3 mars 2025
La veille au soir, je lui ai envoyé un SMS plein d'angoisse. Il disait, en somme "Et si on y arrive pas ?". Il n'a pas répondu. Le matin, j'ai pété un câble, je lui ai envoyé un "J'en peux plus de cette relation", parce que le fait qu'il ne me réponde pas avait fait monter mon angoisse puissance 10.
Clément,
Je me suis laissée submergée par mes émotions, mon « j’en peux plus » était violent , je te présente mes excuses.
Merci de m'avoir appelée, merci de m'avoir rassurée.
Je me suis calmée. Je veux poser les choses à l’écrit.
C’est une de nos grandes différences : je communique mieux à l’écrit, tu communiques mieux à l’oral. Je sens que cette différence est difficile à surmonter. Je ne vais pas changer et tu ne changeras pas non plus. On n’arrive pas à avancer avec ces deux modes de communication. J’aimais bien le fonctionnement en deux temps, j’écris et on en parle. Mais bien que ce soit ce que tu me proposes aujourd’hui, j’ai perdu espoir qu’on y arrive.
Mon SMS était brutal, toi tu veux de la douceur. C’est un de mes défauts de communiquer dans l’urgence, dans l’orage d’émotions mais de ne pas y parvenir quand les émotions sont encore contenues. Je n’arrive pas à changer ce mode de communication orageux avec retour au calme pour en discuter. Comme je ne veux pas te blesser, la plupart du temps je gère seule, je ne dis rien, j’écris ou dessine mes émotions, ça me calme, je me dis qu’il faut que j’en parle plus tard, et puis je ne trouve pas l’espace, alors je laisse tomber jusqu’au prochain orage. Ce mode de fonctionnement ne convient pas à ton besoin de douceur. Tu n’as pas à supporter mes orages. « Personne n'aimerait se retrouver, au cœur d'une tempête, avouez. » (J’aime vraiment bien cette chanson.)
Pour réussir à communiquer à l’oral et de façon douce, il me faudrait beaucoup de temps et de confiance en ton intérêt pour mes émotions. J’ai besoin de temps pour : exprimer, me sentir écoutée et comprise, accueillir le ressenti, faire une pause pour réfléchir à ce que je comprends du ressenti, recommencer à parler, et ainsi de suite, sans l’urgence du temps qui passe. Et non seulement, ce temps, on ne l’a pas, mais en plus je ne me sens même pas légitime pour te demander de le prendre pour moi.
Cette question de légitimité me revoit à mes croyances, ces petites voix que je n’arrive pas à faire taire. « Tu ne mérites pas d’être aimée. », « Pourquoi il perdrait son temps avec toi ? », « Tu en demandes trop. », « Il a d’autres soucis que tes petits problèmes. », « T’es trop chiante, trop compliquée, il va te laisser tomber. », « C’est Julie qui occupe ses pensées, il n’y a plus assez de place pour toi.». Ces voix me sabotent et sabotent notre relation, j’en suis désolée. Je sais qu’elles sont fausses mais je n’arrive pas à les faire taire. Et tu n’y peux rien parce que tu n’a pas à porter la responsabilité de mon estime de moi.
Il s’agit d’estime de moi aussi dans mes blocages liées à la sexualité et à ma féminité. Il n’y a pas de dissonance pour moi à faire le lien entre la dimension féministe de ma démarche d’effeuillage burlesque et ces blocages. Ma dissonance EST le lien. J’essaye de clarifier : Je milite pour une acceptation de tous les corps et pour une désexualisation du corps des femmes. Je veux être aimée pour ce que je suis intérieurement (tout en croyant ne pas le mériter, paye ton paradoxe) et non en tant qu’objet sexuel ou pour ma sexualité décomplexée. Et en même temps, ne pas être désirée sexuellement par un homme que j’aime et qui m’aime pour ce que je suis intérieurement, me mets dans un état de tristesse et d’inhibition qui me rend malheureuse. Cette dissonance non plus, tu n’y peux rien. On essaye tous les deux de sortir du conditionnement patriarcal, je ne sais pas si tu y arrives, mais moi je n’y arrive pas. Tu sais que je n’ai pas voulu faire évoluer notre relation par le sexe en me glissant dans ton lit et que j’ai eu un sentiment de liberté face à ta non-attente en matière de sexualité. Mais finalement, je n’ai pas su quoi faire de cette liberté, je ne me suis pas redéfinie en tant que femme. Et en restant en construction, en n’étant pas le cliché de la femme patrixée qui répond aux attentes basiques d’hommes patrixés, je n’ai pas suscité ton désir. Si on avait réussi à en parler, on aurait peut-être pu en faire quelque chose de constructif, j’aurais pu comprendre que ta non-attirance sexuelle n’était pas un rejet de ma personne, que tu ne te forçais pas à coucher avec moi, que l’on pouvait composer avec une limite floue entre tendresse et sexe (qui d’ailleurs n’est pas une ligne mais un espace de sensualité riche de joie et de bien-être apporté et partagé). Mais on n’en a pas parlé et je comprends ce qui s’est joué avec un an de retard. Et en plus, ce n’est qu’un paramètre de l’équation.
Il y a un autre truc que je viens de réaliser (ça va sembler décousu, je n’arrive pas à faire le lien avec le reste), mais quand je me sens aimée de toi, quand on a une discussion profonde sur notre relation ou juste qu’on se partage des émotions intimes, je ressens du désir pour toi. C’est fugace, je l’occulte. C’est un mélange d’envie de tendresse, d’excitation physique, de reconnaissance profonde, de vulnérabilité transformée en désir. Je ne peux pas contrôler ça, c’est indépendant de l’étiquette sur notre relation. Une connexion entre mon cerveau et mon bas-ventre se fait sans mon consentement. Ce n’est pas une attirance physique, c’est une attirance intellectuelle et émotionnelle qui se transforme en désir physique. Et pour tout t’avouer, j’ai rarement ressenti ça, et jamais avec un homme, mais seulement avec Aude. Je comprends que tu ne ressentes pas ça pour moi et j’ai peut-être un problème d’énergie vitale trop débordante. Mais je n’arrive pas à le gérer et je pourrais baiser ailleurs que ça ne changerait rien. Et ça, tu n’y peux rien non plus, tu ne peux pas te forcer à avoir du désir pour moi. Mais moi ça me fait peur parce que je me dis que la seule façon de me prémunir de ça est d’éviter d’avoir une connexion émotionnelle avec toi, donc d’avoir une relation superficielle, et je n’ai pas envie de ça.
Je m'en veux de t'avoir envoyé un SMS hier soir, je comprends que tu n'aies pas su quoi répondre.
Ce message angoissé de mes « et si » , sur le moment, je le voyais juste comme un partage de mon état du moment, sans attente. Quand l’angoisse s’est empirée par l’absence de réponse, j’ai réalisé que ce n’était pas juste un partage, mais une attente d’être rassurée par un « mais non, t’inquiète pas, on va y arriver ». Sauf que toi, tu ne le reçois pas comme un besoin d’être rassurée puisque la demande n’est pas exprimée. Tu te dis «j’ai pris le temps de répondre mais mon mail a empiré les choses» ou à minima «n’a servi à rien» (et ça resonne avec ton « je fais souffrir » ou « j’en fais jamais assez »). C’est normal que tu ne puisses pas me rassurer si je ne le demande pas et si mon angoisse a pour effet de te faire te sentir «pas à la hauteur». Mais je n’assume pas ce besoin d’être rassurée, un peu à juste titre, et un peu à cause de mes «ne pas avoir d’impact», «ne pas peser», «être complétement indépendante sinon je fais fuir»). Donc je n’arrive pas à finir mon message par «Rassures-moi : on va y arriver ?». Et puis en réalité, ce n’est pas la faisabilité que j’interroge, mais ton envie réelle, puisque j’ai l’impression de ne pas la mériter.
En résumé, il y a des attentes inconscientes derrière mes questions/propos et c’est ta réaction ou ta non-réaction qui fait remonter à la conscience.
Mais je ne veux pas tout prendre à ma charge : il y a chez toi une réaction rapide qui est de déduire de mes propos un signe d’insuffisance de ta part au lieu de demander des précisions. Bref, tort partagé. Mais c’est toi qui a raison, le problème c’est l’écrit. Et comme je n’assume pas ce besoin d’être rassurée, je n’arrive pas à t’appeler pour ça.
Merci de supporter mon intensité, ma complexité.
Mon anxiété était en croissance exponentielle.
J'essayais de lui expliquer, mais je n'ai jamais trouvé les bons mots.
J'ai réveillé sa peur de ne pas être à la hauteur.
J'ai renforcé mon image de dépendante affective.
C'était le début de la fin.
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