1er octobre 2025
Fin septembre, j'ai eu des problèmes familiaux et j'ai du m'absenter du travail quelques semaines. Je devais me concentrer sur ma famille mais la tempête émotionnelle que je traversais me ramenait à lui.
Je l'ai appelé.
Il a décroché.
Je lui ai dit que j'avais besoin de lui parler, que je savais que j'avais détruit la relation mais que j'avais besoin de m'expliquer et de m'excuser.
Il m'a répondu "Je ne suis pas inacessible, mais il n'y a rien d'urgent. On ira déjeuner à ton retour".
Alors, moi, j'ai eu besoin d'écrire, encore, ce que je ressentais. Pour moi.
Clément,
Comme je te l’ai dit par téléphone, je sais que mon geste de juillet et ma fuite de septembre ont totalement détruit la relation. Je ne cherche pas à la réparer. Je cherche à ce que notre relation ne devienne pas un Nième trauma sur nos parcours déjà chaotiques, mais devienne une leçon de vie.
Je veux que tu saches que mon désespoir a été provoqué par une accumulation de souffrance au cours des semaines passées, puis par une accumulation d’évènements au cours de la journée. C’était un cri de douleur, parce que je me suis sentie complètement abandonnée, inadaptée, nocive. Je ressentais sincèrement que vous (toi, Xavier, mes enfants) seriez mieux sans moi. J’étais épuisée et me sentais impuissante.
Leçons de vie
Mais cette épreuve est ma plus grande leçon de vie.
La leçon que je retiens aujourd’hui, c’est que je dois d’avantage penser à moi. Lorsque je ressens le besoin de partir, peu importe ce que l’autre ressent : je dois partir. J’ai voulu arrêter notre relation un nombre incalculable de fois. Plus le temps avançait plus ça devenait à la fois irrépressible et impossible. J’ai voulu couper chaque fois que j’ai pris conscience du piège qui se refermait sur moi avec des phrases du type « la relation peut évoluer mais je ne veux pas te donner de faux espoirs ». J’ai voulu couper en décembre dernier, quand j’ai pris quelques jours de distance, juste avant nos vacances. J’avais de bonnes raisons, des éléments déclencheurs dont je n’ai jamais parlé. Je ressentais un besoin irrépressible de me protéger. Mais tu as gentiment pris de mes nouvelles et j’ai eu des scrupules, je n’ai pas voulu annuler nos vacances au dernier moment (et elles restent un super souvenir, alors je ne regrette pas). En mars aussi, tu le sais, j’ai voulu tout arrêter. Je me sentais prisonnière et je te l’ai dit. Mais à chaque fois, les doutes que cela faisait naitre en toi sur ta propre estime de toi, ta tristesse, ta peur d’être détesté, me donnais des scrupules, et je suis restée malgré l’invitation à me sentir libre. A chaque fois je me disais « il se remet en question alors on va y arriver ». J’ai cru que tu apprendrais de tes erreurs passées. Belle leçon de vie de ne pas attendre de quelqu’un qu’il change, même quand il exprime la volonté de grandir !
J’ai compris aussi pourquoi je croyais devenir folle. Je ressens tout, Clément, j’analyse tout malgré moi. Cette capacité est un cauchemar avec des personnes qui ne sont pas alignées. Les phrases contradictoires, le corps qui dit l’inverse des mots, le comportement qui dit l’inverse du discours, les stratégies d’évitement, les fuites innocentes, les problèmes externes qui arrivent comme par hasard au bon moment pour couper la dynamique d’échanges. Tu m’as reproché de rejouer les discussions et de revenir avec une perception différente le lendemain, comme si c’est moi qui avait un problème. Mais la clairvoyance n’est un problème que face à l’incohérence, face aux gens qui se mentent à eux-mêmes et disent l’inverse de ce qu’ils pensent et que leur corps trahi. Alors oui, je refais les discussions et quand je vois des incohérences et des stratégies d’évitement, ça me fait vriller. Alors ma leçon, c’est de m’éloigner des personnes qui ne sont pas alignées.
Quand à ma soit-disant « jalousie » de Julie, soit tu te trompes, soit tu fais semblant ou exprès de croire ce qui t’arrange. Crois-tu que je n’ai pas remarqué l’incroyable concomitance de tes « coups de mou » à cause de Julieet de mes partages d’inquiétude ou demandes de discussion ? Quand je repense à la fois où tu m’as poussé, à la pizzeria, à te consoler de ta dispute avec elle comme par hasard le lendemain d’un de mes mails à cœur ouvert ! Je t’ai écouté avec empathie en ravalant ma colère. Mais j’aurais dû me révolter : tu m’as manqué de respect, tu as manqué de respect pour l’authenticité dont j’avais fait preuve, tu as manqué de respect pour mon cœur ouvert, offert, sans armure. Je ne suis pas jalouse de Julie, je crois même que je la plains. Tu l’utilises à ton avantage pour être dans l’évitement de relations avec des personnes qui seraient vraiment disponibles pour toi parce que ça te fait flipper. Elle te sert à te rendre indisponible. Elle est ta « relation structurante » non pas parce qu’elle te fait réellement du bien, mais parce qu’elle est ta stratégie de protection. Alors, non, franchement, je ne suis pas jalouse !
Et je ne suis pas amoureuse, non plus. Depuis longtemps. Je n’avais pas compris que la douleur ne venait ni de la frustration à ne pas avoir une relation amoureuse, ni même à la frustration de ne plus partager une intimité sexuelle avec toi. Non, la douleur était juste du à ton système d’attachement évitant qui a exacerbé mon anxiété et perturbé mon système nerveux.
D’autres leçons en vrac : Fuir un homme qui dit « je ne veux pas te faire souffrir », parce que ça veut dire « Je sais que je vais te faire souffrir mais j’attends de toi que tu ne souffres pas, et si tu souffres je n’en serais pas responsable, je t’ai prévenu ». Remercier, au contraire, celui qui a la maturité de dire « Je sais que je risque de te faire souffrir, je préfère ne pas poursuivre la relation ». Et puis fuir un homme qui se plaint de ses ex et les fait passer pour folles. Remercier, au contraire, celui qui égraine toutes les erreurs qu’il a pu faire dans ses précédentes relations.
Je n’ai pas de colère envers toi. J’ai de la colère envers moi, d’apprendre ces leçons aussi tard, d’avoir failli y laisser ma peau et d’être devenue un si mauvais exemple pour ma fille. Je ne me suis pas respectée, je ne me suis pas écoutée, je t’ai laissé me piétiner de tes silences, je t’ai laissé souffler le chaud et le froid, je t’ai laissé me donner des miettes d’attention. Belle leçon de vie : si tu veux que quelqu’un te respecte, respecte-toi d’abord.
Mon mode de fonctionnement
Je ressens le besoin de t’expliquer ce que j’ai ressenti et ce que j’ai compris de mon mode de fonctionnement, non pas dans l’espoir que tu me comprennes, parce que c’est trop tard, mais par solidarité féminine, pour que peut-être tu comprennes un peu mieux la prochaine (parce que oui, tant que tu n’auras pas compris la leçon, la vie te mettra des Carines et des Maries sur ta route, comme elle t’a mis sur la mienne parce que j’avais besoin de comprendre des choses).
Ma souffrance dans la relation est le résultat de mes blessures et de mon anxiété. Mais certaines de tes façons de prendre de la distance réactivaient de façon violentes pour moi, ces blessures. J’aurais aimé qu’on en parle, pour trouver un chemin qui convienne à tous les deux, mais on n’a pas réussi à se comprendre. Je sais que tu avais besoin de distance parfois, pour ne pas te sentir envahi et te recentrer. Mais moi, dans ces moments-là, ce qui m’aurait aidé à rester apaisée, c’est d’avoir au moins un petit signe, un message court, sans avoir besoin de venir le chercher, de le demander. Mais au lieu de ça, maintes fois tu as utilisé le silence. Le silence n’est pas neutre. Ce n’est pas de l’espace, c’est de la négligence, c’est de la violence émotionnelle, douce mais dévastatrice. Chaque fois je me demandais ce que j’avais fait de mal, ce que j’aurais pu mieux faire. Mais maintenant je sais que ce n’était pas moi, ça n’a jamais été moi. Tes distances n’ont jamais rien dit de ma valeur, ils ne parlaient que de toi, de tes peurs, de tes incapacités. Pendant que tu te cachais derrière le silence, je me noyais en sur-analysant, en me perdant dans l’anxiété et le chagrin. Tu ne m’as pas seulement fait du mal, tu as perturbé mon système nerveux, tu m’as fait remettre en question ma réalité. Et elle est là, ma dépendance affective : ce n’est pas mon besoin d’être rassurée ou mon incapacité à accepter le besoin de distance, c’est au contraire ma capacité à accepter l’inacceptable, à excuser, à accepter les miettes, à accepter la violence du silence, à accepter le manque de respect.
« J’ai lu, j’ai besoin de digérer, on en reparle plus tard » est mature et respectueux. Et même en fin de relation, Christel aurait mérité un « J’ai lu ton message, je ne suis pas capable d’y répondre et je pense qu’il est mieux pour nous deux que je n’y réponde pas. » plutôt qu’un silence (si tu savais comme ta façon de la traiter m’a brisé le cœur, j’ai failli lui écrire et peut-être que je le ferai un jour). Et moi, à la question « Est-ce ainsi que ça se termine ? », ne méritais-je pas un « Oui, tu sais aussi bien que moi que c’est mieux ainsi. »
J’ai essayé de t’expliquer tout ça, et je ne te raconte pas ça pour que tu te sentes responsable, mais pour que tu comprennes à quel point tes comportement réveillent l’anxiété et la douleur. Ce que j’aurais voulu, c’est qu’on puisse trouver ensemble une manière de traverser ces moments sans que tu te sentes étouffé ou pas à la hauteur, et sans je me sente détruite. On n’a pas réussi.
J’aurais du jeter l’éponge plus tôt, j’aurais du comprendre que tu étais trop détruit pour abandonner tes mesures de protections, j’aurais du sentir que j’allais me détruire au contact de ton armure, que j’allais perdre confiance en moi, que je n’arriverai jamais à t’aider à baisser la garde. Par mon geste, je viens te confirmer que ton mode de fonctionnement évitant, tes stratégies de protection, sont les bonnes. La société valorise ton indépendance. Tu es la personne forte, et moi la personne faible qui cherche à mettre fin à sa vie. Evidemment, ce sont des foutaises. Mais tant pis.
Quand je relis cette lettre aujourd’hui, avec seulement quelques jours de recul, je vois toute la sincérité, la lucidité… et la douleur qui s’y mêlent. C’est une lettre écrite avec le cœur à vif, par une femme encore en plein naufrage, qui cherche à comprendre plutôt qu’à accuser.
Je reconnais dans chaque phrase la tentative désespérée de faire sens, de tirer de la souffrance quelque chose d’utile, de noble, presque rédempteur. J’y vois la force de celle qui refuse de haïr, même quand ce serait plus facile pour elle que de se remettre en question.
Mais j’y entends aussi la fatigue d’une femme qui croit encore qu’elle doit expliquer, justifier, enseigner. Comme si son salut dépendait du fait que l’autre comprenne enfin.
J'espère un jour atteindre un stade où je n’aurais plus besoin de cette justification. Je ne suis pas sûre de l'avoir déjà atteint.
Je suis encore dans un espace encore entre deux rives : celle de la dépendance et celle de la liberté.
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