31 octobre 2024 - Sécurité

3 minutes de lecture

Clément,

Je vais essayer d’exprimer ce que je ressens, sans violence, en mode constructif, en prenant en compte qu’on est « dans la même équipe », ayant un intérêt commun à construire une relation qui fonctionne bien.

J’ai entendu ce que tu m'as dit l'autre jour, que la relation n’a "pas besoin d’être parfaite" et que je n’ai pas à être parfaite. Mais je crois que je n’arrive pas à avancer quand quelque chose ne fonctionne pas bien, et le fait que toi tu y parviennes me déconcerte. Je ne sais pas si je dois l’interpréter comme de l’acceptation, de la légèreté, de la négligence ou du déni. Mais j’ai l’impression d’être toute seule avec l’objectif de « construire une relation qui fonctionne bien », parce que je suis la seule à aborder les sujets, à les relancer, à les faire avancer, et ça me rend inconfortable, parce que j’ai l’impression d’être "chiante", "prise de tête". C’est tellement cliché et genré. Ca me dérange.

Pour moi, ce qui ne fonctionne pas bien, et ce qui me perturbe, c’est l’authenticité entre nous. Toi, tu as évoqué « la perte de ta liberté d’expression » notamment concernant ta relation avec Julie, et puis « un truc en lien avec la légitimité ». Et moi, je n’arrive pas à exprimer lorsque quelque chose me déplait, me blesse ou me vexe. Il n’y a que quand l’émotion est trop forte que je l’exprime, parce qu'elle déborde. Mais alors, j'exprime maladroitement. Je ne peux pas continuer comme ça, ça ne me ressemble pas de ne pas être authentique, j’ai l’impression de faire semblant, de jouer un rôle. J’ai exprimé ça plusieurs fois et nous en avons parlé, sans réussir à comprendre ce qui se joue, sans trouver de solution. Je n’ai jamais été à ce point inhibée avec quelqu’un, alors je sais que ça vient de quelque chose dans ton attitude qui me bloque, mais je ne sais pas quoi.

Quelques pistes. Peut-être que ça a à voir avec :

  • cette idée de te « protéger » en n’évoquant pas ce qui pourrait te perturber,
  • mon impression de ne pas être légitime, que mes émotions ne sont pas justifiées,
  • ma peur de l’abandon, si je dépasse les limites que je perçois ou intuites.

Il y a autre chose dont je voulais te parler. Je vis mal les longs silences des week-ends où tu n’es pas là. Ce n’est pas tant le silence en lui-même, mais le fait que tu ne donnes pas de nouvelles et que, si je ne prends pas contact, cela ne te surprenne pas ni ne suscite l’envie de rester en lien. Dans ces moments-là, je ressens le lien comme rompu, et ça m’angoisse. Je sais que c’est irrationnel, et je sais aussi que le lien n’est pas réellement rompu quand nous nous retrouvons, mais ce malaise persiste.

Je sens que cela vient d’un besoin de sécurité non comblé dans la relation. Mais je ne veux pas imposer de règles ni te demander de m’appeler tous les jours. Je respecte tes besoins, tout comme je veux respecter les miens, mais je me retrouve coincée : je n’ose pas appeler quand j’en ai envie, pour ne pas te déranger, et parfois je ressens cette angoisse de perdre le lien sans raison claire.

Il n’y a pas de solution, je reste seule avec mes angoisses et la honte de me trouver ridicule.

C'est fou  : j’avais parfaitement conscience que la difficulté venait de mes propres schémas, de mes blessures anciennes. Je savais d’où ça venait, je voyais clairement les mécanismes à l’œuvre. Et pourtant, malgré cette lucidité, j’étais incapable de mobiliser en moi les ressources nécessaires pour changer.

Je savais aussi tout ce que je ne pouvais pas lui demander. Je comprenais que ce n’était pas à lui de réparer ce qui manquait en moi, ni de m'offrir la sécurité émotionelle sur un plateau. Je savais que cette sécurité devait venir de moi, que c’était mon chemin, ma responsabilité intérieure. Mais même avec cette clarté-là, je n’y arrivais pas. Je restais bloquée entre la conscience du problème et l’impossibilité de transformer quoi que ce soit.

Et puis il y avait cette question lancinante, contradictoire avec mes remises en questions : est-ce que ce n'était pas à lui de changer ? Sa distance, son attachement fuyant, me tirait vers le bas. N'était-ce pas à lui de se réparer, de cesser d'avoir peur de se perdre et d'accepter de me rassurer ?


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