Chapitre 1

6 minutes de lecture

La chaleur de l’été est écrasante comparée aux années précédentes. Certains appellent ça la canicule, moi, je préfère dire “le temps idéal pour une randonnée”.

On pourrait croire que passer une demi-journée à prendre trois trains différents pour aller au sud de la France suffirait à me vider de toute énergie. Pourtant, curieusement, cela avait eu l’effet inverse : à peine arrivé dans mon petit village favori, j’ai abandonné ma valise dans le Airbnb pour faire un tour dans les champs et la forêt environnante.

Marchant sans but précis, je longe la route qui quitte le village et contourne une écurie. Les chevaux qui paissent dans le pré jauni relèvent la tête et, lorsqu’ils m’apercoivent, s’approchent de moi dans l’espoir d’avoir à manger. Avec un sourire attendri, je m’arrête pour arracher un peu d’herbe de mon côté de la clôture et leur donner à manger.

— Alors mon grand, on se fait dorer la pilule ?

L’animal répond par un hennissement alors que je lui flatte l’encolure. Les chevaux avaient toujours eu ce don de me faire rire et de m’inspirer une certaine sérénité. J’essaye de chasser les mouches qui s'agglutinent autour de ses yeux, sans grand succès, avant de reprendre ma route.

J’ai beau aimer le soleil, ce n’est pas sans un certain soulagement que je bifurque à l’ombre de la forêt. J’ai l’impression de griller et je n’aurais pas été surpris de découvrir un coup de soleil sur ma nuque en rentrant. Fichue peau de vampire. Les sentiers sinueux sont encadrés de la même végétation sèche et jaune, la nature aride réclamant désespérément quelques gouttes d’eau.

Mais après plusieurs minutes de marche, j’arrive au cœur de la forêt, là où l’herbe se fait plus dense et plus verte, à l’abri sous la cime des arbres. L’ombre me fait du bien. Mes yeux clairs n’ont jamais aimé la forte lumière. Au loin, un doux clapotis chante entre les troncs.

Je débouche face à un magnifique pont de pierre, légèrement arqué, qui enjambe la rivière. A en croire le panneau destiné aux randonneurs, il date du Moyen-Âge. Un couple de touristes s’est arrêté en plein milieu pour admirer le paysage. Fort heureusement pour moi, je ne compte pas emprunter le pont.

Je descends par un petit sentier escarpé, presque invisible sous les hautes herbes, jusqu’à arriver sur les rives de la rivière. L’eau est claire, translucide. Elle rafraîchit agréablement l’air. En prenant de longues inspirations, je sens mes muscles se détendre. La nature est la meilleure des thérapies.

En évitant de glisser sur les galets mouillés, je repère un rocher assez plat et à l’ombre où m’installer.

Je pose mon sac à dos d’où je sors une grande serviette, un livre, une canette de soda. Mon portable, qui n’affiche de toute façon aucune notification, reste à l’intérieur. Je m’apprête à m’asseoir, prêt à savourer le chant de la rivière, lorsqu’un scintillement attire mon regard.

En m’approchant, je découvre une pierre étrange ; noire aux reflets violets, elle brille comme si on y avait renversé un sachet de paillettes. Je ne suis pas géologue, mais cela ne ressemble à rien de connu.

En parcourant les hautes herbes du regard, je découvre d’autres pierres semblables, de tailles différentes. Le plus curieux, c’est que leur disposition semble former un chemin qui s’enfonce dans les fourrés.

Mon regard oscille entre ma serviette confortable qui se réchauffe au bord de l’eau, et ce chemin de pierres étranges. Finalement, je hausse les épaules.

Au diable la détente. Un peu d’aventure !

Jurant comme un bûcheron après avoir passé la jambe à travers un buisson d’orties, je débarque à cloche-pied dans ce qui semble être la fin du chemin de pierres. Il n’y a là qu’un léger renfoncement dans la mousse, au centre duquel se trouve un autre rocher un peu plus gros que ses semblables. Le creux est assez large et profond, suffisamment pour que je puisse m’y allonger si je le souhaite. J’en fais le tour à la recherche d’autres choses intéressantes. Mais il n’y a rien d’autre.

Un peu déçu, je continue à tourner autour. On dirait un point d’impact. C’est peut-être une météorite ?

Alors que j’en arrive à cette conclusion, mon pied glisse sur le bord du cratère, et je me sens basculer.

Je ferme aussitôt les yeux, prêt à l’impact et à la douleur qui s’ensuivra. Je retiens mon souffle par réflexe alors que mon corps semble tomber au ralenti.

Et si je tombais sur la pierre ? Était-ce donc ça, la fin de Simon ? Un type banal, mort comme un idiot sur un caillou ? J’aurais aimé avoir plus de choses heureuses à me remémorer…

Mais l’impact ne vient pas. Je continue à tomber lentement, alors qu’une brise agréable ébouriffe mes cheveux. Un contact moelleux au bas de mon dos fait se tendre tout mon corps. Pourtant, je continue à tomber lentement, avant de me retrouver allongé sur le sol comme si une main géante m’avait délicatement déposé. Quelque chose chatouilla mes joues.

Je rouvre les yeux. Loin au-dessus de ma tête, les branches d’un chêne solitaire se balancent au rythme du vent, cachant l’azur du ciel. Mais quelque chose a changé. La couleur du ciel paraît différente. L’air est plus frais, chargé d’une odeur de terre humide. Je comprends que ce qui me chatouille les oreilles sont des brins d’herbes. J’en arrache un que j’approche de mes yeux en le faisant tourner entre mes doigts. Comme si un brin d’herbe allait m’expliquer ce qui venait de se passer…

Attendez, un chêne solitaire ?

Je me redresse aussitôt. Il n’y a plus de rivière, plus de forêt, seulement ce chêne planté au beau milieu d’une prairie verdoyante. La température est plus douce, mais ce n’est pas elle qui me fait frissonner.

Où suis-je ?

Je me relève en regardant tout autour de moi. Le terrain est bien plus plat, et il n’y a pas la moindre trace d’activité humaine. La plaine est entourée d’une forêt haute d’un vert éclatant. La seule chose qui se détache de ce décor est un rocher, planté à quelques centaines de mètres. Sa surface, noire et lisse, reflète la lumière du soleil.

Je ne prends que quelques secondes pour réfléchir. Il n’y a rien d’autre autour. Et si le rocher du cratère m’a téléporté — j’ai encore du mal à croire que c’était ce qui s’est vraiment passé — peut-être que celui-ci me renverra d’où je viens ?

Les yeux fixés sur cet immense rocher, je m’approche en refusant de regarder ailleurs, encore désorienté. Me forcer à avoir des œillères, c’est ma façon de ne pas paniquer.

Arrivé à quelques mètres, je réalise que ce n’est pas qu’un simple rocher, mais un véritable monolithe. Sa surface inégale et rugueuse renvoie une lumière chatoyante, presque hypnotisante. Un léger bourdonnement s’échappe de la roche, qui vibre imperceptiblement.

Sans m’en rendre compte, je pose la main sur le monolithe.

Aussitôt, une lumière éclatante entoure ma main en m’aveuglant. Je sursaute en fermant les yeux, alors qu’une douce chaleur se propage sur ma peau. Alors que la lueur semble faiblir, j’entrouvre mes paupières pour observer ce qui se passe.

La lumière se condense peu à peu et semble se solidifier, alors qu’une douleur vive mais brève me pince, puis elle disparaît. Sur le dos de ma main se trouve désormais un étrange cristal en losange, d’un blanc nacré.

Je l’observe durant quelques secondes, ébahi et incrédule, la bouche entrouverte. Une douleur vive s’empare soudain de ma main, remonte le long de mon bras, envahit tout mon corps. J’ai l’impression d’exploser, jamais je n’avais ressenti une telle douleur. Je pousse un hurlement, mes jambes se dérobent sous mon poids, et tout devient noir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Stanor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0