Rêverie
Longtemps j’ai parlé pour ne pas avoir à écrire. Désormais j’écris pour ne pas avoir à parler. L’écriture, cette cape de safran que j’étends sur ma nuit intérieure. Le parler, ce manteau de velours que je porte l’été sur mon dos plein de sueur. Mais que puis-je écrire ? Mes yeux s’envolent par-delà la feuille où je fige cette question. Ils ne me donnent à voir que des murs ne m’inspirant rien que ma condition de prisonnier, des tabourets dont je doute que les pieds puissent longtemps supporter mon poids, que des strapontins, faute d’invités, ne se trouvant jamais dépliés... Tout dans ce qui m’environne me semble hostile. Rien ne me donne le luxe d’écrire quoi que ce soit. Rien, sinon ce que me propose mon imagination, cette fenêtre par laquelle je m’évade. Je peux donc écrire. Mais qu’ai-je à dire ? Ou plutôt, qu’aimerais-je dire ? J’aimerais ressusciter du royaume des morts des sensations chères de mon passé. Je ferme alors les yeux. Le gros rideau de la réalité, en réponse aux paupières tombées, s'abat sur le théâtre de mon for intérieur. Ainsi, derrière le velours de réalité et sous les projecteurs éteints, mon imagination s’élance sur le parquet des coulisses et danse, danse à m’en donner le tournis ! La poussière que ses pieds valsant soulèvent, engourdit peu à peu mes sens, jusqu’à m’endormir debout...
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