absence totale de filtre et de tabou. D’une certaine manière, il était rassurant d’apprendre que la belle Adaïque ne s’offusquait de rien ni de personne : cela faisait d’elle une confidente idéale. La contrepartie, c’était qu’elle n’hésitait pas à appuyer sur des sujets relevant du personnel, de l’intime, qu’il était difficile de lui dissimuler. Eldria, qui n’avait pas encore mis d’ordre dans le maelstrom de ses sentiments, fut tentée de répondre qu’elle préférait garder ces détails pour elle, mais, portée par la bienveillance de sa confesseuse, elle opta finalement pour la franchise :

– Non, il se stimulait lui-même et finissait par... jouir sur moi.

Une étrange sensation la traversa à la prononciation de ces mots crus, comme s’ils étaient porteurs de honte, de déshonneur, indignes de l’image qu’elle souhaitait renvoyer d’elle-même. Heureusement, Lélia ne lui en tint aucunement rigueur.

– Ça devait être excitant ! commenta-t-elle gaiement en se penchant dans l’eau claire pour s’humecter le haut du corps.

– Au début, pas vraiment, murmura Eldria, fixant ses pieds que la diffraction du courant rendait difformes. Mais après... oui.

Elle se remémora la tiédeur ambrée de cet antre où, avec Dan, ils s’étaient maintes fois déshabillés sans oser se regarder, avec une pudeur fragile. Hormis les bains, c’était le seul lieu où elle avait fini par se sentir, l’espace de quelques salvatrices minutes, un tant soit peu en sécurité. Un tant soit peu, si ce n’était aimée, du moins appréciée pour ce qu’elle était vraiment, et non pour ses seuls attributs de femme.

Pendant ce temps, Lélia avait terminé de se rincer et s’était allongée sur les galets tièdes de la berge pour goûter, après la fraîcheur du ruisseau, le bain tiède de l’astre du jour. Et comme le simple plaisir de laisser la douceur printanière sécher son corps ne semblait guère lui suffire, sa main droite descendit tranquillement vers ses cuisses.

– Encore ? se consterna Eldria, qui ne cherchait plus à faire semblant d’ignorer ce que sa compagne de route s’autorisait régulièrement, sans se soucier de sa présence.

– Que veux-tu ? T’imaginer avec Dan m’a fait de l’effet. Une femme a des besoins physiologiques auxquels il faut bien répondre. Il n’y a pas de honte à écouter son corps.

Joignant le geste à la parole, elle s’adonna à un onanisme décomplexé. Par pudeur, bien qu’elle sût pertinemment que Lélia ne lui en tiendrait pas rigueur si elle restait là à la regarder, Eldria se détourna, sentant une chaleur nouvelle lui monter aux joues. Pourtant, au fil des jours, elle se sentait de moins en moins gênée, s’étant accoutumée aux extravagances de sa consœur et à son rapport libre au corps et à la sexualité. Après tout, Lélia demeurait fidèle à ses principes... peut-être devrait-elle s’en inspirer davantage. Elle sentit d’ailleurs le regard de l’Adaïque se poser sur son dos nu.

– Tu ne te touches jamais ? s’enquit innocemment Lélia, sans s’interrompre.

Eldria, de prime abord, trouva la question un brin audacieuse. Après tout, elle n’avait pratiquement jamais parlé ouvertement de cela. Elle hésita, puis se rappela s’être déjà largement confiée à son interlocutrice.

– Si, parfois. Mais là, ça fait longtemps.

– Et ça ne te manque pas ?

– Un peu... Quand Dan était dans le coma, je n’en ressentais pas le besoin. J’avais trop de soucis en tête... Et depuis qu’il est réveillé, je n’ai... pas vraiment eu de moment à moi.

Dans sa vision périphérique, Lélia se redressa, cessant pour la première fois ses attouchements.

– Si c’est ma présence qui te trouble, sache que cela ne me dérange aucunement que tu te soulages. Au contraire, je peux même t’y assister si tu le souhaites. Je connais des techniques qui te feront ressentir des choses dont, j’en suis sûre, tu ne pensais pas ton corps capable.

Une nouvelle fois, Eldria tarda à répondre, cherchant des raisons de décliner ces avances.

– Mais... et si Dan revient ?

– Il est parti il y a trente minutes. À l’heure qu’il est, il n’a même pas encore dû gagner la bourgade du coin.

Voyant sa réticence, elle ajouta :

– Je t’assure, il n’y a pas d’ambiguïté entre nous. Juste deux amies qui se partagent de bons conseils. Dans ma culture, nous considérons que l’amour et le sexe sont deux concepts totalement distincts, et que ce dernier peut tout à fait s’accorder avec l’amitié.

Avec n’importe qui d’autre – même Salini –, Eldria aurait sans doute refusé net. Elle ne se sentait pas l’âme libertine, et se laisser toucher par une amie, en pleine nature, relevait pour elle de l’indécence. Pourtant, elle s’apercevait que le simple fait d’avoir été régulièrement nue aux côtés de Lélia, ces derniers jours, lui provoquait d’étranges tiraillements au bas-ventre... les mêmes qu’elle avait déjà connus avec Salini et Karina. Pour ne rien arranger, la vision de Lélia, jambes ouvertes, mains entre les cuisses, avait éveillé en elle un désir enfoui. Était-ce de la jalousie qu’elle avait éprouvée à son égard, en la voyant s’octroyer ainsi du bon temps quand elle-même s’imposait des limites ? La totale décomplexion de Lélia déteignait-elle sur elle ? Elle se découvrait humide de désir... et ce n’était pas l’eau du ruisseau.

– Bon, d’accord, souffla-t-elle enfin, le cœur battant, le visage écarlate derrière un sourire qui se voulait naturel. Mais... on n’en parle à personne, d’accord ?

Lélia acquiesça d’un bref signe de tête et attendit qu’Eldria, un peu crispée, se soit allongée maladroitement à ses côtés pour s’agenouiller à quelques centimètres de son bassin.

– Bien. Je peux te toucher ?

– Oui...

– Je vais te montrer comment je fais. Je te promets qu’après, tu ne pourras plus t’en passer !

Eldria approuva et, embrassant pleinement ses pulsions tandis que la pointe marbrée de ses seins se tendait par anticipation, elle écarta les cuisses. C’était une sensation singulière que de s’offrir ainsi, pour le seul plaisir de la découverte. On ne se laissait pas tous les jours doigter par une amie... mais ce n’était pas une première non plus. Cette fois, elle en savourait surtout la portée didactique : aucune gêne, aucun tabou, aucun sous-entendu entre elles.

Quand l’index de Lélia s’insinua entre ses lèvres frémissantes, son corps, mû d’une volonté propre, se cambra aussitôt. Elle ferma les paupières, se mordit la lèvre, tandis que cette présence délicate s’agitait en elle, libérant un plaisir longtemps retenu. Pour une fois, elle avait l’audace de s’y abandonner sans réserve, faisait fi de toute bienséance en présence d’autrui. Et cet autrui, nue comme elle, continuait de se caresser la vulve... il était trop tard pour jouer la prude !

– Tu es prête ? souffla Lélia.

La phalange experte s’avança plus loin, traçant sur ses parois humides de lentes caresses qui déclenchaient des décharges familières. Ces sensations lui procurèrent déjà un délectable bien-être, dont Eldria aurait tout à fait pu se contenter. Mais soudain, Lélia opéra un inattendu et astucieux mouvement du poignet. Son pouce, encore à l’extérieur, pressa contre le clitoris dilaté, offert, ne demandant qu’à être sollicité, d’Eldria. Et pourtant, ce fut de l’intérieur que l’explosion survint, fulgurante, affluant dans ses veines à vif : l’index s’était glissé jusqu’à un renfoncement inexploré, où ni ses propres doigts, ni ceux de Salini, de Karina ou même de Dan, n’avaient jamais osé s’aventurer, frôlant d’un geste précis un point d’extrême sensibilité, haut dans son orifice le plus intime.

L’effet, nouveau et immédiat, la secoua : elle eut l’impression de s’élever, enveloppée par les nuages duveteux qui flottaient là-haut. Plusieurs orgasmes semblaient la traverser d’un seul tenant, comme si Lélia avait pressé un bouton secret dissimulé aux confins de sa matrice. En plaisir pur, l’intensité faillit rivaliser avec celle de sa première – et dernière – fois avec Dan.

Surprise, malgré ses efforts pour se contenir, elle laissa échapper un gémissement si sonore qu’un groupe d’oiseaux, paisibles dans les frondaisons, s’envola d’un seul trait.

– Eh bien ! Je ne m’étais pas trompée, commenta Lélia, amusée, sans retirer ses doigts. Toute cette tension en toi, accumulée depuis si longtemps, n’attendait que d’être relâchée.

Eldria l’entendit à peine. Les yeux embués, haletante comme au terme d’une course, elle n’avait plus qu’une idée : ne pas laisser cette extase périnéale s’éteindre. D’un geste impérieux, elle saisit le poignet de sa pourvoyeuse de plaisir et souffla, laconique :

– Encore !

Lélia lui renvoya un sourire à la fois espiègle et tendre, et eut la délicatesse de ne pas la faire attendre. Son massage à l’entrejambe reprit doucement, comme pour laisser le temps à son corps encore tremblant de se remettre. Eldria, cette fois-ci préparée à accueillir une nouvelle salve de ce plaisir brut, se cambra de nouveau et, abandonnant définitivement toute pudeur, se mit naturellement à se palper la poitrine. De son côté, Lélia, qui avait sans nul doute maintes fois pratiqué ce jeu sur d’autres femmes, la laissa profiter d’un répit agréable et nécessaire. Puis, tandis qu’Eldria recommençait à tortiller du bassin pour signifier son impatience, elle refit le même mouvement du poignet, pressant à nouveau cette minuscule zone nichée quelque part, en elle, entre le pubis et le clitoris.

Cette fois, Eldria ne voulait pas être prise de court : elle accueillit avec délectation l’exquise sensation qui jaillit comme par magie dans sa région pelvienne, avant d’investir le reste de son corps vibrant de félicité. Sa taille se courba davantage, ses pupilles se révulsèrent et, une fois encore, elle jouit bruyamment.

Pantelante, elle demeura un moment allongée, contemplant le ciel azuré qui semblait lui sourire, l’entrejambe encore débordant de plaisir. Sa poitrine dressée se soulevait et s’abaissait au rythme d’une respiration pressée, qui s’apaisait pourtant à chaque souffle. L’espace de quelques minutes, elle avait oublié tous leurs soucis, comme si son corps et son esprit s’étaient soulagés de concert.

Lélia, qui l’avait accompagnée dans cet instant hors du temps, resta silencieuse, accroupie à ses côtés. La main si habile de son amie avait quitté le creux de ses cuisses. Ce fut elle qui, après une minute, rompit le silence, tandis qu’un nuage narquois s’amusait à les priver des rayons du soleil, les incitant à mettre fin à leur récréation.

– Je crois bien que tu as tout donné, fit-elle, facétieuse, en se levant et en se rhabillant – ce qui allait vite, tant elle était d’ordinaire peu vêtue.

Eldria, apaisée, se redressa enfin.

– Co... comment as-tu fait ? demanda-t-elle ingénument. Je... waouh ! Je ne pensais pas être capable de ressentir tout ça !

Lélia lui offrit un sourire radieux.

– Il s’agit d’un procédé malheureusement trop peu connu de la plupart des femmes. Chez moi, on l’appelle le point de félicité. Nous l’avons toutes en nous, et il faut un peu de pratique avant de parvenir à le trouver seule.

– Apprends-moi ! supplia Eldria, à qui revenait soudain le goût de l’art subtil de l’autosatisfaction.

Ce fut ainsi que leur amitié prit un tournant que d’aucuns auraient pu qualifier... d’érotique. Pourtant, Eldria ne définissait pas leur relation ainsi : elle n’éprouvait pas, à l’égard de Lélia, la même attirance que pour Dan... ni même que pour Salini, lors de leur dernier rapprochement ambigu. Entre elles, c’était plutôt une relation de professeure à élève, qui se tissait au fil de leur pérégrination et prenait vie chaque matin.

En effet, elles avaient désormais pris l’habitude, lorsque Dan s’absentait parfois plusieurs heures, de s’accorder de longues sessions de détente digitale. Passés les premiers jours où elle s’était sentie déstabilisée, Eldria n’éprouvait plus la moindre pudeur à s’octroyer du plaisir avec celle dont elle partageait la tente. Le soir, au moment de dormir, il leur arrivait même, après quelques gloussements complices, de se caresser l’une à côté de l’autre, en cachette. La présence de Dan, couché près du feu à l’extérieur, ignorant tout de l’activité inavouable à laquelle elles se livraient à quelques mètres de lui, attisait d’ailleurs l’excitation d’Eldria, qui se rappelait volontiers leur seule nuit ensemble pour nourrir ses velléités lubriques. Elle évitait toutefois d’approcher le bout de ses phalanges de ce fameux point de félicité, si efficace, peinant encore à retenir ses élans lorsqu’elle parvenait à le solliciter pour son propre plaisir.

Au fil de leurs expériences et de l’enseignement de Lélia, à force de se triturer l’entrecuisse de long en large, elle avait non seulement fini par mettre le doigt dessus, mais aussi par devenir plutôt habile en la matière. Elle ne comptait plus les moineaux, perruches, mésanges et autres rouges-gorges qu’elle avait dérangés de ses halètements, rompant la quiétude rassérénante des lieux naturels qu’ils traversaient. C’était comme revivre la découverte de ses premiers émois et, en l’espace d’une semaine, grâce à Lélia, elle avait retrouvé un peu de cette joie de vivre dont on l’avait dépouillée lorsque la guerre avait débuté.

Peu à peu, elle apprenait à se réapproprier son corps, comme s’il avait jusqu’ici été souillé par les épreuves terribles qu’elle avait endurées. À l’image de Lélia, elle se sentait plus à l’aise avec ce qu’elle renvoyait, acceptait mieux ses désirs et cessait de les enfouir comme de gênants parasites au fond de son esprit. Et plus les jours s’enchaînaient, plus ses sentiments enfouis refaisaient surface, plus son regard se perdait parfois sur Dan, à son insu, admirant en secret les muscles qu’on devinait sous la tunique, s’égarant sur ses fesses et, à l’occasion, sur la bosse à l’avant de son pantalon afin de mieux se remémorer ce qui s’y dissimulait et qu’elle brûlait de revoir... et de toucher.

– Je ne sais pas comment lui en parler, avoua-t-elle un jour à Lélia, alors qu’elles se préparaient pour leur toilette matinale sur la berge d’une énième rivière, au pied d’une montagne. J’ai l’impression qu’il ne me regarde plus. Parfois je me demande si je n’ai pas fantasmé cette nuit ensemble...

Elle avait fini par se confier à Lélia au sujet de son transport, toujours vif, à l’égard du jeune homme qui l’avait sauvée. Bien sûr, Lélia n’en fut pas surprise. En confidente attentive, elle l’écoutait sans jugement et l’aidait à surmonter ses doutes.

Profitant de la douceur printanière pour prendre du bon temps – dans et hors de l’eau –, elles échafaudèrent, avec une franche sororité, un plan destiné à offrir à Eldria son moment privilégié avec Dan.

– À ce moment-là, je prétexterai une absence et je vous laisserai tous les deux près du feu. Toi, tu feras mine d’avoir froid et, l’air de rien, tu te rapprocheras de lui...

– Et s’il ne tente rien ?

– Alors tu feras comme je t’ai dit...

Au terme d’un long conciliabule décomplexé, le plan leur parut parfait, et la décision d’Eldria fut prise : bien qu’un peu nerveuse, ce soir... elle tenterait sa chance ! Elle attendait depuis trop longtemps en vain et, galvanisée par Lélia, elle conclut que c’était peut-être à elle de prendre les devants.

Dan refit surface, comme à son habitude, en fin de matinée, et la compagnie reprit la route. Le paysage se faisait plus montagneux et, selon leur compagnon – qui ne se doutait pas de ce qui se tramait –, Pic-Ridas pourrait peut-être être atteint le lendemain. C’était donc ce soir... ou jamais !

Le soir venu, ils montèrent la tente et allumèrent un feu, suivant une routine désormais bien huilée, à ceci près qu’Eldria était agitée comme une truite dans un torrent. Elle s’était vêtue – très – légèrement, s’était assurée de sa propreté intime, s’était même coiffée et avait attaché ses cheveux avec les moyens du bord. À présent, elle faisait les cent pas sans but, à mesure que le crépuscule s’installait.

– Ça va ? demanda Dan, un sourcil levé, maniant un long bâton pour attiser les braises.

– Hein ?... Heu, oui.

« Ça ira mieux quand j’aurai mes cuisses autour de tes hanches », glissa sa petite voix intérieure. À cette pensée, un petit rire nerveux lui échappa. Le pauvre Dan parut circonspect... et cela le rendit plus séduisant encore.

Ils prirent place autour du feu, et un silence plus pesant qu’à l’ordinaire s’installa. Malgré la fraîcheur des derniers instants du jour, Eldria avait chaud. Très chaud. Elle croisa le regard de Lélia, qui lui adressa un clin d’œil discret pour lui donner du courage. La belle étrangère se leva alors, prête à feindre une absence. Tout allait bientôt se jouer... Dan serait-il réceptif à ses avances ?

Mais au moment où Lélia se redressait, Eldria comprit que quelque chose clochait. Le visage de son amie s’était vidé de sa couleur. Son regard s’était figé au-delà de ses deux compagnons en plein repas, vers la lisière de la pinède où ils bivouaquaient. Il n’y avait guère de doute... quelque chose se tramait derrière eux.

Avant même qu’Eldria ne se retourne, Dan avait déjà bondi, l’arme au clair. C’était trop tard... Une quinzaine d’hommes, armés, hargneux, fondaient déjà sur eux de toutes parts. Ils étaient pris au piège.

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