22 septembre 2025

7 minutes de lecture

Clément,

Je suis anxieuse.

Sous l’étiquette péjorative de «dépendance affective», se cache un fonctionnement complexe, au même titre que l’attachement évitant. Aujourd’hui, je pense être capable d’expliquer clairement ce fonctionnement, et je voulais le partager. J’espère qu’en le faisant je pourrai commencer à lâcher prise sur cette anxiété.

Depuis mon enfance, j’ai vécu dans un état de peur que mes proches disparaissent du jour au lendemain. Je me cachais derrière une image d’enfant sage, responsable et plus mature que mon âge. A mes yeux, c’était la seule façon d’éviter d’être un fardeau pour les adultes qui m’entouraient. Cela m’a amené à croire que tout amour que je recevais était conditionnel, que si je n’étais « pas assez bien », les gens partiraient. C’est la racine de mon anxiété. Pendant des années, j’ai appris à subvenir à mes besoins émotionnels tout seule. J’ai mis un masque de courage, et en retour, on m’a trouvée forte. Mais j’enfouissais juste ma tristesse et ma peur.

Quand je t’ai rencontré, tout a changé. Tu es entré dans ma vie et tu m’as fait baisser ma garde, tu as fait tomber les murs en t’intéressant à la vraie moi. En voyant ton amour inconditionnel au début de notre relation, la petite moi, celle qui a toujours désiré être aimée sincèrement, ne s’est plus caché. Elle est sortie et s’est accroché à toi comme à une bouée de sauvetage, déterminée à ne pas te lâcher, à ne pas te perdre. Alors oui, je suis devenue dépendante de toi, de ton regard bienveillant, de ta compréhension, de notre connexion. Je désirais être avec toi à chaque instant. C’est seulement avec toi que je pouvais me sentir aimée sans condition et oublier temporairement mon passé, oublier la solitude.

Cependant, cette relation n’a pas fait disparaître mon anxiété et mon insécurité. En fait, plus j’ai appris à te connaitre et à t’aimer, plus elles se sont renforcées. Je suis devenue hypersensible au moindre signe qui pourrait montrer que je n’étais pas assez bien pour toi, au plus petit signe de distance. Chaque signe déclenchait des réactions émotionnelles intenses. Je suranalysais tout, craignant que ce soit le signe que quelque chose changeait entre nous. Cette insécurité m’a toujours fait douter de ton affection pour moi.

Quand j’étais avec toi, ou quand j’étais calme et qu’aucun doute n’était venu me tarauder, je savais que ton affection pour moi était réelle, mais dans ces moments anxieux, je devenais désespérée de réassurance, la cherchant auprès de toi, encore et encore, dans un cercle vicieux ou plus de cherchais à me rassurer auprès de toi, plus j’avais peur de t’avoir fait fuir et cherchais de nouveau signe de cet impact. J’avais besoin d’un sentiment de certitude venant de toi, d’avoir l’impression d’être unique à tes yeux, irremplaçable. J’ai voulu être ta copine, certes, j’ai imaginé être ta sexfriend, oui, mais j’ai voulu par la suite, plus que tout, être ta meilleure amie. Le problème, c’est que j’ai cherché dans cette relation une sécurité idéalisée, qui n’existe pas à l’extérieur de moi.

Je savais très bien que mon besoin de réassurance te faisait fuir, mais j’étais submergée par une peur tellement intense, par des émotions tellement insupportables, que je n’arrivais pas à endiguer cela. Je suis désolée. Je n’ai jamais voulu te faire souffrir. Je ne veux pas être comme ça. Souvent j’ai l’impression de ne pas pouvoir le contrôler. J’avais peur que si je ne m’accroche pas, tu t’en ailles, et finalement j’ai provoqué la rupture. Je n’avais plus la lucidité de voir à quel point, en m’accrochant trop fort, je te faisais en réalité beaucoup de mal.

Ma peur de l’abandon est si écrasante que j’ai failli y laisser ma peau.

Ce schéma d’attachement anxieux m’accompagne depuis longtemps. Il s’était calmé, voir inversé, mais est revenu de plus bel avec toi et a affecté profondément notre relation. Je n’ai pas de mots assez fort pour dire à quel point je suis désolée.

J’ai touché le fond pour me rendre compte à quel point c’était sérieux et je travaille activement à changer. Je vais apprendre à m’aimer, à construire une véritable confiance en moi, et à trouver de l’épanouissement dans mes propres centres d’intérêt. Je travaillerai à maîtriser mes émotions et mes actes. Je bâtirai ma propre sécurité intérieure.

Mais malgré tout, je tiens à ne pas porter plus que ma part. Tu as une grande part de responsabilité dans la destruction de notre relation.

Tu es évitant.

Je refuse une vision manichéenne où je serai la vilaine dépendante affective et toi le gentil homme libre et indépendant, victime des méchantes femmes qui s’accrochent trop.

Tu as eu un comportement négligeant et irrespectueux plusieurs fois. Pourtant, j’ai fait preuve d’empathie pour comprendre comment tu es étais arrivé à te comporter ainsi et ça m’a amené à accepter ce qui dépassait mes limites et à en souffrir. Les rares fois où j’ai osé exprimé ma colère, tu as retourné la situation contre moi.

En mai, pendant mon expérience de transe chamanique, j’ai fait table rase de toutes les colères que j’avais stocker en moi, dont certaines à ton encontre, et j’étais prête à repartir sur de nouvelles bases. Mais tu as recommencé à être blessant, et j'ai recommencé à ravaler ma colère, ou à la transformer en tristesse.

De façon plus générale, pendant ces deux années de relation, tu as été lâche bien des fois, et tu le sais très bien. Tu n’as pas respecté mes limites tout en faisant semblant de faire des efforts. Tu t’es servi de moi et ayant toujours le bon mot au bon moment pour me faire rester près de toi. Tu m’as utilisée quand tu avais besoin de moi dans ta vie. Tu m’as manipulée en soufflant le chaud et le froid pour me retourner le cerveau. Tu as tout fait pour me garder sous emprise. Toutes les techniques de manipulation dont je lis les descriptions, je les ai subit avec toi ! J'en viens même à me demander si tu n’équilibres pas l’emprise que Julie a sur toi en la faisant subir à d’autres, pour te sentir mieux. Je serai même prête à parier qu’après moi, il y en aura d’autres, et que ça finira toujours de la même façon. Tu reproduiras sans cesse le même schéma tant que tu n’auras pas compris à quel point il est toxique.

Tu m’as humiliée en me poussant à te consoler d’une dispute avec Julie, un midi à la pizzeria, au moment où moi j’attendais une réponse à l’une de mes putains de lettres dans laquelle je t’ouvrais mon âme. Tu m’as humiliée en oubliant puis en annulant notre week-end et en retournant la situation contre moi, m’accusant d’être jalouse de Julie. Et tu m’as humiliée en affichant ton grand bonheur le lendemain dudit week-end.

Et aujourd’hui tu m’humilies en laissant mon dernier SMS sans réponse.

Je ne veux pas entendre tes « je suis tétanisé » alors qu’au fond ça t’arrange bien de ne pas répondre. C’est comme ça que tu te débarrasses des gens.

Je te le dis sans aucune colère aujourd’hui : tu t’es comporté comme un gros connard.

Et comme le dernier gros connard que j’ai mis face à lui-même, d’abord tu m’en voudras , et puis un jour tu reviendras vers moi parce que tu auras réalisé la perle rare et la relation précieuse que tu as perdues.

Conclusion

Tout cela ne signifie pas que je n’ai plus envie de cette relation avec toi.

Cela signifie que j’apprends aussi ce à quoi ressemble un niveau sain de dépendance et de confiance dans une relation intime.

Merci d’avoir été à mes côtés à travers tout ça.

Je te demande un peu plus de temps et de patience. Ne m’abandonne pas, d’accord ? Je sais que j’ai un long chemin à parcourir. Mais avec toi à mes côtés, j’ai vraiment le courage d’affronter n’importe quoi. Tu vois maintenant mes difficultés, et je suis véritablement prêt·e à changer. Je tiens tellement à toi. Je crois que nous pouvons traverser cela et aller jusqu’au bout ensemble. Resteras-tu avec moi et m’accorderas-tu une autre chance ?

Non mais j'étais sérieuse ? "Ne m'abandonne pas, d'accord ?".

C'est quoi cette conclusion de merde ?

C'est quoi ce paillason qui court après le mec alors l'avoir traité de connard ?

Cette conclusion sort de nulle part !

Enfin, si, elle sort du manque de respect que j'avais envers moi-même.

Dieu merci je ne lui ai pas envoyé cette lettre !

Vraiment, cette conclusion est syptomatique de mon état de dépendance à ce moment-là. De ma peur viscérale de perdre, même ce qui me détruisait.


Je voulais tellement croire qu’il suffisait d’aimer fort pour que tout s’arrange, que j’en oubliais la base : le respect de soi.

Cette conclusion, c’était le cri d’une femme qui ne savait pas encore poser ses limites, qui confondait amour et attachement, culpabilité et responsabilité.

J’étais prête à m’excuser d’avoir mal, à supplier celui qui m’avait blessée de rester un peu plus longtemps, juste pour ne pas faire face au vide.

Aujourd’hui, je la relis avec un mélange de tendresse et de honte.  Tendresse pour celle que j’étais : sincère, débordante, naïve.  Honte de voir à quel point je m’étais effacée pour un homme incapable de me regarder vraiment. Mais au fond, cette lettre, aussi maladroite soit-elle, marque un tournant : c’était la dernière fois que j’ai supplié quelqu’un de m’aimer.


Depuis, j’apprends à me choisir, même si ça veut dire qu’il ne me choisira pas.

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