25 · Solanntor
Les deux nouvelles venues furent aussitôt enveloppées par l’atmosphère chaude et moite de Solanntor, le Joyau du Désert. Entre les hautes murailles ceignant l’impressionnante cité, la chaleur, heureusement, se révélait moins écrasante qu’en plein désert. Le fond de l’air demeurait toutefois accablant pour quiconque n’était pas accoutumé au climat tropical de la région.
Alors qu’elle s’aventurait hors de l’entrepôt à la suite de Lélia, Eldria comprit mieux pourquoi les habitants avaient intégré le concept étrange de nudisme à leur culture : il faisait peut-être tout simplement trop chaud pour s’embarrasser de vêtements. Ce fut pourtant avec une appréhension certaine qu’elle fit ses premiers pas, presque nue comme le voulait apparemment la tradition, au beau milieu d’une ruelle ombragée, serpentant au pied d’un des murs d’enceinte. Après tout, quoi de plus logique que d’établir l’accès d’un passage clandestin aussi près du monde extérieur ?
Dans un réflexe de pudeur, elle balaya des yeux la ruelle, à droite, à gauche, avant d’oser s’avancer davantage, de peur qu’on la surprenne en si petite tenue. L’endroit, heureusement, était désert.
– Ce quartier est peu fréquenté, expliqua Lélia en refermant la porte qu’elles venaient de franchir. Maintenant, nous devons nous rendre au cœur de la cité, vers le palais.
– Le palais ?
– Oui, c’est là que nous pourrons retrouver ton amie. Eldria, à compter de maintenant, suis-moi et n’entreprends rien de suspect. Ne fixe personne dans les yeux. Si quelqu’un t’adresse la parole, fais mine de ne pas comprendre : personne ne s’étonnera qu’une jeune femme blanche telle que toi n’ait pas encore intégré la langue locale. Si, en revanche, on t’interpelle en langage commun, tu baisses les yeux et tu te contentes d’acquiescer, d’accord ? Oh, et ne cache pas tes seins comme ça.
Sans même s’en rendre compte, Eldria avait de nouveau ramené ses avant-bras contre sa poitrine. Depuis qu’elle côtoyait Lélia, son rapport à son propre corps – et à celui des autres – avait pourtant évolué : bien qu’éternellement pudique sur certains aspects, elle avait fini, à force de travail sur elle-même, par cesser d’ériger la nudité en sujet tabou. Elle avait appris à accepter son corps tel qu’il était, avec ses défauts mais aussi ses qualités, et nourrissait désormais moins de complexes à l’idée de se montrer dans son simple appareil. Cependant, franchir l’étape consistant à exposer ses formes en plein cœur de la plus grande cité qu’elle eût jamais visitée n’avait jamais figuré à son programme.
– Oups, désolée, s’excusa-t-elle en forçant ses bras à retomber le long de son corps. C’est compris.
– Parfait.
Sans perdre une minute, d’une démarche aussi naturelle que possible, Lélia et Eldria s’engagèrent dans une allée adjacente. Les quartiers qu’elles traversaient étaient calmes, presque apaisés, à croire que la plupart des habitants avaient choisi, à raison, de se confiner chez eux alors que l’astre diurne trônait encore haut dans le ciel. Seul résonnait le souffle tiède du vent qui s’insinuait dans les travées et venait les caresser, d'un frôlement espiègle, en des zones qu’Eldria n’avait guère l’habitude de laisser découvertes à l’extérieur.
Les deux jeunes femmes zigzaguèrent longuement à travers ce dédale de ruelles disparates sans croiser âme qui vive, si ce n’étaient, par moments, quelques silhouettes floues aux fenêtres, qui les observaient passer d’un regard distrait. Eldria prit pleinement conscience que, sans son amie rencontrée par pur hasard bien loin au nord d’ici, dans une forêt perdue du Val-de-Lune, elle n’aurait jamais eu la moindre chance de se frayer, seule, un chemin jusqu’à cette tentaculaire prison à ciel ouvert où l’on retenait Salini.
Finalement, elles débouchèrent sur une allée plus large que les autres, au bout de laquelle apparaissaient les premiers signes tangibles que la ville était bel et bien habitée : on distinguait, de dos, une poignée de personnes massées devant la devanture d’une échoppe de rue. Lélia n’avait pas menti : même à cette distance, il était évident qu’elles étaient nues. Face à ce tableau inconvenant, Eldria sentit son cœur s’emballer.
Son cardio ne se calma guère lorsque, au détour d'un croisement, les deux clandestines tombèrent nez à nez sur trois autres individus. Se souvenant des conseils avisés de son amie, elle baissa aussitôt les yeux, constatant que lesdits individus étaient armés d’imposantes lances et revêtus d’une armure de cuir sombre, assortie d’une cape et d’un épais casque leur recouvrant l’intégralité du visage, conférant à leurs porteurs une allure presque cabalistique. Il s’agissait, sans nul doute, des fameuses Capes Ocres – la milice de la ville que Lélia avait évoquée la veille. N’importe où ailleurs dans le monde, Lélia et Eldria, drapées dans des tenues aussi peu décentes, auraient été aussitôt arrêtées et jetées en prison pour racolage aggravé. Pourtant, ici, le détachement les dépassa sans même daigner leur accorder la plus infime attention. Lélia se tourna vers Eldria et lui adressa un sourire complice, comme pour l’enjoindre à se détendre.
Au terme d’une longue déambulation sur les pavés blancs sinuant entre les hautes bâtisses de ce quartier visiblement plus commerçant que pavillonnaire, elles débouchèrent cette fois sur une place immense, grouillante de vie, contrastant avec l’exiguïté des faubourgs précédents. En son centre, ceinturée par des rangées de majestueux arbres exotiques qu’Eldria savait désormais être des palmiers, trônait une somptueuse fontaine d’or, d’où jaillissaient de longues volutes d’eau claire. Tout autour, des gens flânaient, non loin d’un vaste marché dont les étals chargés de marchandises étaient abrités par de grands voiles colorés, protégeant la clientèle des rayons ardents inondant la ville. Plus près d’elles, d’autres badauds profitaient d’un luxuriant jardin ombragé, qui semblait s’étendre d’un bord à l’autre de ce vaste espace propice aux rencontres. Et, bien sûr... tous ces gens étaient nus, ou presque.
Eldria s’empourpra lorsqu’un simple coup d’œil lui dévoila ces torses masculins à la peau noire ou métissée – pour la plupart glabres et musclés –, ces cuisses athlétiques et, entre celles-ci, ces pénis de dimensions variées, pendant fièrement sous le bas-ventre exhibé de leurs propriétaires, sans le moindre artifice.
Comme Lélia le lui avait expliqué, si certains hommes avaient choisi de couvrir leurs jambes d’un pantalon, les femmes, elles, n’avaient pas ce luxe. Ce qui frappa tout d’abord Eldria, ce fut la proportion non négligeable d’entre elles qui étaient blanches. Il y avait des blondes, des brunes, des rousses... Toutes, en revanche, et sans exception, avaient le buste à l’air, quel que fût leur âge ou leur morphologie. Seule une poignée d’entre elles avaient opté, comme Eldria et sa chaperonne, pour la même minuscule jupette censée indiquer leur indisposition, qui, à l’évidence, ne dissimulait presque rien sous ses atours de cuir. Il suffisait en effet d'un simple coup de vent – ou bien que sa porteuse se penche un tout petit peu trop en avant – pour exposer, aux yeux de toutes et tous, ses fesses et son pubis, comme le reste de ces autres femmes ayant moins froid aux yeux.
Dans un geste dérisoire, Eldria réajusta instinctivement son unique vêtement pour le faire descendre le plus possible sur le haut de ses cuisses. Si ces mœurs semblaient communément admises, elle eut pourtant une pensée émue pour toutes ses consœurs du Nord, envoyées ici contre leur gré, contraintes d’adopter, sans rébellion, ce mode de vie déroutant et humiliant à leurs yeux. Il en allait de même, à bien y réfléchir, pour les natives de ces terres arides : même si Lélia paraissait tout à fait accoutumée aux règles de son peuple, il semblait évident que celles-ci avaient été dictées par des hommes libidineux, désireux de s’octroyer de plein droit le corps des femmes partageant leur espace de vie, tout en se réservant la possibilité de protéger, à leur discrétion et sans conséquence, leur propre vertu.
Eldria fut d’ailleurs bientôt témoin, de ses yeux outrés, d’un exemple concret de ce déséquilibre criant entre les sexes : non loin de leur position, derrière un petit bosquet, un homme d’une soixantaine d’années, au crâne chauve et au sexe hirsute, venait d’intercepter une jeune femme au teint hâlé, probablement à peine entrée dans l’âge adulte, qui flânait jusque-là avec un groupe d’amies. La malheureuse ne parut guère enchantée lorsque le vieil homme, d’un geste autoritaire, lui intima de s’accroupir devant lui en désignant son propre sexe. Elle s’exécuta pourtant sans protester et, sous le regard impuissant de ses camarades, dans l’indifférence générale des passants, elle lui prodigua une fellation.
– Tu ne peux rien y faire, murmura Lélia en remarquant qu’Eldria avait serré les poings. Celles qui se rebellent sont emmenées par la milice et subissent bien pire encore. Viens.
Elle lui saisit la main et, se fondant dans la foule, prit la direction d’une haute tour nacrée au sommet doré, qui s’élevait majestueusement au cœur de l’immense cité. Mais alors qu’elles n’avaient parcouru qu’une cinquantaine de pas dans une nouvelle allée un peu moins fréquentée, Lélia la prévint discrètement :
– Continue de marcher à la même allure. Aie l’air naturel.
– Qu’y a-t-il ? demanda Eldria à mi-voix.
– Deux hommes nous suivent.
Profitant d’un carrefour où elles obliquèrent, Eldria risqua un bref coup d’œil par-dessus son épaule. Effectivement, elle aperçut aussitôt deux garçons à demi-vêtus, qui avançaient d’un pas résolu dans leur sillage. Tous deux semblaient les fixer.
– Que nous veulent-ils ? interrogea-t-elle, troublée.
– Je l’ignore. Dans le meilleur des cas, ils veulent tirer leur coup. Dans le pire des cas...
Elle s’interrompit alors qu’ils approchaient.
– Dans le pire des cas ? souffla Eldria, pour qui la première perspective était déjà la pire.
– Silence, ils arrivent.
Déjà, les deux autochtones étaient sur elles. Comme l’avait pressenti Lélia, ils ne se contentèrent pas de poursuivre leur chemin. Ils se postèrent de part et d’autre des deux amies, les forçant à s’arrêter, et l’un d’eux – un garçon musculeux d’une vingtaine d’années – prononça quelques mots dans sa langue, qu’Eldria était incapable de traduire. Sans se laisser impressionner, Lélia lui répondit d’un ton apaisant, mais cela ne sembla aucunement convenir à son interlocuteur, qui fronça aussitôt les sourcils. D’un geste agacé, il saisit la petite jupe de peau ceignant la taille de sa compatriote, et tira de toutes ses forces. Le délicat vêtement se disloqua, dévoilant la toison finement entretenue de sa porteuse.
Celle-ci ne bougea pourtant pas d’un pouce, à l’inverse d’Eldria qui eut un sursaut de stupéfaction. Lélia soutint sereinement le regard de son agresseur avant de consentir, enfin, à obéir à ce qu’il semblait exiger. Elle se tourna, s’appuya contre le mur auprès duquel elles avaient été accostées, puis se pencha en avant, présentant ses fesses à l’inconnu.
– Mon amie vient d’arriver dans notre cité et ne comprend que la langue commune, annonça-t-elle placidement, dans ladite langue, en plongeant ses prunelles dans celles d’Eldria, comme pour lui intimer de ne pas s’alarmer. Soyez cléments avec elle.
Aucune panique ne perçait dans sa voix. Pour elle, toute cette scène semblait presque relever de l’ordinaire. Il n’en allait pas de même pour Eldria qui, bien qu’avertie des dangers, dut maîtriser sa respiration pour ne pas céder à une crise de terreur.
L’autre garçon, plus petit que son compagnon mais tout aussi solidement bâti, s’était à son tour avancé à sa hauteur. Il lança d’une voix rauque, marquée par un fort accent :
– Je serai donc la première verge d’Adaï que tu expérimenteras, étrangère. Je ferai honneur à mon peuple et à mes ancêtres.
Sur ces mots, il abaissa son pantalon et son sexe turgescent surgit entre ses cuisses sculptées. En miroir, son comparse l’avait imité. Se masturbant de quelques coups de poignet pressés, profitant du fessier offert de Lélia, il la prit d’assaut sans s’attarder à des préliminaires superflus. Lélia se laissa faire sans protester, et ondula même lascivement du bassin sous les yeux médusés de sa cadette, qui pourtant avait déjà partagé son intimité.
Sans leur prêter attention et sans davantage de pudeur, le prétendant d’Eldria se prit lui aussi en main pour stimuler son érection grandissante. Son sexe allongé, nimbé de veines gorgées, se dressa bientôt résolument vers sa future conquête, avant de se figer dans l'expectative.
– Il veut que tu... te retournes, haleta Lélia, secouée par des assauts vigoureux. Les hommes en Adaï ne prennent les femmes qu'ils ne connaissent pas que par... derrière.
Eldria lança un regard anxieux au visage de celui qui affichait un intérêt si manifeste pour elle. Il la fixait de ses yeux céruléens, le visage impassible et froid, comme s’il attendait son dû. En croisant son regard, elle comprit qu’il ne souffrirait aucun refus. Elle repensa à ce que Lélia lui avait expliqué quelques minutes plus tôt, à propos des filles qui repoussaient les avances... À tout le moins, ce garçon n’était pas un vieux dégoûtant, mais un plutôt beau jeune homme...
À contrecœur, elle finit par se tourner lentement et, imitant son aînée, elle s’appuya contre le mur de terre cuite qui recueillerait ses lamentations silencieuses. Le garçon Adaïque souleva aussitôt sa jupe et elle ne put contenir un cri esseulé lorsque, alors qu’elle se mettait à peine en position, le membre impétueux de l’inconnu se pressa entre ses lèvres impuissantes, se frayant déjà un chemin dans son vagin étroit. Elle ne sut dire s’il s’agissait d’une bonne ou d’une très mauvaise nouvelle, mais son pénétrateur avait manifestement enduit sa verge d’un liquide inodore aux propriétés lubrifiantes, sans doute pour compenser le fait que la plupart de leurs prises, surprises au hasard d’une rencontre impromptue, n’avaient guère le temps de mouiller convenablement. Au moins, bien qu’elle se trouvât terriblement serrée, crispée de la tête aux pieds, Eldria ne subit aucune brûlure due aux frottements qui se jouaient au cœur de son intimité bafouée. Elle sentait ce phallus long et dur s’insinuer dans son appareil génital, comme l’avaient déjà fait, heureusement, quelques-uns de ses congénères avant lui, même si certains – deux en particulier – s’étaient révélés infiniment plus délicats.
Elle ferma les poings et les yeux, se mordit la lèvre et, mécaniquement, ne put s’empêcher de laisser échapper ses premiers soupirs contrits, tandis que le gland ardent, entre ses cuisses pourtant jointes, labourait la zone en partie responsable de sa stimulation. La tête enfouie entre ses bras, le corps tout entier bousculé d’avant en arrière, elle chercha du regard sa consœur, penchée dans la même posture. Lélia gémissait aussi, mais sans retenue, ne laissant guère de doute quant au fait qu’elle avait déjà maintes fois connu ce genre de rapport primaire, presque bestial.
Derrière les deux couples ainsi formés, en plein coït improvisé, la vie poursuivait son cours sans se soucier des plaintes mêlées qui résonnaient pourtant entre les bâtisses. Des passants et des passantes divaguaient dans la rue, sans prêter la moindre attention à la scène. D’autres, hommes comme femmes, adressaient un regard curieux, voire intéressé, à ce spectacle, comme s’il ne s’agissait que d’une sordide représentation de rue, avant de reprendre leurs occupations comme si de rien n’était. Jamais Eldria n'aurait imaginé s'afficher un jour dans une telle situation d’abandon. Non seulement des dizaines de personnes l’avaient vue nue, mais, en prime, elles étaient témoins de cette fornication publique dont elle était la seconde principale actrice, ainsi penchée en avant, la poitrine ballotante, le sexe largement dilaté.
Pour supporter ce moment dégradant pour son intégrité physique et mentale, elle tenta de se raccrocher à ses expériences passées plus heureuses. Elle revécut sa nuit avec Jarim, encore fraîche dans son esprit, et fit tout son possible pour se figurer que c’était lui qui la prenait dans cette position qui, en d’autres circonstances, aurait pu s’avérer émoustillante. Elle se dissocia davantage encore et, cette fois, ce fut sa soirée intime avec Dan qu’elle chercha à réinventer, comme elle aurait tant aimé pouvoir le faire avant le départ précipité du jeune homme...
Ce n'était clairement pas le plaisir de leurs partenaires que les deux Solanntoriens cherchaient à combler, mais uniquement le leur. Les deux jeunes femmes pouvaient bien se débrouiller pour parvenir à tirer des sensations plaisantes de cette jonction génitale fortuite, eux n’en avaient cure. Dans le silence le plus total, l’homme qui avait dénudé Lélia relâcha soudain sa prise sur ses hanches, puis se retira d'entre ses jambes qu'il s'était arrogées l'espace d'une expéditive copulation. Sans même se reprendre en main, son sexe luisant se contracta et projeta sa semence lactescente sur le bas du dos offert de la jeune femme, qui expira une ultime plainte en comprenant que c’était terminé. Elle n’avait même pas eu le temps d’atteindre le paroxysme de son plaisir.
À peine eut-il fini de s’épandre que, déjà, le piètre amant remontait son pantalon et s’éloignait sans un mot, son forfait accompli, abandonnant Lélia haletante et souillée, seule avec Eldria et son propre locataire intime, qui continuait son office, muet comme une tombe. La jeune Adaïque, sans prendre le temps de s'essuyer, vint se placer sous sa compagne en difficulté, à qui les coups de reins répétés commençaient à provoquer des douleurs aux bras et aux genoux, peu habituée qu’elle était à une position aussi éprouvante. L’étrangère en ces lieux gardait le visage crispé, tiraillée entre le maigre plaisir qui, parfois, remontait le long de son échine pour atteindre ses synapses, et le sentiment d’avilissement qui en découlait. Trop concentrée pour y prêter attention, elle n’entendait qu’à peine Lélia, qui tentait pourtant de l’encourager en lui caressant affectueusement la joue.
Le calvaire prit fin lorsque, à son tour, le second inconnu atteignit son apogée, sans manifester le moindre signe d’extase. Fort heureusement, comme son compagnon deux minutes plus tôt, il se retira à la dernière seconde pour mieux déverser sa giclée sur les fesses tressaillantes qui se présentaient à lui. Eldria sentit le sperme chaud ruisseler en vagues successives sur sa peau à vif, prostrée en avant, dans l’attente que ce moment d’humiliation prenne fin.
– Tu as été digne de ma semence, déclama-t-il de sa voix éraillée.
Puis, sans rien ajouter, il reboutonna son pantalon et tourna lui aussi les talons pour rejoindre son camarade qui l’attendait un peu plus loin. Les deux hommes reprirent leur route, après cette parenthèse manifestement tout à fait banale dans la cité.
Pantelante, ruisselante de sueur, les jambes d’Eldria se dérobèrent sous son propre poids et elle se laissa tomber en boule dans le sable. Elle ne pleurait pas, mais avait besoin de quelques instants pour encaisser ce trop-plein d’émotions. Lélia s’agenouilla près d’elle et la réconforta de paroles douces, tout en utilisant les lambeaux de son ancien vêtement tombé au sol pour essuyer le liquide visqueux dont elles avaient été aspergées.
Après un court moment d’absence, une pensée effroyable, lancinante, transperça Eldria : Salini subissait certainement, au quotidien depuis des mois, un supplice semblable à celui auquel elle venait elle-même d’être soumise. Pour son amie qui avait tant fait pour elle, elle n’avait pas le droit de s’appesantir sur un sort infiniment plus enviable. Rassemblant donc ses dernières forces, elle se redressa.
– Continuons, dit-elle d’une voix résolue, tandis que ses membres tremblaient encore.
– Tu es sûre ? On peut faire une pause, si tu as besoin de...
– Non, on y va.
Déterminée, elle réajusta son inutile petite jupe, se frotta les yeux, puis se remit en marche, tournée vers le palais qu’elle apercevait au loin, épaulée par Lélia.

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