26 · Le palais de nacre
À l'issue d'un nouveau périple citadin, Lélia et Eldria parvinrent enfin en vue du majestueux palais de Solanntor. C'était un gigantesque édifice de pierre blanche, aux lignes harmonieuses et arrondies, dont une tour de nacre dominait les environs. Enserré de hautes murailles richement décorées, le palais reposait au creux d'une île verdoyante, elle-même lovée au centre d'un petit lac urbain. En somme, une forteresse nouvelle nichée au cœur même de la cité-forteresse. Un pont solitaire menait à l'ostentatoire double porte de l'imposant bâtiment, que les deux clandestines allaient devoir franchir d'une manière ou d'une autre.
Depuis leur dernière interaction avec les deux inconnus qui les avaient arrêtées en pleine rue, Lélia déambulait nue de la tête aux pieds, comme nombre de ses congénères, sans y prêter la moindre considération. D'une foulée assurée, elle se dirigeait vers l'entrée de la large passerelle, gardée par non moins de six membres des Capes Ocres, impassibles. L’allure frêle face à ces miliciens suréquipés, la jeune femme se présenta à eux avec une désinvolture tranquille, suivie d'une Eldria fébrile qui, désormais, redoutait à chaque instant que d'autres malotrus, parfaitement dans leur bon droit, ne les contraignent à se livrer à quelque nouvelle perversion.
Les gardes les observèrent approcher et, sans un mot, l'un d'eux fit signe à ses camarades de s'écarter pour les laisser passer. Eldria songea qu’il était, en réalité, plutôt aisé de s'inviter dans le palais. De l'autre côté du pont, d'autres soldats les accueillirent et leur ouvrirent la grande porte, sans poser davantage de questions. Quand elles pénétrèrent à l’intérieur, un vif malaise empoigna Eldria : si elle avait fini par s'habituer à offrir ainsi son corps aux regards d’autrui sans que cela n'émeuve personne, un profond sentiment d'inconfort la submergea lorsqu'elles firent irruption dans une vaste salle lumineuse, ornée de hautes colonnes de marbre, le sol recouvert d'un interminable tapis orangé qui épousait les marches d'un magistral escalier en fer-à-cheval. Car, en plus des guerriers en armure fièrement postés de part et d'autre de l'impressionnante salle, elles croisèrent, pour la première fois depuis leur entrée en ville, des femmes et des hommes normalement vêtus, drapés dans d'élégantes robes de soie – certes transparentes par endroits – ou dans de légères toges. À l'évidence, la nudité absolue ne semblait plus être la norme en ce lieu huppé, et, contre-intuitivement, Eldria se sentit soudain plus vulnérable encore qu'à l'extérieur, face à ces regards étonnés qui se posaient sur les deux nouvelles venues, nues ou proches de l’être.
Lélia, pourtant, ne se laissa pas impressionner : d'une démarche tout aussi assurée, elle remonta le moelleux tapis jusqu'à parvenir à une nouvelle porte aux ornements dorés, trônant au sommet de l'escalier. Sur leur passage, les nobles de la capitale se retournaient et discutaient à voix basse, scrutant les deux intruses du coin de l'œil, comme si leur présence en ces lieux n'avait rien de réglementaire. Et, effectivement, Eldria voyait mal comment deux quidams comme elles, que rien ne distinguait vraiment de mendiantes égarées, pouvaient se voir admettre en ces intérieurs fastueux. Pourtant, nul ne les arrêta alors qu'elles se dirigeaient, au vu et au su de toutes et tous, vers les ailes plus prestigieuses encore de l'exotique château. Si le plan consistait, à l'origine, à faire profil bas pour récolter discrètement des informations susceptibles de les mener jusqu'à Salini... c'était raté.
– Heu... tu es sûre de ce que tu fais ? chuchota Eldria à l'oreille de Lélia, trottinant maladroitement derrière elle, les bras de nouveau ramenés contre son buste.
– N’aie crainte, répondit cette dernière, laconique.
Sûre d'elle, Eldria à sa suite, elle se présenta devant l'éclatante porte qui surplombait la salle. Les gardes encadrant l’accès échangèrent des regards incertains à travers les fentes de leurs casques, manifestement indécis quant à la conduite à tenir. Finalement, l’un d’eux se résolut à repousser le massif battant, dévoilant peu à peu une nouvelle pièce... devant laquelle Eldria eut le plus grand mal à croire ce que ses sens lui rapportaient.
Elle dut en effet cligner plusieurs fois des paupières pour s’assurer que ses yeux ne lui jouaient pas de tours : de l'autre côté de l'encadrement massif, par dizaines et à même le sol, un inimaginable amas de corps nus, féminins comme masculins, s’entremêlait en un monumental débordement de luxure. Des râles de plaisir brut se mêlaient aux vagissements décomplexés et aux claquements des chaires qui s'entrechoquent. Partout où se posait le regard, une nouvelle scène de débauche, plus audacieuse encore que la précédente, se donnait à voir : là, une femme à la longue chevelure rousse, les fesses en l'air tandis qu'elle était prise par derrière, s’appliquait à effleurer de la langue l’entrecuisse d’une autre jeune femme noire, à la poitrine généreuse et aux hanches opulentes, laquelle, à son tour, masturbait lentement – un entre chaque main – deux jeunes hommes occupés à malaxer les petits seins offerts de la rousse. Ici, un couple désinhibé faisait passionnément l’amour, enlacé sur des coussins de velours, s’embrassant à pleine bouche tandis que de multiples mains flâneuses glissaient sur leurs corps enlacés. Plus loin, un homme en sodomisait frénétiquement un autre, lequel embrassait à pleine bouche l’une des membres d’un trio féminin, chacune cuisses contre cuisses, occupées à se doigter mutuellement. Tout ce petit monde gémissait et jouissait sans retenue, et les échos de cette orgie échevelée résonnaient entre les hauts murs – pourtant garnis de monumentales tapisseries brodées –, témoins silencieux de ces dépravations.
La tête d’Eldria se mit à tourner tant ce déluge d’images, de sons et même d’odeurs la submergea. Jamais elle n’aurait imaginé assister un jour à un tel étalage de stupre, impliquant autant de participants, dans des situations et des postures aussi variées. Face à ce spectacle, elle oscilla entre une vive nausée... et une chaleur sourde, fugitive, qui prenait naissance quelque part en elle.
Pourtant, ce tableau inconvenant ne sembla pas émouvoir Lélia, qui poursuivit son avancée sereine. Au moins, songea Eldria, elles n’étaient plus les seules à exhiber leur nudité, et peut-être se fondaient-elles désormais un peu mieux dans cette masse compacte de convives. Tant qu’on ne lui demandait pas de prendre part à ces réjouissances décomplexées...
Les participantes et participants à cette orgie inattendue ne daignèrent même pas lever les yeux vers Lélia et Eldria. À peine entrées, celles-ci les dépassèrent, suivant avec prudence le mince chemin sinueux laissé libre au centre de la pièce, entre les corps emmêlés. Trop occupée à scruter nerveusement les environs, Eldria ne remarqua qu’au dernier moment ce qui les attendait au fond de ce vaste lieu. Elle pensait avoir tout vu... elle se trompait lourdement.
Sur un monumental trône aussi large qu’une diligence et au moins deux fois plus haut, siégeait un homme à la mesure de ce colossal fauteuil. Son torse était marbré de muscles saillants, se superposant en cascade entre ses épaules robustes. Ses bras, énormes, reposaient avec une fausse nonchalance sur les accoudoirs finement ouvragés de son assise. Son cou noueux, aussi épais que celui d’un buffle, soutenait une figure aux traits abrupts, à l’expression implacable, comme taillée à même la roche. Les rides creusant ce visage sévère se mêlaient aux cicatrices zébrant sa peau noire, lui conférant une aura sinistre, foncièrement menaçante.
Si le haut de ce corps colossal imposait déjà un respect instinctif, le bas n’en demeurait pas moins saisissant : intégralement nu, à l’image de sa singulière cour, l’homme étendait ses immenses jambes, largement écartées, entre lesquelles se pressaient cinq femmes, docilement inclinées à ses pieds, tout entières dévouées à la tâche de stimuler son sexe monstrueux, le plus imposant – et de très loin – qu’Eldria eût jamais vu. L’une d’elles s’échinait à engouffrer, entre ses mâchoires grandes ouvertes, le massif gland de son maître pour le stimuler du bout de la langue, tandis que les quatre autres, serrées autour d’elle, se relayaient pour lécher et caresser le reste de ce prodigieux membre, ainsi que ses énormes testicules, pareils à des ballots de cuir, lourds et gonflés.
L'homme à la stature si diligemment glorifiée ne semblait pourtant nullement concerné par l'alambiquée fellation qui lui était savamment prodiguée. Dos droit, tête haute, il fixait d’un œil sombre les deux visiteuses impromptues, dont il semblait le seul à avoir décelé la présence nouvelle. Et ce fut bel et bien vers lui que Lélia se dirigeait ostensiblement, se présentant, dans le plus simple appareil, au pied du trône dominant la salle en pleine effervescence.
– Na'Shruïn, fit-elle avec révérence, la main sur le cœur. Je sollicite une audience dans la langue des Iskaryn.
Le colosse la considéra longuement, ses pupilles obscures la scrutant de bas en haut. Eldria, pour sa part, dévisageait le fameux Shruïn avec perplexité. Elle en était certaine, c'était la première fois qu'elle se tenait face au monarque de ces terres, comme Lélia le leur avait expliqué la veille. Pourtant, un curieux trouble la gagnait de l'intérieur : elle avait l'inexplicable impression d'avoir déjà vu – sans savoir où, ni quand – cette intimidante force de la nature. Elle prit également conscience, en cet instant, qu'elle se présentait devant le puissant chef d'un des clans de l'Adaï, celui-là même qui avait supposément pris Salini pour épouse. Une vague d'adrénaline lui parcourut l'épiderme, et elle se mit à sonder la salle du regard : parmi les jeunes femmes à la chevelure blonde présentes, elle ne reconnut malheureusement pas sa compatriote.
Au terme d'une interminable attente qui n'eut pour effet que d'accroître son angoisse, l'homme consentit enfin à se mouvoir. Il inclina le buste, comme pour s'apprêter à parler. En même temps, il leva calmement le bras droit et pointa l'index et le majeur vers la voûte. Aussitôt, comme si ce geste sibyllin tenait lieu d'absolu décret en ces lieux, la salle tout entière, jusque-là livrée à d'incessantes coucheries débridées, se tut d'un coup, laissant place à un silence aussi glaçant que brutal. Disciplinés, ses sujets se tournèrent vers le Shruïn... et vers celles qui osaient lui réclamer audience. Seules les cinq femmes agenouillées à ses pieds, apparemment incapables de se consacrer à autre chose qu'au membre dressé qu'elles polissaient de leurs lèvres et de leurs doigts, poursuivirent leur labeur bucco-génital.
Enfin, le souverain prit la parole, et la tessiture profonde, rocailleuse, de sa voix résonna jusque dans les entrailles de chacune et chacun :
– Savinah-Yulinn’Lélia, déclama-t-il. Ma fille.
Eldria tressaillit, incertaine d'avoir bien saisi les mots qu’il venait de prononcer. Lélia, à ses côtés, répliqua sans hésiter :
– C'est bien moi, Père. Je suis de retour.
Cette fois, Eldria sentit ses jambes la trahir, manquant de s’effondrer. Elle se tourna vers Lélia, stupéfaite. Depuis toutes ces semaines... elle voyageait sans le savoir en compagnie de nulle autre qu'une princesse de l'Adaï, fille de l'un des hommes les plus puissants au monde... et geôlier de Salini ! Gagnée par un effroi viscéral, désemparée, elle dévisagea sa soi-disant amie dans l’espoir d’y lire l’embryon d’une explication, mais celle-ci continuait de fixer son père avec une déférence totale.
– Tu m'as une nouvelle fois gravement déçu, ma fille. Tu as déshonoré mon clan en te soustrayant à la mission qui t'avait été dévolue.
– J'en ai conscience, Père. Et ce choix ne regarde que moi. Les guerriers qui m'accompagnaient ne devront en aucun cas en souffrir, j'en assumerai seule toutes les conséquences, en temps voulu. Mais, Père, si je me présente à Toi aujourd'hui, c'est pour faire appel à Ta clémence.
Elle consentit enfin à se tourner vers Eldria.
– La Déesse m'a guidée jusqu'à cette jeune Sélénienne. Je l'ai vue dans mes songes depuis ma plus tendre enfance. Mon devoir, dans cette vie, est, et a toujours été, de la conduire sur sa voie lorsque je la rencontrerai.
Dépassée par les évènements, Eldria sentit le regard inquisiteur du souverain se poser, pour la première fois, sur sa peau à demi nue, tel celui d’un géant considérant un insecte qu’il pourrait écraser d’un revers de main. Soudain, un éclair de lucidité la traversa. Cet homme, si imposant... elle s'en souvenait, à présent. Comme Lélia venait de l’énoncer, elle l'avait déjà aperçu dans un songe. Ou plutôt dans une étrange vision, plus nette, plus tangible, qu’un simple rêve.
Six semaines plus tôt, sans le connaître, elle avait assisté, de manière éthérée, à une scène troublante au cours de laquelle cette montagne de muscles imposait un rapport sexuel à une jeune femme inconnue, qui lui avait d'abord évoqué Salini, sans que ce fût pourtant, avec certitude, son amie d'enfance. À l'époque, bien que profondément troublée par cette hallucination anormale, elle avait conclu à une simple manifestation de son esprit surmené. Pourtant, en cet instant, ses anciennes interrogations revenaient, plus acérées que jamais : comment avait-elle pu inventer de toutes pièces cet invraisemblable rêve, si son protagoniste principal – si difficile à imaginer tant sa carrure défiait l’ordinaire – existait bel et bien, en chair et en os, dans le monde réel ? Et si lui était bien réel, qui était cette mystérieuse femme ? Et surtout... pourquoi Eldria avait-elle eu cette vision ?
Tandis qu'elle ruminait et que le Shruïn l’observait froidement, le sexe gonflé de ce dernier se contracta. Aussitôt, la femme qui le tenait tant bien que mal en bouche se retira et saisit un délicat bocal en verre, dont elle se servit pour recueillir l’abondante semence qui jaillit du pénis marbré de son maître. Celui-ci ne laissa pas transparaître la moindre émotion, tandis que ses esclaves dévouées continuaient de le masturber à plusieurs mains, jusqu’à ce que la dernière goutte de ce sperme épais soit captée, comme s’il s’était agi d’un nectar divin. Puis, l’improbable récolte achevée, les cinq servantes intervertirent leurs places et, sans attendre, reprirent la même chorégraphie stimulatrice, permutant seulement les rôles. Personne, pas même sa fille, ne fit état de cet évènement apparemment commun, alors que le chef de clan enchaînait, d’une voix tranchante :
– Qu'ai-je à faire des aspirations d'une vulgaire Sélénienne, qui ose se présenter à moi affublée de cette ridicule fripe ?
Sur ces mots, deux gardes jusque-là postés près du trône fondirent sur Eldria et, tandis que l’un la maintenait par les épaules pour l’empêcher de bouger, l’autre trancha d’un coup de dague précis la courte jupette, ultime garante de son intimité, la plaçant de fait au même niveau que le reste des sujets présents.
– Les projets de la Déesse sont nébuleux, argumenta Lélia, sans bouger d’un pouce. Même pour le plus puissant des Rois. C’est pourquoi je suis ici. Cette Sélénienne a traversé terres et mers pour retrouver son amie, celle-là même que Tu m’as chargée, il y a de cela plusieurs lunes, de ramener entre les murs de ce palais.
Elle finit par regarder Eldria droit dans les yeux, lui adressant un sourire tendre.
– Par Ta grâce, libère Ta nouvelle épouse, et accorde-leur, à elle et à mon invitée ici présente, un droit de passage jusqu’à leur peuple. Je le jure sur mon honneur et celui de notre grande famille : c’est là le projet de la Déesse.
Elle posa un genou à terre.
– En contrepartie, je m’engage, Père, à Te vouer obéissance jusqu’à la fin de mes jours. Comme mes sœurs, j’épouserai. J’enfanterai. Je Te servirai et, par l’acier et le sable, jamais plus je ne Te décevrai.
Un murmure consterné parcourut l’éclectique assemblée, comme si chacun savait déjà que la princesse Savinah-Yulinn’Lélia n'était guère réputée pour son respect de l'ordre établi, et que cette déclaration avait tout d’un évènement inespéré.
Voilà donc quel était son plan. Voilà ce que Lélia avait tramé depuis le jour de leur première rencontre, lorsqu’elle avait promis à Eldria de l’aider à retrouver Salini. Elle avait tout planifié en secret, consciente que chaque pas vers Solanntor la rapprochait en réalité d’une existence qu’elle fuyait de toutes ses forces depuis tant d’années. Et pourtant, après avoir enfin goûté à cette indépendance dont elle rêvait, elle avait choisi, pour Eldria, de revenir sur ses terres natales, dans cette capitale, en ce palais, devant son propre père... pour sacrifier ses propres aspirations de liberté en échange de celle, dérisoire aux yeux du monde, de deux pauvres Séléniennes, dont l’une lui était encore étrangère.
L’air s’était soudain chargé d’une tension presque palpable dans cette vaste salle du trône, muée en tribunal. Des chuchotements exaltés bruissaient çà et là, pareils aux commentaires d’un public assistant à une captivante scène de théâtre, née pourtant de l’improvisation la plus totale.
Subitement, le Shruïn décida de mettre fin à ces messes basses d’un nouveau geste impérieux de la main. Le silence retomba aussitôt, chacun retenant son souffle dans l’attente de la sentence du souverain déifié. Pour la première fois depuis le début de l’échange, il mobilisa toute sa masse pour se lever. Ses servantes génésiques interrompirent aussitôt leurs gestes, et s’alignèrent sagement sur le côté, à genoux, les yeux baissés. La carrure du chef de clan était si prodigieuse qu’il sembla presque que la terre elle-même tremblait lorsqu’il se dressa, projetant autour de lui une ombre menaçante. Lentement, d’une démarche lourde, il s’avança vers sa fille, sans que leurs nudités réciproques ne paraissent les gêner le moins du monde.
– Je me souviens de ta mère, dit-il posément, la dominant de toute son incroyable hauteur. Fière, éprise de liberté, indomptable... C’était ce qui me plaisait chez elle. Elle ne m’a donné qu’une fille, mais sa perte fut une véritable tragédie. Aujourd’hui, c’est elle que je vois en toi. Dans cette bonté d’âme qui vous caractérise toutes deux.
Eldria fixait la jeune princesse adaïque, qu’elle croyait connaître, toujours agenouillée, la tête basse. Elle fut la seule à remarquer qu’une larme solitaire s’était échappée d’entre ses paupières closes.
– Cependant, je la connaissais trop bien pour ignorer que son sang insoumis coule dans tes veines, et que, comme elle, tu ne tiendras en rien parole.
Lélia leva les yeux vers son géniteur.
– Père... implora-t-elle.
Mais il n’écoutait déjà plus. Il se pencha en avant et, d’un ample mouvement du bras, lui asséna un coup phénoménal du plat de la main, qui la projeta violemment sur le côté.
– Non ! s'écria Eldria, bondissant pour la rattraper avant qu’elle ne heurte le sol de plein fouet.
– Tu me serviras comme je l'aurai décidé, cracha le despotique souverain, sans prêter la moindre attention aux protestations dérisoires de l’insignifiante gamine dont son impertinente fille s’était entichée.
Tranquillement, il pivota et regagna son trône. Aussitôt, ses cinq servantes reprirent position entre ses jambes. Puis, dans sa langue, il énonça des ordres qui, si Eldria avait pu les comprendre, auraient pu se traduire ainsi :
– Enfermez la princesse dans ses quartiers. Nous allons lui faire passer le goût de la rébellion. En représailles à son insubordination, emmenez la catin qui l’accompagne, et préparez-la pour le Rituel de la Dune de Pierre. Cela faisait longtemps...

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