19 mars 2024
Besoin de m’exprimer, encore.
Il faudra que tu me dises si tu trouves que je parle beaucoup trop de moi et de mon petit nombril.
Je te l’ai dit, j’ai été bouleversée de me reconnaitre dans la description d’un trouble de l’attachement, de mettre des mots dessus, comme sur une maladie incurable. Croire que mes émotions, mes élans et mon comportement font partie de ma personnalité et découvrir que ce sont juste des "symptômes" est un peu dur à avaler. Comprendre aussi pourquoi j’ai tant souffert avec le père de mes enfants, et plus tard avec Jacques (mon « vieil ami » avec qui j’entretiens toujours une relation épistolaire), deux hommes pour qui mes élans amoureux et mon besoin d’intimité n’avaient d’égal que leur peur de se connecter à leurs propres émotions et besoins, de se rendre vulnérables, d’être envahis par le partage d’une intimité avec moi. Et comprendre enfin pourquoi, avec Xavier, ça a été si évidant au début - deux anxieux qui se rencontrent et se rassurent continuellement – et finalement si peu efficace à nous faire grandir.
Aujourd’hui, avec toi, ce dont j’ai vraiment peur, c’est de gâcher notre relation, que tu finisses par ne plus me supporter, voir par me détester. Je n’ai pas envie que tu découvres mes « symptômes » et qu’ils te fassent fuir, alors j’ai peur de ne pas être capable de les cacher, de les juguler.
Quand je suis submergée par un doute ou une peur, soit je l’exprime et je te demande de me rassurer, soit je souffre en silence comme ce week-end.
Pour moi, exprimer et/ou te demander de me rassurer, c’est un échec, signe de mon incapacité à trouver la sécurité en moi, à me débrouiller toute seule.
Et puis, pour toi, devoir constamment me rassurer pourrait sortir du domaine de l’acceptable, devenir fatiguant et frustrant, te renvoyer à ta peur de ne jamais en faire assez et revenir à te faire porter ce qui ne t’appartient pas.
En l’écrivant, je me dis qu’accepter ou refuser de porter, ça t’appartient, on se l’est déjà dit.
Je n’arrive pas à savoir si je projette sur toi ce qui n’est pas toi, si j’ai interprété des choses que tu m’as dite ou si j’ai perçu des signaux faibles, inconsciemment. Je n’arrive pas à te cerner, à savoir ce que tu es prêt à offrir et ce qui dépasse les bornes. Mais j’ai le sentiment qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour que tu te sentes étouffé par mes sentiments, mon besoin d’intimité, mon besoin de lien, mon besoin d’être rassurée.
Et là, comme un jeu - la vie n’est-elle pas juste un jeu ? - je me dis que je devrais être la pire version de moi-même pendant quelques jours pour voir au bout de combien de temps tu vas péter un câble et m’envoyer chier. Mais j’en serais incapable : je repense à quelques maladresses de ma part ainsi qu’à la tristesse et au sentiment d’injustice que j’ai provoqué chez toi, et je serais incapable de le faire volontairement, je ne veux pas te faire de mal.
Mais au fond, c’est quoi ces symptômes que je n’ai pas envie que tu vois ? Peur de ton désintérêt, peur d’un manque de disponibilité, peur d’un manque d’intimité, manque de confiance sur la solidité du lien…
Non, pour moi, « 24 ou 48h pour répondre à un message », ce n’est pas du domaine de l’acceptable.
Je me souviens comme si c'était hier de cette époque où j'ai découvert la théorie de l'attachement.
Je venais de livre un livre à ce sujet, et de découvrir que j'avais un "attachement anxieux". Le livre détaillait chaque symptome et je me reconnaissais dans chacun d'eux. Au lieu d'y voir une merveilleuse perspective d'évolution, j'y voyais un carcan. Au lieu de réaliser c'était un autre terme, moins péjoratif, pour parler de "dépendance effective", j'y voyais juste un trouble de plus.
Un soir, je lui ai parlé de ma découverte, en larmes, et il m'a patiemment écouté me morfondre sur mon sort, mes larmes coulant dans ma bière.
Ce soir-là, je lui ai dit "Toi tu ne rentres dans aucune case", et il m'a répondu, "Tant mieux, je n'aime pas les cases". Je ne le connaissais pas encore assez pour que son attachement évitant me saute aux yeux. Pourtant, on se connaissait intimement depuis 6 mois.
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